Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2208049 du 17 mars 2023, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 8 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Petit, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 14 novembre 2022 ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail jusqu'au réexamen de sa situation ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 300 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour, qui ne mentionne pas la présence de son frère sur le territoire français et indique que ses parents, pourtant décédés, résident au Kosovo, est entaché d'erreurs de fait qui ont eu une incidence sur l'appréciation portée par le préfet sur sa situation ;
- ces erreurs mettent en évidence une absence d'examen particulier de sa situation ;
- les articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnus ; l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
- en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire.
Le préfet de l'Isère, auquel la requête a été communiquée, n'a pas présenté d'observations.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... A..., ressortissante kosovare née le 21 mars 1967, est entrée en France, selon ses déclarations, le 13 mars 2017 accompagnée de son époux et de trois de leurs enfants. A la suite du rejet de sa demande d'asile elle a fait l'objet d'un refus de titre et d'une obligation de quitter le territoire français de la préfète de la Gironde le 3 octobre 2019, confirmés par un jugement du 6 décembre 2019 du tribunal administratif de Bordeaux. Le 9 juillet 2020, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 novembre 2022, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 17 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation de Mme A..., quand bien même l'arrêté litigieux comporte une erreur de fait sur le décès de ses parents et ne mentionne pas que l'un de ses frères réside régulièrement en France.
3. En deuxième lieu, d'une part, en s'abstenant d'indiquer qu'un frère de Mme A... résidait régulièrement en France, le préfet, qui n'était pas tenu de mentionner l'ensemble des éléments se rapportant à la situation de Mme A..., n'a pas commis d'erreur de fait. D'autre part, si l'arrêté mentionne par erreur, pour justifier des attaches dont Mme A... dispose dans son pays, que le père et la mère de Mme A... y résident alors qu'ils sont décédés, il indique également qu'y résident deux frères, deux sœurs, ainsi que son fils majeur. Ainsi, et alors que Mme A... ne conteste pas la présence de ces différents proches dans son pays d'origine, l'erreur de fait qui entache l'arrêté n'a pu être que sans incidence sur l'appréciation portée par le préfet sur la situation de Mme A... et n'est, en conséquence pas susceptible d'affecter sa légalité.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L.423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision en litige, Mme A... résidait depuis un peu plus de cinq ans en France, mais avait fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français trois ans auparavant qu'elle n'avait pas exécutée. Si l'un de ses frères réside régulièrement en France et que le tribunal administratif de Grenoble a, par un jugement du même jour que celui dont elle relève appel, annulé le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français pris le 27 juillet 2022 à l'encontre de son fils B... au motif que le refus de titre serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle, son conjoint, ainsi que sa fille D..., se trouvent également en situation irrégulière en France. Ni le PACS conclu postérieurement aux décisions en litige par D... avec un serbe résidant régulièrement en France, ni la promesse d'embauche D... dans une boulangerie ne suffisent à démontrer que cette dernière avait, à la date des décisions en litige, le centre de ses intérêts privés et familiaux en France. Mme A... n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Kosovo où elle a vécu jusqu'à l'âge de cinquante ans et où résident deux frères, deux sœurs, ainsi que son fils majeur. Rien ne fait enfin obstacle à ce que son fils mineur poursuive sa scolarité au Kosovo. Dans ces conditions, alors même que Mme A... se prévaut également de ses activités bénévoles, de sa participation à divers ateliers et de son apprentissage de la langue française ainsi que d'une promesse d'embauche de son conjoint, le refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Isère aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas non plus fondée à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
6. En quatrième lieu, les éléments dont Mme A... se prévaut à l'appui de sa demande de titre de séjour, rappelés au point précédent, ne constituent pas des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, en refusant d'accorder à Mme A... un titre de séjour sur ce fondement, le préfet de l'Isère n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Compte tenu de ce qui précède sur la légalité du refus de titre de séjour, Mme A... n'est pas fondée à demander, par voie de conséquence de l'annulation de cette décision, l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
8. Dès lors que Mme A... se prévaut des mêmes éléments pour contester l'obligation de quitter le territoire français que ceux dont elle s'est prévalue pour contester le refus de titre de séjour, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment.
Sur la décision fixant le pays de destination :
9. Compte tenu de ce qui précède sur la légalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français, Mme A... n'est pas fondée à demander, par voie de conséquence de l'annulation de ces décisions, l'annulation de la décision fixant le pays de destination.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
La rapporteure,
A. Duguit-LarcherLe président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY01971
kc