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17/10/2024 | FRANCE | N°23LY03332

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 17 octobre 2024, 23LY03332


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 13 février 2023 par lesquelles la préfète du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois.



Par jugement n° 2302068 du 27 juin 2023, le tribunal administrat

if de Lyon a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 13 février 2023 par lesquelles la préfète du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois.

Par jugement n° 2302068 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Beligon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal administratif a omis de statuer sur ses demandes tendant à ce que l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) soit mis en cause en tant qu'observateur et à ce que l'entier dossier de cet office soit communiqué ;

- le refus de séjour méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français ne repose pas sur un examen particulier de sa situation ;

- l'obligation de quitter le territoire français et la fixation du délai de départ volontaire sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les articles 8, 3 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la fixation du délai de départ volontaire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle ne repose pas sur un examen particulier de sa situation ;

- la fixation du pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de celle de la mesure d'éloignement ;

- elle méconnaît les articles 8, 3 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle ne repose pas sur un examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit d'observations.

Le directeur de l'office français de l'immigration et de l'intégration a présenté des observations par courrier du 4 juillet 2024.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 20 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard ;

- et les observations de Me Beligon, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant nigérian né le 6 juin 2000, est entré en France le 11 octobre 2018, selon ses déclarations, et a demandé la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande a été rejetée, en dernier lieu, par la Cour nationale du droit d'asile, le 12 février 2021. Le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour par une décision du 30 avril 2021. Le 27 juillet 2022, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 13 février 2023, la préfète du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois. M. B... relève appel du jugement du 27 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

3. Pour rejeter la demande de titre de séjour formée par M. B..., la préfète du Rhône s'est appropriée l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), lequel a estimé, le 10 janvier 2023, que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale, un défaut de prise en charge ne devrait pas être de nature à entraîner pour M. B... des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'avis précisant en outre qu'il pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine.

4. Pour contredire cet avis, le requérant, qui fait valoir qu'il est atteint d'un état de stress post-traumatique d'intensité sévère et de troubles anxio-dépressifs, produit, pour la première fois en appel, un certificat médical établi par un médecin psychiatre du centre hospitalier Le Vinatier qui le suit depuis 2022. Si ce certificat a été établi le 26 septembre 2023, soit six mois après la décision en litige, il est de nature à éclairer la situation de M. B... à la date de cette décision. S'il fait état d'une amélioration de son état santé grâce à la prise en charge médicale mise en place, associant traitement médicamenteux par sertraline et consultations médicales, ce certificat souligne néanmoins le risque de complications d'une exceptionnelle gravité en cas de rupture de la prise en charge, et fait état dans cette hypothèse d'une majoration du risque suicidaire et du risque de raptus anxieux. La circonstance que l'intéressé n'a bénéficié que d'une seule prise en charge en ambulatoire sans admission en urgence, est de nature à établir l'efficacité du traitement actuel, non pas l'absence de gravité exceptionnelle des conséquences d'une privation de ces soins. Dans ces conditions, c'est à tort que la préfète du Rhône a estimé que le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner, pour M. B..., des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il suit de là qu'en se fondant sur cet unique motif pour refuser de délivrer le titre de séjour, la préfète du Rhône a méconnu l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que le refus de séjour opposé à M. B..., ainsi que, par voie de conséquence, les décisions l'obligeant à quitter le territoire français, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois doivent être annulées.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement ni les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète du Rhône du 13 février 2023.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

6. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ". Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

7. Eu égard au motif qu'il retient pour annuler l'arrêté pris à l'encontre de M. B..., le présent arrêt implique nécessairement au sens des dispositions précitées, mais seulement, que la préfète du Rhône lui délivre une autorisation provisoire de séjour et réexamine sa demande, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

8. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Beligon, avocate de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Beligon de la somme de 1 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2302068 du tribunal administratif de Lyon du 27 juin 2023 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 13 février 2023 par lequel la préfète du Rhône a refusé à M. B... la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois, est annulé.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète du Rhône de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. B... et de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Beligon, avocate de M. B..., une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative ainsi qu'à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Arbaretaz, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

M. Savouré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.

La rapporteure,

A. Evrard

Le président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière.

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N° 23LY03332


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03332
Date de la décision : 17/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme PSILAKIS
Avocat(s) : BELIGON

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-17;23ly03332 ?
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