Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 26 septembre 2023 par lesquelles le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, ainsi que la décision du même jour par laquelle la préfète du Rhône l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par jugement n° 2308133 du 12 octobre 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 2 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Shibaba, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt et sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le refus de délai de départ volontaire méconnaît les articles 5 et 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les articles L 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation qui lui est faite de se présenter deux fois par semaine à la direction zonale de la police aux frontières méconnaît l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône et à la préfète du Rhône qui n'ont pas produit d'observations.
La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B... a été rejetée par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 20 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Evrard ayant été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant comorien né le 5 mai 1985, est entré en France en 2018, selon ses déclarations. Le 26 septembre 2023, il a fait l'objet d'une vérification de son droit au séjour en France à la suite d'un contrôle d'identité en gare de Marseille Saint-Charles. Par un arrêté du 26 septembre 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et, par un arrêté du même jour, la préfète du Rhône l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 12 octobre 2023, dont M. B... relève appel, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Et aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ".
4. L'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône, après avoir visé notamment l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, énonce que M. B..., qui n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. L'intéressé est ainsi informé que la mesure d'éloignement est fondée sur le 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cet arrêté rappelle également les circonstances de fait attachées à la situation personnelle du requérant, et, notamment, les éléments qu'il a déclarés sur la date de son entrée en France et sa vie matrimoniale. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de l'obligation de quitter le territoire français, serait insuffisamment motivé, alors même qu'il vise également plusieurs articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatifs aux autres décisions contenues dans cet arrêté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) au bien-être économique du pays (...) ".
6. M. B... fait valoir qu'il est entré en France en 2018, qu'il a engagé une relation avec une compatriote titulaire d'une carte de résident avec laquelle il a conclu un mariage religieux et qu'il prend soin des enfants de cette dernière. Toutefois, le requérant, qui n'a pas sollicité la régularisation de sa situation administrative avant l'édiction de la décision en litige, n'a jamais été admis à résider en France et n'apporte aucun élément relatif à la durée effective de son séjour sur le territoire. Il ne précise pas davantage la durée de la relation dont il se prévaut. En se bornant à produire un formulaire de déclaration de pacte civil de solidarité non daté ni renseigné ainsi qu'une facture d'électricité du domicile commun datée du mois d'août 2023 et une photographie, le requérant ne justifie pas de l'intensité de cette relation. Enfin, il n'établit pas être dépourvu de toute attache privée et familiale aux Comores, où résident notamment ses parents et ses frères et sœurs. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des conditions du séjour de l'intéressé, l'obligation de quitter le territoire français ne porte pas au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, elle n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) ".
8. Pour refuser d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire, le préfet des Bouches-du-Rhône s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé n'a pu justifier être entré régulièrement sur le territoire français et qu'il n'a pas sollicité son admission au séjour, si bien qu'il existe un risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement prononcée à son encontre. Il ressort des pièces du dossier, et, notamment, des termes mêmes de la décision en litige, que le préfet a également tenu compte de la relation déclarée par l'intéressé. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le préfet des Bouches-du-Rhône, en estimant que l'ancienneté et l'intensité des attaches familiales de l'intéressé sur le territoire n'étaient pas établies et que ces dernières ne justifiaient pas l'octroi d'un délai de départ volontaire, n'a entaché sa décision d'aucune erreur manifeste d'appréciation.
9. En second lieu, aux termes de l'article 5 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 : " Lorsqu'ils mettent en œuvre la présente directive, les États membres tiennent dûment compte : / a) de l'intérêt supérieur de l'enfant, / b) de la vie familiale, c) de l'état de santé du ressortissant concerné d'un pays tiers, et respectent le principe de non-refoulement. " Aux termes de l'article 7 de la même directive : " 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. ".
10. M. B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions des articles 5 et 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 dont il ne soutient pas qu'elles auraient été insuffisamment transposées en droit interne à la date de la décision en litige.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
11. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour ".
12. Pour prononcer à l'encontre de M. B..., qui s'est vu refuser tout délai de départ volontaire pour exécuter l'obligation de quitter le territoire prise à son encontre, une interdiction de retour sur le territoire français, le préfet des Bouches-du-Rhône a relevé notamment que si l'intéressé a déclaré être entré en France en 2018, il n'établit pas avoir habituellement résidé sur le territoire depuis cette date et qu'il ne justifie pas de la réalité ni l'ancienneté de sa relation avec une compatriote ni de l'absence de lien dans son pays d'origine. Contrairement à ce qu'il soutient, les éléments dont le requérant fait état, rappelés au point 6, ne constituent pas une circonstance humanitaire justifiant que l'autorité administrative s'abstienne de prononcer une interdiction de retour sur le territoire français. Le préfet n'a, par suite, pas commis d'erreur d'appréciation en prononçant une telle interdiction.
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
13. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". Aux termes de l'article L. 731-2 du même code : " L'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 731-1 peut être placé en rétention en application de l'article L. 741-1, lorsqu'il ne présente plus de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement (...) ".
14. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que la justification de garanties de représentation constitue une condition préalable à l'adoption d'une mesure d'assignation à résidence et ne saurait, dès lors, faire obstacle à ce qu'une telle mesure soit prononcée. M. B... ne peut en conséquence utilement se prévaloir de garanties de représentation, et notamment d'un logement, pour contester la décision litigieuse.
15. Par ailleurs, la circonstance invoquée par le requérant, tirée de ce qu'il a remis son passeport à l'autorité administrative, ne fait pas obstacle à ce que la préfète du Rhône, qui ne s'est pas estimée tenue de prendre une telle décision, l'assigne à résidence pour une durée de quarante-cinq jours sur le fondement de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le requérant a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant sans qu'un délai de départ volontaire ne lui ait été accordé.
16. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
17. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de M. B... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent également être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. B....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Arbaretaz, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
La rapporteure,
A. Evrard
Le président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière.
2
N° 23LY03408