Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2021 par lequel le préfet de la Côte d'Or lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " entrepreneur-profession libérale ".
Par un jugement n° 2103332 du 17 novembre 2022, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 janvier et 15 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Buvat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Côte d'Or, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt, de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur-profession libérale " ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de rejeter les conclusions du préfet de la Côte d'Or au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'erreur de droit, d'erreurs de fait et méconnait les dispositions de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est fondé à se prévaloir, s'agissant de l'application des dispositions de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la circulaire du 29 octobre 2007 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire, enregistré le 2 décembre 2023, le préfet de la Côte d'Or, représenté par Me Rannou, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 18 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Chassagne, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant de la République Populaire de Chine, né le 18 avril 1970 à Tianjin, est entré régulièrement en France en 2004. Après la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " à compter du 4 novembre 2004, renouvelé à plusieurs reprises jusqu'au 3 novembre 2011, l'obtention de plusieurs diplômes et le suivi d'une formation relative à la création d'entreprise, un titre de séjour portant la mention " entrepreneur " lui a été accordé le 11 décembre 2013 à la suite de la création d'une société, également renouvelé à plusieurs reprises. Sous ce statut, il a exploité un commerce de détail en alimentation asiatique et, en dernier lieu, une activité de restauration à Dijon à partir de 2019. Le 31 décembre 2020, M. A... a demandé le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " entrepreneur-profession libérale " valable jusqu'au 19 décembre 2020, sur le fondement de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refusé par un arrêté du préfet de la Côte d'Or du 26 novembre 2021. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Dijon qui a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. Il ressort des pièces du dossier que l'activité commerciale pour laquelle M. A... a demandé le renouvellement de son titre de séjour, qui correspondait essentiellement à l'exploitation d'un restaurant asiatique avec vente sur place ou à emporter, a débuté le 10 octobre 2019, soit peu de temps avant la survenance de la crise sanitaire de 2020. Toutefois, si le bilan comptable de la société exploitant cette activité, dont M. A... est l'associé majoritaire et le gérant, faisait apparaitre un résultat net comptable négatif au titre de 2020, il était néanmoins positif pour l'année 2021. Ainsi, il apparait que M. A... a pu, dès le début de l'année 2021, bénéficier du versement de sommes mensuelles allant jusqu'à 1 000 euros en remboursement de son compte d'associé au sein de cette société. Si cette activité de restauration ne procurait pas à M. A..., avant le refus de titre de séjour en litige, des revenus au moins équivalents au SMIC, il apparaît toutefois qu'elle était alors en développement et susceptible de lui procurer à l'avenir de tels revenus. Il résulte par ailleurs de nombreuses attestations produites que la clientèle du restaurant l'appréciait particulièrement, tout en relevant ses qualités personnelles. En outre, M. A..., présent sur le territoire national en situation régulière depuis 2004, titulaire de plusieurs diplômes et ayant exploité plusieurs activités commerciales, apparaît particulièrement inséré sur les plans personnel et professionnel. Dans ces conditions, et au regard de l'ensemble des éléments du dossier, l'arrêté contesté apparaît procéder d'une erreur manifeste d'appréciation.
3. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Ce jugement, ainsi que l'arrêté du 26 novembre 2021, doivent donc être annulés.
4. Le présent arrêt, eu égard à ses motifs, implique nécessairement, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, qu'il soit enjoint au préfet de la Côte d'Or de délivrer à M. A... un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", l'autorisant à travailler conformément à l'article L. 414-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de deux mois à compter de sa notification.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat, au profit de M. A..., une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de ce dernier, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par le préfet de la Côte d'Or et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 17 novembre 2022 et l'arrêté du préfet de la Côte d'Or du 26 novembre 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Côte d'Or, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par le préfet de la Côte d'Or au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte d'Or.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Picard, Président de Chambre,
Mme Duguit-Larcher, présidente-assesseure,
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2024.
Le rapporteur,
J. Chassagne
Le président,
V-M. Picard Le greffier en chef,
C. Gomez
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY00210
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