La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/11/2024 | FRANCE | N°23LY02461

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 07 novembre 2024, 23LY02461


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 25 septembre 2020 par laquelle le recteur de l'académie de Clermont-Ferrand a, d'une part, expressément refusé de reconnaître l'imputabilité au service des accidents dont il a été victime les 25 novembre et 7 décembre 2019 ainsi que les arrêts de travail qui en découlent du 22 janvier 2020 au 2 octobre 2020, d'autre part, implicitement refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son a

rrêt de travail du 26 novembre au 8 décembre 2019 et de son arrêt de travail du 13 au 21 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 25 septembre 2020 par laquelle le recteur de l'académie de Clermont-Ferrand a, d'une part, expressément refusé de reconnaître l'imputabilité au service des accidents dont il a été victime les 25 novembre et 7 décembre 2019 ainsi que les arrêts de travail qui en découlent du 22 janvier 2020 au 2 octobre 2020, d'autre part, implicitement refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son arrêt de travail du 26 novembre au 8 décembre 2019 et de son arrêt de travail du 13 au 21 janvier 2020.

Par un jugement n° 2002118 du 8 juin 2023, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 25 juillet 2023, M. A..., représenté par la SCP Borie et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et les décisions mentionnées ci-dessus ;

2°) d'enjoindre au recteur de prendre une décision d'imputabilité au service de son trouble anxieux dépressif dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;

3 °) subsidiairement, ordonner avant-dire-droit une expertise afin de déterminer si sa pathologie est imputable au service ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'avis de la commission de réforme du 15 septembre 2020 n'est pas motivé ;

- cette commission était irrégulièrement composée au regard des dispositions du décret du 14 mars 1986 applicable en l'espèce, faute de compter parmi ses membres un médecin spécialiste en psychiatrie ;

- la décision ayant refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son accident est entachée d'une insuffisante motivation ;

- le recteur aurait dû diligenter une enquête après la déclaration d'accident de service du 28 janvier 2020 afin d'établir le contexte dans lequel cet accident est survenu ;

- les évènements des 25 novembre 2019 et 7 décembre 2019 sont constitutifs d'accidents de service au sens de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 ; n'ayant commis aucune faute personnelle, ces évènements ne sauraient être détachés du service ; il existe une relation directe et certaine entre l'état anxiodépressif sévère médicalement constaté et les évènements soudains et inattendus des 25 novembre et 7 décembre 2019.

Par une ordonnance du 19 avril 2024, l'instruction a été close au 21 mai 2024.

Un mémoire a été présenté par le recteur de l'académie de Clermont-Ferrand le 23 septembre 2024 postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., professeur hors classe en éducation artistique et arts appliqués, affecté depuis l'année scolaire 2019/2020 au sein du lycée professionnel Val d'Allier à Varennes-sur-Allier, a établi le 28 janvier 2020 une déclaration d'accident de service en se prévalant de lésions provoquées par des faits survenus les 25 novembre et 7 décembre 2019. Par un jugement du 8 juin 2023 dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 25 septembre 2020, prise après avis défavorable de la commission de réforme du 15 septembre 2020, par laquelle le recteur de l'académie de Clermont-Ferrand a, d'une part, expressément refusé de reconnaître l'imputabilité au service des accidents dont il a été victime les 25 novembre et 7 décembre 2019 ainsi que les arrêts de travail qui en découlent du 22 janvier 2020 au 2 octobre 2020 et, d'autre part, implicitement refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son arrêt de travail du 26 novembre au 8 décembre 2019 et de son arrêt de travail du 13 au 21 janvier 2020.

2. En premier lieu, les avis rendus par la commission de réforme ne figurent pas au nombre des décisions qui doivent être motivées en application du code des relations entre le public et l'administration.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 12 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires visé ci-dessus, dans sa version applicable au litige : " Dans chaque département, il est institué une commission de réforme départementale compétente à l'égard des personnels mentionnés à l'article 15. Cette commission (...) est composée comme suit : (...) 4. Les membres du comité médical prévu à l'article 6 du présent décret. / (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 6 de ce décret : " La composition de ce comité est semblable à celle du comité médical ministériel prévu à l'article 5 (...) ". Aux termes de l'article 5 dudit décret : " Ce comité comprend deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, pour l'examen des cas relevant de sa qualification, un spécialiste de l'affection pour laquelle est demandé le bénéfice du congé de longue maladie ou de longue durée prévu à l'article 34 (3e et 4e) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. "

4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

5. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'une commission de réforme départementale statue sur une demande d'un agent, alors même que cette demande ne porte pas sur l'octroi d'un congé de longue durée ou de longue maladie, elle doit en principe comporter un spécialiste compétent pour l'affection principale dont il est atteint et au titre de laquelle est formulée cette demande. Or il est constant que la commission de réforme qui s'est prononcée le 15 septembre 2020 sur le cas de M. A... ne comprenait aucun spécialiste, et plus précisément, s'agissant de son cas, aucun médecin psychiatre. Toutefois, la commission de réforme s'est bornée à constater que la situation de M. A... n'entrait pas dans le champ des accidents de service et il ressort des termes de la décision en litige que l'administration a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de M. A... au motif que sa pathologie s'était développée à la suite d'évènements relevant du " champ normal des relations de régulation entre un enseignant et sa hiérarchie ". Dans ces conditions, l'absence d'un médecin psychiatre n'a pu, en l'espèce, ni priver M. A... d'une garantie ni exercer une influence sur le sens de la décision prise.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

7. La décision en litige vise l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 relatif aux accidents de service et indique qu'après examen des pièces du dossier, de l'avis de la commission de réforme du 15 septembre 2020 et étude de sa situation, les accidents du 25 novembre et du 7 décembre 2019 ainsi que les arrêts de travail qui en découlent, du 22 janvier au 2 octobre 2020, n'ont pas à être reconnus comme imputables au service. La décision précise que " l'inspection et le rapport qui s'en est suivi appartiennent au champ normal des relations de régulation entre un enseignant et sa hiérarchie. Ils ne peuvent en aucun cas être considérés comme des accidents de service. ". Le recteur n'était tenu ni de mentionner avec plus de précision les pièces composant le dossier examiné, ni d'exposer les arguments de M. A... pour voir son accident reconnu comme imputable au service. Par ailleurs, dès lors que le recteur ne s'est pas borné à motiver sa décision par renvoi à l'avis rendu par la commission de réforme, le fait qu'il n'ait pas mentionné le sens de cet avis et qu'il ne l'ait pas joint à la décision en litige est sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation. La décision litigieuse, qui comprend les considérations de droit et les éléments de fait sur lesquels elle se fonde, est suffisamment motivée au regard des dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration.

8. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés par le tribunal qu'il y a lieu d'adopter, et alors qu'il n'apparaît pas, en l'espèce, qu'une telle enquête eut été nécessaire, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision serait illégale, faute pour le recteur d'avoir diligenté une enquête avant de prendre la décision en litige.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, (...). / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) / II.- Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service (...) ".

10. Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions précitées, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.

11. Ni les propos tenus le 25 novembre 2019, à les supposer même avérés, par lesquels l'inspecteur d'académie a rappelé à M. A... les raisons pour lesquelles une inspection avait été demandée par la proviseure de l'établissement, ni le rapport rédigé par cette dernière à destination du recteur d'académie, que l'intéressé a reçu le 7 décembre 2019, qui fait état d'accusations de racisme et de gestes équivoques ainsi que d'insultes envers des élèves et de discrimination dont auraient fait l'objet des élèves handicapés, n'ont, en l'espèce, excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et ce, malgré la surprise que ces éléments ont pu créer pour lui et le fait qu'il en conteste la réalité. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été victime d'un accident de service au sens des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983.

12. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre de l'éducation nationale.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Clermont-Ferrand.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre,

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure,

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2024.

La rapporteure,

A. Duguit-LarcherLe président,

V.-M. Picard

Le greffier en chef,

C. Gomez

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY02461

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02461
Date de la décision : 07/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : BORIE & ASSOCIES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-07;23ly02461 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award