Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2023 par lequel la préfète de l'Allier l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 24 mois, et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2309799 du 22 novembre 2023, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 13 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Guillaume, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 16 novembre 2023 de la préfète de l'Allier ;
2°) d'enjoindre à la préfète de l'Allier de procéder à l'effacement du signalement sur le ficher d'information Schengen ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Allier de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compte de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal ne pouvait procéder à une substitution de base légale sans le priver d'une garantie au regard de son droit à la protection des données à caractère personnel ;
- les décisions sont entachées d'un vice de procédure, pour être fondées sur une consultation du traitement d'antécédents judiciaires (TAJ) intervenue dans des conditions irrégulières ; en méconnaissance des dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale, il n'a pas été informé de la consultation de ce fichier ; la préfète ne justifie ni de l'habilitation ni de l'identité de la personne qui l'a consulté et ne démontre pas avoir préalablement saisi, pour complément d'informations, les services de police ou de gendarmerie et/ou le procureur de la République ;
- sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le refus de délai de départ volontaire est illégal du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et de fait au regard de l'absence de menace à l'ordre public ;
- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il a cherché à régulariser sa situation administrative ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la préfète de l'Allier n'a pas tenu compte de la nature et de l'ancienneté de ses attaches sur le territoire français, en méconnaissance de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la décision est insuffisamment motivée sur ce point ;
- la durée d'interdiction est manifestement disproportionnée ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne.
Par un mémoire enregistré le 13 septembre 2024, la préfète de l'Allier conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 13 septembre 2024, l'instruction a été close au 27 septembre 2024.
Par une décision du 15 juillet 2024, le président de la cour a rejeté le recours présenté par M. A... contre la décision lui refusant le bénéfice de l'aide juridictionnelle du 20 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) 2016/679 du parlement européen et du Conseil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de procédure pénale ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Boffy, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 16 novembre 2023, la préfète de l'Allier a fait obligation à M. A..., ressortissant camerounais né le 10 octobre 1999, de quitter le territoire sans délai, avec interdiction de retour sur le territoire français dans un délai de 24 mois, et a fixé le pays de destination. M. A... a été placé au centre de rétention administrative de Lyon. M. A... relève appel du jugement du 22 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête.
2. En premier lieu, en l'absence d'élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le premier juge, d'écarter les moyens invoqués à l'encontre des décisions contestées, tenant à un défaut de motivation, à des conditions de consultation irrégulières du traitement d'antécédents judiciaires (TAJ), à l'absence de menace pour l'ordre public, à la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, à une erreur manifeste d'appréciation, à une erreur de fait dès lors qu'il a cherché à régulariser sa situation administrative.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ".
4. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.
5. Il ressort des termes de la décision contestée que la préfète de l'Allier a mentionné que M. A... " a fait l'objet d'un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français notifié le 11 mai 2018 (...) ", qu'il " n'a pas déferré à cette mesure d'éloignement et se maintient irrégulièrement sur le territoire français (...) " et " qu'il déclare n'avoir accompli aucune démarche pour régulariser sa situation administrative ". Si le magistrat désigné a estimé que le comportement de M. A... ne constituait pas une menace pour l'ordre public, c'est à juste titre qu'il a substitué aux dispositions du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile celles du 3° du même article, dès lors que l'administration disposait du même pouvoir d'appréciation sur ces deux fondements et que M. A... n'a pas été privé d'une garantie prévue par le 3° de cet article. Il ne peut à cet égard utilement se prévaloir de la méconnaissance de la garantie qu'il tiendrait du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relative au droit fondamental à la protection de données à caractère personnel. Aucune illégalité de l'obligation de quitter le territoire français n'est sur ce point caractérisée.
6. En troisième lieu, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant d'octroyer un délai de départ volontaire serait, par voie de conséquence de ce qui précède, illégale.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. " ; aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. ".
8. S'il est vrai que la préfète de l'Allier ne pouvait fonder sa décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire sur le 1° précité de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que M. A... a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance à la suite de son arrivée, mineur, sur le territoire français, et qu'il a présenté une demande de titre de séjour à sa majorité, la préfète a également fondé sa décision sur les alinéas 5° et 8° du même article. Or il apparaît et n'est pas contesté que M. A... s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et qu'il ne présente pas de garantie suffisante de représentation, ne justifiant par ailleurs ni d'une adresse stable ni d'un document de voyage en cours de validité. Par suite, la préfète de l'Allier pouvait lui refuser, sans erreur de fait ni d'appréciation, l'octroi d'un délai de départ volontaire.
9. En cinquième lieu, et compte tenu de ce qui précède, la décision d'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas, contrairement à ce que soutient M. A..., illégale du fait de l'obligation de quitter le territoire français.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entré et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. " ; aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
11. M. A..., qui a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement à laquelle il s'est soustrait, ne justifie d'aucune attache sur le territoire français, ni d'éléments d'insertion, ni de la continuité de son séjour. Par suite, et quand bien même sa présence sur le territoire français ne constitue pas une menace à l'ordre public, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées doivent être écartés. La préfète de l'Allier a pu, sans erreur manifeste d'appréciation au regard de circonstances humanitaires particulières dont l'intéressé ne justifie pas, fixer à deux ans l'interdiction de retour sur le territoire français.
12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre,
Mme Duguit-Larcher, présidente-assesseure,
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2024.
La rapporteure,
I. BoffyLe président,
V-M. Picard
Le greffier en chef,
C. Gomez
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY03838
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