Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler la décision du 6 janvier 2022 par laquelle la métropole de Lyon a restreint son agrément d'assistante maternelle et d'enjoindre à cette collectivité de le lui rétablir, d'autre part, de condamner la métropole à lui verser la somme de 16 725,67 euros en réparation de ses préjudices.
Par un jugement n° 2200835-2202519 du 21 novembre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et trois mémoires enregistrés, respectivement, le 16 janvier 2024, 26 mars 2024, 28 mars 2024 et 9 septembre 2024, Mme D... A..., représentée par l'AARPI Admys Avocats, agissant par Me Hamon, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2200835-2202519 du 21 novembre 2023 du tribunal administratif de Lyon et de condamner la métropole à lui verser la somme de 16 725,67 euros en réparation de ses préjudices ;
2°) de mettre à la charge de la métropole de Lyon la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme A... soutient que :
- la décision du 6 janvier 2022 portant restriction de son agrément est intervenue au terme d'une procédure viciée par le défaut de motivation de la lettre du 10 novembre 2021 la convoquant devant la commission consultative paritaire départementale ;
- cette décision du 6 janvier 2022 est insuffisamment motivée, vise l'avis de la commission consultative paritaire départementale sans le joindre, reprend la motivation de la décision illégale de suspension du 10 septembre 2021, ce qui démontre une absence d'investigation et d'interrogation sur l'évolution de sa situation, est incohérente, et comporte, en méconnaissance de la procédure de modification d'agrément, un élément ne figurant pas dans la convocation du 10 novembre 2021 ;
- le reproche tenant à l'absence de déclaration, en août 2021, des enfants B... et C..., dont elle n'avait alors plus la garde, est infondé ; il n'est pas établi qu'elle aurait fait subir de mauvais traitements aux enfants gardés ; les dysfonctionnements qui lui sont reprochés, appréciés de manière erronée par les premiers juges, ne sont pas révélés par l'enquête de la métropole et relèvent davantage d'une entente compliquée avec certaines familles ;
- la responsabilité sans faute de la métropole de Lyon est engagée en raison du préjudice grave et spécial généré par la décision du 6 janvier 2022 portant restriction de son agrément et par la décision du 10 septembre 2021 portant suspension de son agrément ;
- son préjudice financier s'élève à 8 725,67 euros nets ; elle subit également un préjudice pour perte de chance d'accueillir des enfants, évalué à 3 000 euros, et un préjudice moral, évalué à 5 000 euros.
Par des mémoires en défense enregistrés le 3 mai 2024 et le 12 septembre 2024, la métropole de Lyon, représentée par la SELARL Carnot Avocats, agissant par Me Prouvez, conclut au rejet de la requête.
La métropole fait valoir que :
- la décision du 6 janvier 2022 et la lettre de convocation du 10 novembre 2021 sont motivées ;
- la requérante, qui avait déjà fait l'objet d'un rappel à ce sujet, n'a pas déclaré aux services de la protection maternelle et infantile deux enfants qu'elle a accueillis jusqu'en juillet 2021 ; la décision de restriction d'agrément ne repose pas sur un reproche de mauvais traitements ; les dysfonctionnements concernant l'accueil des enfants et les relations avec des familles sont établis ;
- sa responsabilité sans faute n'est pas susceptible d'être engagée eu égard aux manquements professionnels de la requérante, dont la suspension de l'agrément était justifiée par un dépôt de plainte reposant sur des faits de violence commis sur des enfants ; les préjudices de la requérante ne revêtent pas de caractère anormal et spécial ; la requérante ne peut pas en outre prétendre à une indemnisation au titre d'une perte de revenus, laquelle résulte de son arrêt de travail à l'issue duquel elle a accueilli trois enfants ; la perte de chance de retrouver un emploi n'est pas davantage établie puisque la requérante a repris son activité professionnelle dès octobre 2021 ; le préjudice moral invoqué n'est pas établi.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 18 octobre 2024 :
- le rapport de M. Gros, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Garcia, substituant Me Hamon, représentant Mme A... et celles de Me Berset, représentant la métropole de Lyon.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... A... bénéficie d'un agrément d'assistante maternelle depuis le 15 juillet 1999, qui a été renouvelé à plusieurs reprises et qui lui permettait d'accueillir jusqu'à quatre enfants simultanément. Le président de la métropole de Lyon a suspendu cet agrément entre le 10 septembre et le 1er octobre 2021 puis, après avoir recueilli l'avis de la commission consultative paritaire départementale, a, par décision du 6 janvier 2022, restreint cet agrément à l'accueil de trois enfants. Par un jugement du 21 novembre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 6 janvier 2022, au rétablissement d'une capacité d'accueil de quatre enfants et au versement d'une indemnité d'un montant total de 16 725,67 euros. Mme A... demande à la cour d'annuler ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité de la décision du 6 janvier 2022 :
2. En premier lieu, la décision attaquée mentionne les reproches ayant conduit le président de la métropole à estimer que ses services ne pouvaient plus garantir la santé, la sécurité et l'épanouissement des enfants pouvant être accueillis au domicile de la requérante. Cette motivation répond aux exigences de l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles qui dispose que " Toute décision de retrait de l'agrément, de suspension de l'agrément ou de modification de son contenu doit être dûment motivée ". Une telle motivation qui, contrairement à ce qui est soutenu, ne reprend pas celle de la lettre du 10 novembre 2021 invitant Mme A... à comparaître devant la commission consultative paritaire départementale, réunie le 29 novembre 2021, et à y produire ses observations écrites ou orales, mais, en revanche, reprend celle de l'avis, qui est visé, rendu le même 6 janvier 2022 par cette commission, dont les membres avaient connaissance du rapport de l'enquête diligentée par le président de la métropole, ne révèle aucun défaut d'examen de la situation de Mme A....
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 421-23 du code de l'action sociale et des familles : " Lorsque le président du conseil départemental envisage de retirer un agrément, d'y apporter une restriction (...), il saisit pour avis la commission consultative paritaire départementale (...) en lui indiquant les motifs de la décision envisagée. / L'assistant maternel (...) concerné est informé, quinze jours au moins avant la date de la réunion de la commission, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, des motifs de la décision envisagée à son encontre, de la possibilité de consulter son dossier administratif et de présenter devant la commission ses observations écrites ou orales. (...) ". En vertu de l'article L. 3611-3 du code général des collectivités territoriales, s'agissant de la métropole de Lyon, le président du conseil de la métropole exerce les compétences dévolues en cette matière au président du conseil départemental.
4. La lettre de convocation devant la commission consultative paritaire départementale du 10 novembre 2021 expose de manière précise, conformément aux exigences des dispositions de l'article R. 421-23 du code de l'action sociale et des familles, les reproches adressés à Mme A... par le président de la métropole qui envisage à ce moment de retirer son agrément, à savoir : de mauvais traitements, certains ayant conduit à un dépôt de plainte, un défaut de surveillance et/ou une délégation de garde, des courses effectuées et des rendez-vous personnels pris sur le temps de travail, une prise en charge inadaptée des enfants, un manque de stimulation des enfants confiés et de jeux ainsi que l'utilisation de la télévision.
5. Par ailleurs, cette lettre de convocation rappelle les termes d'un courrier métropolitain du 21 décembre 2020 mettant en demeure Mme A... de, notamment, déclarer les enfants accueillis dans un délai de huit jours au service de la protection maternelle et infantile. Mme A... a pu s'expliquer devant la commission sur les faits d'absence de déclaration des enfants C... et B..., faits retenus par le président de la métropole dans sa décision du 6 janvier 2022. La requérante n'est donc pas fondée à soutenir que la décision de restriction de son agrément reposerait sur un motif non soumis à la commission et sur lequel elle n'aurait pas pu présenter ses observations.
6. En dernier lieu, selon l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles, l'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel est délivré, par le président de la métropole, " si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne ". L'article L. 421-6 du même code dispose que " Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président [de la métropole] peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. En cas d'urgence, le président [de la métropole] peut suspendre l'agrément. Tant que l'agrément reste suspendu, aucun enfant ne peut être confié ".
7. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-39 du code de l'action sociale et des familles : " L'assistant maternel est tenu de déclarer [au président de la métropole], dans les huit jours suivant leur accueil, le nom et la date de naissance des mineurs qu'il accueille en cette qualité à titre habituel ou, en application des dispositions du II de l'article L. 421-4, à titre exceptionnel ainsi que les modalités de leur accueil et les noms, adresses et numéros de téléphone des représentants légaux des mineurs. Toute modification de l'un de ces éléments est déclarée dans les huit jours ".
8. Il ne ressort pas de la motivation de la décision du 6 janvier 2022 que le président de la métropole a entendu fonder la restriction de l'agrément de Mme A... sur un reproche de mauvais traitements de sa part envers des enfants dont elle avait la charge. La requérante n'est donc pas fondée à soutenir que cette décision serait incohérente au regard de la décision du 1er octobre 2021 par laquelle cette autorité, informée du classement sans suite de la plainte déposée par la mère de deux enfants confiés, a abrogé sa décision de suspension du 10 septembre 2021 fondée sur une suspicion de mauvais traitements dont cette plainte faisait état.
9. En revanche, il ressort du rapport d'enquête administrative du 27 octobre 2021, qui recense des faits rapportés de manière concordante par six parents employeurs, couvrant des périodes d'accueil d'enfants en 2019, 2020 et 2021, que Mme A..., principalement, s'est livrée à des occupations personnelles durant son temps de travail (courses, divers rendez-vous), faisait attendre des enfants, déjà vêtus, l'arrivée de leurs parents, négligeait de stimuler leur éveil, notamment par des jeux, au surplus, comme elle l'a reconnu devant la commission, visionnait la télévision vers 13 heures et 18 heures. Il est vrai que d'autres parents ont produit, dans le cadre de l'enquête administrative, des avis élogieux au sujet de Mme A..., à quoi s'ajoutent plusieurs témoignages, produits par la requérante, portant pour partie sur des périodes plus anciennes, également élogieux. Toutefois, ces appréciations ne peuvent pas remettre en cause la matérialité des faits reprochés à Mme A... et qui ont pu conduire le président de la métropole à estimer que n'étaient plus garantis la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs qui pourraient être accueillis au domicile de la requérante. Par suite, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le président de la métropole a restreint l'agrément de Mme A..., de quatre à trois enfants pouvant être simultanément accueillis à son domicile.
10. En outre, il ressort des pièces du dossier que Mme A... avait été embauchée par le père de l'enfant C..., âgée de quatre ans, et de l'enfant B..., âgé d'un an, à compter du 1er mars 2021 via des contrats, respectivement, à durée déterminée jusqu'au 31 juillet 2021 et à durée indéterminée. Il est constant que Mme A... n'a pas, fautivement, déclaré ces deux enfants à la métropole dans les huit jours suivant leur accueil, réitérant un comportement qui lui avait déjà été reproché et qui avait donné lieu à un avertissement du 21 décembre 2020 mettant en demeure cette assistante maternelle de respecter sa capacité d'accueil, alors de quatre enfants, et de se conformer à l'obligation de déclaration. Cet autre manquement, retenu par le président de la métropole, et qui exposait Mme A..., en application de l'article R. 421-16 du code de l'action sociale et des familles, à un retrait de son agrément, justifiait également la restriction de l'agrément.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la décision du 6 janvier 2022 n'est pas entachée d'illégalité.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
12. D'abord, il résulte de ce qui a été dit précédemment que Mme A... n'est pas fondée, au soutien de ses conclusions indemnitaires, à se prévaloir d'une illégalité fautive de la décision du 6 janvier 2022 restreignant sa capacité d'accueil à trois enfants dont deux " tout âge " et un de plus de dix-huit mois.
13. Ensuite, en application de l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles, le président de la métropole peut, en cas d'urgence, suspendre l'agrément requis pour exercer la profession d'assistante maternelle, en se fondant sur des éléments suffisamment précis et vraisemblables, permettant de suspecter que les conditions d'accueil garantissant la sécurité, la santé et l'épanouissement du ou des enfants accueillis ne sont plus remplies. L'illégalité d'une telle mesure de suspension constitue une faute pouvant engager la responsabilité du département. Dans le cas où, en l'absence d'illégalité d'une telle mesure, la suspicion qui l'avait motivée n'est pas confirmée, les griefs s'étant révélés par la suite infondés, l'intéressé, qui subit de ce fait un préjudice grave et spécial, est ainsi contraint de supporter, dans l'intérêt général, une charge qu'il ne doit pas normalement assumer et dont il est, par suite, fondé à demander réparation à la collectivité.
14. Il est vrai que la suspicion de mauvais traitements, qui a conduit au prononcé de la décision du 10 septembre 2021 portant suspension de l'agrément de Mme A..., décision légalement justifiée par l'intérêt général qui s'attache à la protection de la santé, de la sécurité et de l'épanouissement des mineurs accueillis, a été levée en raison de la décision du procureur de la République classant sans suite l'enquête pénale menée suite au dépôt de plainte du 25 août 2021. Dès lors, la responsabilité sans faute de la métropole se trouve engagée. L'agrément de Mme A... lui permettait d'accueillir encore 4 enfants, d'octobre à décembre 2021. Il résulte toutefois de l'instruction que Mme A..., placée en arrêt de travail à compter du 10 septembre 2021, a dû percevoir un revenu de substitution de l'assurance maladie et, qu'aussitôt après le classement judiciaire, dès le mois d'octobre 2021, trois enfants lui ont été confiés, lui permettant de se procurer des revenus atteignant presque le niveau de ceux qu'elle percevait avant la décision de suspension, lorsqu'elle accueillait 4 enfants. Dans ces conditions, la requérante n'a pas subi, entre septembre et décembre 2021, de préjudice grave en lien avec la mesure de suspension. En accueillant, conformément à la décision du 6 janvier 2022, qui n'est pas illégale, trois enfants à partir de janvier 2022, Mme A... ne subit aucun préjudice. Par suite, ses conclusions indemnitaires présentées sur le fondement de la responsabilité sans faute doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la métropole de Lyon, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et à la métropole de Lyon.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2024.
Le rapporteur,
B. Gros
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne à la préfète du Rhône en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 24LY00136