Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, d'annuler la décision du 3 septembre 2021 par laquelle le directeur par intérim du centre hospitalier du Forez l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire, et à titre subsidiaire, de réformer cette décision en fixant le terme de la suspension au 3 novembre 2021.
Par un jugement n° 2108672 du 19 janvier 2023, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 10 mars 2023, le centre hospitalier du Forez, représenté par Me Brazier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 janvier 2023 ;
2°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le péril imminent justifiant la suspension du Docteur B... est caractérisé : la désorganisation du service de gynécologie obstétrique du centre hospitalier du Forez, liée à l'attitude et au comportement inopportun du praticien, n'est pas contestable et met en péril la santé et la sécurité des patientes ;
- les moyens invoqués par le requérant en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2023, M. B..., représenté par Me Choulet, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il n'a pas réformé la décision du 3 septembre 2021 fixant le terme de la suspension au 3 novembre 2021 ;
3°) à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier du Forez une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés et que la décision du 3 septembre 2021 doit être subsidiairement réformée dès lors qu'elle ne fixe aucune durée.
Par une ordonnance du 30 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme Lordonné, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., praticien hospitalier exerçant en qualité de gynécologue-obstétricien au centre hospitalier du Forez depuis septembre 2017, a fait l'objet d'une décision du 3 septembre 2021 par laquelle le directeur par intérim de cet établissement a prononcé sa suspension de fonctions à titre conservatoire. Le centre hospitalier relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique : " Le directeur, président du directoire, conduit la politique générale de l'établissement. Il représente l'établissement dans tous les actes de la vie civile et agit en justice au nom de l'établissement. / Le directeur est compétent pour régler les affaires de l'établissement autres que celles énumérées aux 1° à 15° et autres que celles qui relèvent de la compétence du conseil de surveillance énumérées à l'article L. 6143-1. / (...) / Le directeur exerce son autorité sur l'ensemble du personnel dans le respect des règles déontologiques ou professionnelles qui s'imposent aux professions de santé, des responsabilités qui sont les leurs dans l'administration des soins et de l'indépendance professionnelle du praticien dans l'exercice de son art. (...) ". Le directeur d'un centre hospitalier qui, aux termes de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, exerce son autorité sur l'ensemble du personnel de son établissement, peut, dans des circonstances exceptionnelles où sont mises en péril la continuité du service et la sécurité des patients, décider de suspendre les activités cliniques et thérapeutiques d'un praticien hospitalier au sein de ce centre, sous le contrôle du juge et à condition d'en référer immédiatement aux autorités compétentes pour prononcer la nomination du praticien concerné.
3. Il ressort des termes du jugement attaqué que pour annuler la décision du 3 septembre 2021 au motif d'une inexacte application des principes rappelés au point 2, les premiers juges ont retenu, au vu notamment des documents produits par le centre hospitalier du Forez, d'une part, l'absence de faits susceptibles de qualifier une mise en péril de la sécurité des patientes ou même du personnel du centre hospitalier, en dépit des propos abrupts voire indélicats, à tout le moins inopportuns et susceptibles de heurter la sensibilité des patientes, tenus par M. B..., et du refus qu'il a opposé à son assignation à une garde du 9 juillet 2021. D'autre part, les premiers juges ont écarté l'existence d'une mise en péril de la continuité du service de gynécologie obstétrique du centre hospitalier du Forez au vu de ces mêmes documents, quand bien même ils dévoilent des divergences d'attitude professionnelle et d'appréciation entre ce médecin et un grand nombre de sage-femmes sur la prise en charge des patientes et l'existence de tensions au sein du service.
4. Au soutien de sa requête d'appel, le centre hospitalier se borne à faire valoir que les faits reprochés au praticien hospitalier sont à l'origine d'un dysfonctionnement du service, susceptible de nuire à la continuité des soins et à la sécurité des patientes et du personnel, et se réfère à treize fiches d'effets indésirables établies entre le 6 janvier 2019 et le 5 juillet 2021, six plaintes de patientes exprimées entre le 7 mai 2019 et le 28 juillet 2021, et huit rapports circonstanciés de membres du personnel médical et non médical, en majorité des sage-femmes, établis entre le 16 juin et le 16 août 2021. Il ne résulte cependant pas des quatre seules fiches de signalement versées au débat, établies entre le 15 mai et le 2 juillet 2021, révélant que le praticien mis en cause a retardé ou refusé la prise en charge de certaines patientes, ou n'a pas observé la procédure de prescription via le logiciel de soins, que la sécurité desdites patientes aurait été mise en péril. Il ressort en effet des explications détaillées du praticien que celui-ci a respecté les protocoles mis en place, en particulier au service des urgences, ou a recueilli l'accord des patientes sans les avoir soumises à un risque au titre de leur état de santé ni exposées à des complications. Il ne résulte également ni des plaintes précédemment mentionnées des patientes, relevées sur une période de plus de deux années et qui ne sauraient de ce fait caractériser le caractère imminent du risque allégué par le centre hospitalier, ni des rapports du personnel médical et non médical produits au dossier, que le caractère violent ou méprisant des propos de M. B... rapportés dans le cadre d'accouchements ou de consultations aurait présenté des conséquences sur la continuité des soins ou leur sécurité. Enfin, son absence au service de maternité pour la période du 9 au 10 juillet 2021 est justifiée par son placement en congé de maladie. Par suite, en dépit des manquements reprochés et des méthodes de travail contestées par le personnel de l'établissement, le centre hospitalier n'établit pas que le comportement de M. B... relèverait de circonstances exceptionnelles caractérisant la mise en péril de la continuité du service et de la sécurité des patients, de nature à justifier la décision de suspension en litige.
5. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier du Forez n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 3 septembre 2021 prononçant la suspension de M. B....
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions du centre hospitalier du Forez présentées sur leur fondement et dirigées contre M. B..., qui n'est pas la partie perdante au présent litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier une somme au bénéfice de ce dernier au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du centre hospitalier du Forez est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier du Forez et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 29 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 novembre 2024.
La rapporteure,
Emilie FelmyLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Florence Bossoutrot
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY00878