Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 15 mai 2023 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2303542 du 13 juillet 2023, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 15 août 2023, M. A..., représenté par Me Gueye, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 15 mai 2023 du préfet de la Haute-Savoie ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- sa requête d'appel est recevable ;
- le tribunal ne s'est pas prononcé sur les vices de formes soulevés en première instance ;
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- le refus de titre de séjour est entaché de vices de procédures et insuffisamment motivé ;
- le préfet aurait dû fonder sa décision sur l'article 9 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 en lieu et place de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en opposant à sa demande de titre de séjour en qualité d'étudiant le fait que cette formation s'effectuait à distance, le préfet, qui a opposé une condition non prévue par la loi, a commis une erreur de droit ;
- sa formation nécessite qu'il soit présent en France afin d'exécuter son contrat de professionnalisation, de passer l'examen final et de respecter l'article 10 du règlement de l'école ;
- sa formation présente un caractère réel et sérieux ;
- en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étudiant, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- son signataire ne justifie pas d'une délégation ;
- cette décision doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision de lui accorder un délai de départ volontaire de seulement trente jours est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas présenté d'observations.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Sénégal, relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Dakar le 1er août 1995 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente de la formation de jugement, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant sénégalais né le 19 mars 2000, est entré sur le territoire français le 18 octobre 2018 sous couvert d'un visa long séjour valable du 15 octobre 2018 au 15 octobre 2019 afin d'y poursuivre ses études. Son titre de séjour en qualité d'étudiant a été renouvelé jusqu'au 31 octobre 2022. A la suite de sa demande de renouvellement de ce titre, déposée le 26 octobre 2022, le préfet de la Haute-Savoie a, par un arrêté du 15 mai 2023, refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 13 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 15 mai 2023 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision litigieuse vise les dispositions que le préfet a appliquées et énonce les éléments de fait sur lesquels il s'est fondé pour rejeter la demande de titre de séjour de M. A.... Cette décision est, par suite, suffisamment motivée, sans que ne puisse avoir d'incidence sur cette obligation le bien-fondé des motifs opposés. Le moyen tiré du défaut de motivation du refus de titre de séjour doit être écarté.
3. En deuxième lieu, compte tenu de la substitution de base légale effectuée par le tribunal administratif dans le jugement attaqué, que M. A... ne conteste pas, la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour en qualité d'étudiant de M. A... trouve son fondement légal non dans les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles ne sont pas applicables aux ressortissants sénégalais, mais dans les stipulations de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995. Par suite, le moyen soulevé en appel tiré de ce que le préfet aurait dû fonder sa décision sur l'article 9 de la convention franco-sénégalaise en lieu et place de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise visée ci-dessus : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation qui ne peut être assuré dans le pays d'origine, sur le territoire de l'autre État, doivent, pour obtenir le visa de long séjour prévu à l'article 4, présenter une attestation d'inscription ou de pré-inscription dans l'établissement d'enseignement choisi (...). Ils doivent en outre justifier de moyens d'existence suffisants, tels qu'ils figurent en annexe. Les intéressés reçoivent le cas échéant, un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite des études ou du stage, ainsi que de la possession de moyens d'existence suffisants ".
5. Pour rejeter la demande présentée par M. A..., le préfet s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressé n'avait joint à sa demande, malgré les demandes de production d'un certificat de scolarité, qu'un contrat de formation professionnelle à distance dit de " webmaster " établi par l'établissement ESECAD et signé seulement par l'école et que cette école ne dispense qu'un enseignement à distance sous forme de cours numériques qui ne nécessite pas de résider en France.
6. M. A... ne conteste pas n'avoir produit, à l'appui de sa demande, que ce contrat de formation dit de " webmaster " établi par l'ESECAD, et non signé par lui-même. Il n'avait donc pas produit, à l'appui de sa demande, d'attestation d'inscription ou de pré-inscription dans l'établissement d'enseignement choisi. Le préfet pouvait donc rejeter la demande de renouvellement de titre de séjour de M. A..., au motif que le contrat produit n'était signé que par l'établissement et que l'intéressé n'avait pas produit de certificat de scolarité. Le préfet n'ayant pas opposé le motif tiré de l'absence de caractère sérieux des études poursuivies par M. A..., ce dernier ne peut utilement faire valoir que tel serait le cas. Par ailleurs, en relevant que cette formation, qui se déroule à distance, ne nécessite pas la présence physique de M. A... en France, le préfet n'a commis ni erreur de droit, ni erreur d'appréciation, aucune des pièces du dossier n'établissant, de manière circonstanciée, qu'une partie de la formation ou des examens devrait se faire en présentiel ou qu'un stage en France serait obligatoire. Si, à l'appui de ses écritures devant le tribunal et devant la cour, M. A... a également produit un contrat d'inscription pour les années 2022-2024 à l'ESI Business School pour une inscription en M1 " Green, Social et Digital Management " qu'il a signé le 24 janvier 2023, ainsi qu'un certificat de scolarité correspondant, il ne s'est pas prévalu de cette inscription à l'appui de sa demande de titre de séjour. En outre, cette formation est également une formation entièrement à distance, sans qu'importe à cet égard la circonstance que l'article 10 du contrat d'inscription précise que les étudiants étrangers doivent être titulaires d'un titre de séjour. Par ailleurs, les contrats de travail produits par le requérant ne sont pas des contrats de professionnalisation, justifiant sa présence en France, mais de simples contrats de travail. Par suite, en toute hypothèse, le moyen tiré de ce que sa formation nécessiterait qu'il soit présent en France afin d'exécuter son contrat de professionnalisation, de passer l'examen final et de respecter l'article 10 du règlement de l'école ne peut qu'être écarté.
7. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... est arrivé en France en octobre 2018, alors qu'il était âgé de dix-huit ans, afin de poursuivre ses études. Il a validé la licence dans laquelle il s'était inscrit à son arrivée en France. Depuis lors il ne s'est inscrit que pour des enseignements à distance. En refusant de délivrer un titre de séjour à M. A..., qui est célibataire et sans enfant, dont la famille réside au Sénégal, et qui n'avait pas vocation à demeurer durablement en France, n'y étant venu que pour poursuivre ses études, le préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et ce alors même que M. A... bénéficie d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel. Par suite les moyens tirés de ce que le refus de titre méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'il serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de l'annulation de cette décision.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués. ".
10. M. A... entrant dans le champ d'application des dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour qui est suffisamment motivée, ainsi qu'il a été dit au point 2.
11. En troisième lieu, pour les motifs retenus par le tribunal et qu'il y a lieu d'adopter, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux doit être écarté.
12. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment sur le refus de titre de séjour, et alors que l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. A... ne fait pas obstacle à ce qu'il poursuive sa formation à distance, l'obligation de quitter le territoire n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
13. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au demeurant non assorti de précisions, est inopérant à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français qui n'a pas pour objet de fixer le pays de destination.
Sur le délai de départ volontaire :
14. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas (...) ".
15. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la formation à laquelle M. A... s'est inscrit est une formation entièrement à distance. Dans ces conditions, en n'accordant pas de délai de départ volontaire supérieur à trente jours, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
16. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est entaché d'aucune omission de réponse à un moyen et qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Duguit-Larcher, présidente de la formation de jugement ;
M. Chassagne, premier conseiller ;
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
La présidente, rapporteure,
A. Duguit-LarcherL'assesseur le plus ancien,
J. Chassagne
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23LY02658
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