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18/12/2024 | FRANCE | N°23LY03642

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 18 décembre 2024, 23LY03642


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



I/ Par une requête n° 2306751, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 17 octobre 2023 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et portant interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de deux ans.



II/ Par une requête n° 2306750, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2023 par lequel le préfet de la Haut

e-Savoie l'a assigné à résidence dans le département de la Haute-Savoie pour une durée de quarant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

I/ Par une requête n° 2306751, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 17 octobre 2023 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et portant interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de deux ans.

II/ Par une requête n° 2306750, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2023 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a assigné à résidence dans le département de la Haute-Savoie pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2306750-2306751 du 24 octobre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif, qui a joint ces deux requêtes, a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 23 novembre 2023 et le 9 avril 2024, M. B..., représenté par Me Maingot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 octobre 2023 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 17 octobre 2023 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- les arrêtés en litige sont entachés d'incompétence :

- ils sont insuffisamment motivés ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est intervenue en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- elle méconnaît le principe de la présomption d'innocence ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 631-1 et L. 252-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant assignation à résidence doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas présenté d'observations.

Par une ordonnance du 23 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 octobre 2024.

Par une décision du 29 novembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande d'aide juridictionnelle de M. B....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Mauclair, présidente-assesseure.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 3 août 1995 à Blaj (Roumanie) et de nationalité roumaine, est entré sur le territoire français en 2021 selon ses allégations. A la suite de son interpellation le 17 octobre 2023 pour vol par effraction dans un lieu d'entrepôt, le préfet de la Haute-Savoie a, par un arrêté du 17 octobre 2023, pris à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai ainsi qu'une décision portant interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un arrêté du même jour, le préfet de la Haute-Savoie l'a également assigné à résidence dans le département de la Haute-Savoie pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 24 octobre 2023, dont M. B... relève appel, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

2. Aux termes de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : / (...) 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. (...) / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée du séjour des intéressés en France, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle en France, et l'intensité des liens avec leur pays d'origine ".

3. Il appartient à l'autorité administrative d'un Etat membre qui envisage de prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant d'un autre Etat membre de ne pas se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, mais d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française. L'ensemble de ces conditions doivent être appréciées en fonction de la situation individuelle de la personne, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.

4. Pour justifier la mesure d'éloignement litigieuse, le préfet de la Haute-Savoie a retenu que M. B... était défavorablement connu des services de police pour des faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement en 2014, pour vol par effraction dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt en 2015 et qu'il a été interpellé et placé en garde à vue le 17 octobre 2023 pour vol par effraction dans un lieu d'entrepôt. Toutefois, ces faits, dont certains ont été commis huit ou neuf ans avant l'intervention de l'arrêté en litige et dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils aient donné lieu à poursuites judiciaires, ne peuvent pas être regardés comme traduisant l'existence d'une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française au sens des dispositions précitées. Dans ces conditions et alors même qu'il n'établit pas avoir un ancrage personnel et professionnel particulier en France, M. B... est fondé à soutenir que le préfet a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision portant obligation de quitter le territoire français ainsi que, par voie de conséquence, les décisions du 17 octobre 2023 portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, fixation du pays de destination, interdiction de circuler sur le territoire français et assignation à résidence, doivent être annulées.

5. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande, et à demander l'annulation de ce jugement et des arrêtés du 17 octobre 2023.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

7. Les conclusions présentées par M. B... sur le fondement des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées, aucun frais de cette nature n'ayant été engagé au cours de la procédure.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 24 octobre 2023 et les arrêtés du préfet de la Haute-Savoie du 17 octobre 2023 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 4 décembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente de la formation de jugement,

M. Bernard Gros, premier conseiller,

Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2024.

La présidente-rapporteure,

A.-G. MauclairL'assesseur le plus ancien,

B. Gros

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N° 23LY03642 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03642
Date de la décision : 18/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MAUCLAIR
Rapporteur ?: Mme Anne-Gaëlle MAUCLAIR
Rapporteur public ?: Mme DJEBIRI
Avocat(s) : MAINGOT

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-18;23ly03642 ?
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