Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2023 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2309817 du 23 novembre 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 17 novembre 2023 et a enjoint au préfet du Puy-de-Dôme de réexaminer la situation de M. C..., de le munir d'une autorisation provisoire de séjour et de faire procéder à la suppression de la mention de l'interdiction de retour sur le territoire français dans le système d'information Schengen.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 8 décembre 2023, le préfet du Puy-de-Dôme, représenté par Me Tomasi, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 novembre 2023 ;
2°) de rejeter la demande de première instance présentée par M. C....
Il soutient que :
- le tribunal s'est mépris sur la base légale de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui a été adoptée sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur celles du 5° du même article ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne est inopérant ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'égard de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- les autres moyens dirigées contre l'arrêté du 17 novembre 2023 ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 28 juin 2024, M. C..., représenté par Me Paquet, conclut à titre principal au rejet de la requête du préfet du Puy-de-Dôme, à titre subsidiaire à l'annulation des seuls articles 2 et 3 du jugement et demande à la cour, si le jugement était annulé :
1°) d'annuler les décisions du 17 novembre 2023 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans l'attente et sous huit jours une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;
3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme d'effacer son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son avocate de la somme de 2 000 euros au titre des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à bon droit que le tribunal a considéré que le préfet du Puy-de-Dôme avait entaché ses décisions d'une erreur d'appréciation quant à la menace pour l'ordre public qu'il représenterait et qu'il a en conséquence annulé les décisions du 17 novembre 2023 ; en effet il a toujours contesté les faits qui lui sont reprochés et a apporté des éléments démontrant qu'il a lui-même fait l'objet de menaces de mort ;
En ce qui concerne l'ensemble des décisions :
- les décisions du 17 novembre 2023 sont entachées d'une insuffisance de motivation en fait ;
- elles sont entachées de défaut d'examen complet et sérieux de sa situation ;
- son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- la décision fixant le pays de destination a été adoptée à l'issue d'une procédure irrégulière, faute pour la préfecture de l'avoir mis en mesure de déposer un dossier de demande d'asile alors qu'il a déclaré craindre pour sa vie en cas de retour en Russie ;
- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'il craint pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de destination, qui emporte des conséquences graves sur sa situation personnelle, est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :
- la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public et que le risque de soustraction n'est pas caractérisé ;
- sa situation caractérise des circonstances humanitaires justifiant qu'un délai de départ volontaire lui soit accordé ;
En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai ;
- cette décision méconnaît les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, puisqu'il justifie de circonstances humanitaires s'opposant au prononcé d'une interdiction de retour à son encontre ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par ordonnance du 12 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er octobre 2024.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant russe né le 28 janvier 1986 à Grozny (U.R.S.S.), a fait l'objet le 17 novembre 2023 d'un arrêté du préfet du Puy-de-Dôme portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Le préfet du Puy-de-Dôme relève appel du jugement du 23 novembre 2023 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 17 novembre 2023 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. C... en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) ".
3. Il ressort des termes de l'arrêté du 17 novembre 2023 que la décision portant obligation de quitter le territoire français est fondée sur les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur les dispositions du 5° de cet article, qui n'étaient en tout état de cause pas applicables à la situation de l'intéressé, entré en France depuis plus de trois mois. Par suite, c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler la décision du préfet du Puy-de-Dôme du 17 novembre 2023 portant obligation de quitter le territoire français ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par M. C..., tant devant le tribunal administratif de Lyon que devant la cour.
Sur la légalité des décisions contestées :
En ce qui concerne les moyens soulevés à l'encontre de l'ensemble des décisions :
5. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. Jean-Paul Vicat, secrétaire général de la préfecture du Puy-de-Dôme, qui disposait d'une délégation de signature à cette fin, consentie par un arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 9 octobre 2023, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture du Puy-de-Dôme le même jour, laquelle était au demeurant librement accessible tant au juge qu'aux parties.
6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que les décisions contestées, qui mentionnent les dispositions sur lesquelles elles se fondent et qui font référence de manière précise à la situation de M. C..., sont suffisamment motivées.
7. En troisième lieu, M. C... soutient que le préfet du Puy-de-Dôme ne s'est pas livré à un examen sérieux de sa situation personnelle. Toutefois, il ressort des termes de l'arrêté du 17 novembre 2023, qui mentionne les décisions de refus d'asile dont a fait l'objet l'intéressé en 2013 et 2014 puis en 2016 ainsi que sa demande de réexamen initiée en mars 2023, qui reprend ses déclarations faites lors de son audition le 16 novembre 2023, notamment le fait qu'il a trois enfants, qui rappelle qu'il a été interpellé et placé en garde à vue le 15 novembre 2023 et qui confronte ses déclarations de mars 2023 et de novembre 2023 concernant la date de sa dernière entrée en France, que le préfet s'est livré à un examen particulier de sa situation personnelle.
8. En quatrième lieu, M. C... conteste l'exactitude matérielle des faits relatés dans l'arrêté contesté. Toutefois, d'une part, la contestation relative aux liens entretenus avec ses enfants est relative à l'appréciation portée par le préfet et non à la matérialité des faits sur lesquels celui-ci, qui n'a commis aucune erreur de fait en se bornant à rappeler les déclarations de l'intéressé selon lesquelles il serait père de trois enfants, s'est fondé. D'autre part, en ce qui concerne les faits de violences conjugales, de menaces de mort réitérées et d'infraction à la législation sur les étrangers qui lui sont reprochés, le préfet n'a pas commis d'erreur de fait en mentionnant que M. C... avait été interpellé et placé en garde à vue pour ces faits, ce qui ressort des pièces de l'enquête de police produites en appel. Enfin, en ce qui concerne la date de sa dernière entrée en France, la mention de l'arrêté contesté selon laquelle " il y a lieu de considérer que l'intéressé est entré une nouvelle fois en France le 12 mars 2019 ", qui fait suite au constat que M. C... a fait des déclarations contradictoires concernant la date de sa dernière entrée en France, ne constitue pas l'énoncé d'un fait que M. C... pourrait contester comme inexact, mais une appréciation qu'il lui est loisible de contester comme erronée. Dans ces conditions, le moyen tiré des erreurs de fait doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
10. M. C... fait état de ce que sa vie privée et familiale se situe en France, où il séjourne depuis 2012 soit depuis plus de onze ans à la date de la décision attaquée, et où résident quatre de ses six enfants et leurs mères, titulaires de la qualité de réfugié. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. C... est demeuré en France durant l'examen de sa demande d'asile, qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 28 juin 2013 puis la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 13 octobre 2014, sa demande de réexamen ayant été également rejetée, par l'OFPRA le 31 mars 2016 puis par la CNDA le 5 juillet 2016, et s'est maintenu sur le territoire français malgré ces décisions défavorables. S'il ressort des pièces du dossier qu'il s'est présenté aux fins de solliciter un nouveau réexamen de sa demande d'asile en mars 2023, il ne conteste pas n'avoir pas mené la procédure d'enregistrement de cette demande à terme. M. C... justifie être père de quatre enfants nés en France, par la production de leurs actes de naissance : le premier est né le 9 juillet 2015 d'une mère réfugiée russe et a été reconnu par son père le 1er février 2016, les trois autres sont nées d'une autre compagne, respectivement le 12 octobre 2018 et reconnue le 5 septembre 2019, le 5 juin 2020 et reconnue 10 juin 2020 et le 10 décembre 2021 et reconnue le 17 décembre 2021. Si M. C... produit des documents attestant que son enfant né en 2015 s'est vu reconnaître la qualité de réfugié et que sa fille née en 2020 bénéficie de la protection subsidiaire de l'OFPRA, il ne produit aucun document de nature à établir qu'il entretiendrait des liens avec ces enfants, des photographies n'étant à ce titre pas suffisantes, tandis qu'il ressort des pièces du dossier que la mère de ses trois dernières filles a quitté le domicile conjugal avec les trois enfants dans un contexte de violences. Il n'allègue pas d'autre attache en France que ses enfants, et ne justifie d'aucune intégration particulière. Il a vécu plusieurs années en Russie, où résident encore sa mère, son frère et sa sœur d'après ses déclarations. Dans ces conditions, le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. C... une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision attaquée. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit dès lors être écarté.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
12. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... s'occuperait de ses enfants mineurs vivant en France. En outre, la décision d'éloignement n'a ni pour objet ni pour effet de le séparer de ses enfants. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
13. En troisième lieu, les circonstances dont fait état M. C..., rappelées aux points précédents, tirées en particulier de la présence en France de quatre de ses six enfants et des mères de ceux-ci, ne sont pas suffisantes, alors qu'il ne justifie pas entretenir de liens avec ces enfants et que la séparation de la mère de ses trois dernières filles s'est déroulée dans un contexte violent, pour constituer des circonstances particulières de nature à entacher la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
14. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C... a été auditionné le 16 novembre 2023 au sujet de sa situation administrative, qu'il a été mis en mesure de formuler des observations sur l'éventualité qu'une décision d'éloignement soit adoptée à son encontre et qu'il a été interrogé sur ses craintes en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, il n'est pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas bénéficié d'une procédure contradictoire préalablement à l'adoption de la décision portant fixation du pays de destination.
15. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays, fixé en application de l'article L. 721-3, à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
16. M. C... fait le récit des menaces et sévices dont il aurait été victime en Tchétchénie en raison de ses opinions politiques, sans produire aucune autre pièce que des attestations non circonstanciées à l'appui de son récit, qui n'a pas été estimé suffisamment crédible pour lui ouvrir droit à une protection par les autorités en charge de l'asile, sa demande d'asile ayant été rejetée par une décision de l'OFPRA du 28 juin 2013 confirmée par une décision de la CNDA du 13 octobre 2014 et sa demande de réexamen ayant été rejetée comme irrecevable par l'OFPRA le 31 mars 2016 puis par la CNDA le 5 juillet 2016. M. C... n'établit pas que sa vie ou sa liberté sont menacées en Russie ou qu'il y est exposé à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
17. En troisième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle, soulevés à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux exposés aux points 10 à 13 en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. C... ne faisant valoir aucune circonstance particulière distincte à l'encontre de la décision relative au pays de destination.
En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
18. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. " Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, (...) [ou] qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".
19. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que la décision de refus de délai de départ volontaire est fondée, d'une part, sur la menace à l'ordre public que représenterait le comportement de M. C..., en ce qu'il est défavorablement connu des services de police, pour des faits de violences sur conjoint qui auraient été commis en octobre 2013, des faits de violences en juillet 2014 et des faits de violences conjugales, menaces de mort réitérées et infraction à la législation sur les étrangers pour lesquels il a été interpellé et placé en garde à vue le 15 novembre 2023 et, d'autre part, sur le risque de soustraction à la mesure d'éloignement, en ce que M. C... ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale.
20. En ce qui concerne la menace à l'ordre public, aucune pièce n'est produite par le préfet quant aux faits qui auraient été commis en 2013 et 2014. Quant aux faits de violences sur conjoint et de faits de menaces de mort réitérées qui auraient été commis entre juin 2023 et novembre 2023, qui ont justifié l'interpellation de M. C... le 15 novembre 2023, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé les a contestés et que les poursuites ont été classées sans suite le 17 novembre 2023 au motif d'infractions insuffisamment caractérisées. Par ailleurs, si M. C... a également été interpellé pour infraction à la législation sur les étrangers, il ressort des pièces du dossier que l'obligation de quitter le territoire français du 29 avril 2019 aurait été édictée à l'encontre d'une personne portant le même nom que M. C..., à l'égard duquel les poursuites engagées ont été abandonnées à ce titre. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le comportement de M. C... constituerait une menace à l'ordre public justifiant de le priver de délai de départ volontaire. En ce qui concerne le risque de soustraction à la mesure d'éloignement, la circonstance que M. C... ait été placé en garde à vue pour des faits de violence sur conjoint, ne permet pas, dans les circonstances de l'espèce et alors qu'il a exposé de manière constante que sa compagne a quitté le domicile conjugal, de considérer qu'il ne justifierait pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation. Dans ces conditions, M. C... est fondé à soutenir que le préfet du Puy-de-Dôme ne pouvait pas légalement le priver d'un délai de départ volontaire pour ces motifs. Par suite, il est fondé à solliciter l'annulation de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, ainsi que, par voie de conséquence, celle de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français prise sur son fondement.
21. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Puy-de-Dôme est uniquement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 17 novembre 2023 portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
22. L'annulation des décisions portant refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français implique nécessairement, qu'il soit enjoint au préfet du Puy-de-Dôme, qui devra en application de l'article L. 614-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile fixer un délai de départ volontaire à M. C..., qui demeure obligé de quitter le territoire français, de faire procéder à l'effacement du signalement de M. C... dans le système d'information Schengen. Il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait été procédé à cet effacement à la date du présent arrêt. Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de faire procéder à cet effacement, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
23. En outre, le présent arrêt, qui annule l'arrêté du 17 novembre 2023 uniquement en tant qu'il refuse d'accorder un délai de départ volontaire et en tant qu'il impose une interdiction de retour de deux ans sur le territoire français, n'implique aucune autre mesure d'exécution. Dès lors, il y a lieu de rejeter le surplus des conclusions à fin d'injonction de M. C....
Sur les frais liés au litige :
24. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : L'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 17 novembre 2023 est annulé en tant qu'il porte refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Puy-de-Dôme de faire procéder à la suppression du signalement de M. C... aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le jugement du 23 novembre 2023 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2 du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Me Paquet et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée pour information au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 4 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente de la formation de jugement,
M. Bernard Gros, premier conseiller,
Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2024.
La rapporteure,
G. A...La présidente,
A.-G. Mauclair
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 23LY03796 2