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19/12/2024 | FRANCE | N°23LY01214

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 19 décembre 2024, 23LY01214


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La société Arve Lotissements a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2020 par lequel le maire de Crêches-sur-Saône a sursis à statuer pour une durée de deux ans sur sa demande de permis d'aménager un lotissement de dix-sept lots constructibles sur un terrain situé au lieu-dit " Les Martollets ", ensemble la décision du 8 février 2021 portant rejet de son recours gracieux.



Par un jugement n° 2100998 du 2 février 20

23, le tribunal administratif de Dijon a admis l'intervention de Mme B... A... et a rejeté la demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Arve Lotissements a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2020 par lequel le maire de Crêches-sur-Saône a sursis à statuer pour une durée de deux ans sur sa demande de permis d'aménager un lotissement de dix-sept lots constructibles sur un terrain situé au lieu-dit " Les Martollets ", ensemble la décision du 8 février 2021 portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 2100998 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Dijon a admis l'intervention de Mme B... A... et a rejeté la demande de la société Arve Lotissements.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 5 avril 2023 et le 20 août 2024, Mme A..., représentée par Me Ichon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 février 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2020 opposant un sursis à statuer sur la demande de permis d'aménager de la société Arve Lotissements, ensemble la décision du 8 février 2021 de rejet du recours gracieux de cette société ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Crêches-sur-Saône une somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est recevable à faire appel ;

- l'avancement du futur plan local d'urbanisme, en particulier l'incertitude de ses auteurs sur le classement des parcelles concernées par le projet de lotissement, n'était pas suffisant pour permettre au maire de prendre une décision de sursis à statuer ; ainsi, moins d'un mois auparavant, le conseil municipal s'était prononcé en faveur du maintien en zone constructible du terrain ; la délibération du 29 octobre 2020 ne constitue pas un revirement sur ce point ;

- l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme ne peut fonder un sursis à statuer ; en tout état de cause, les travaux à réaliser sont de simples branchements et ne nécessitent pas de travaux d'extension du réseau électrique ;

- l'arrêté du 30 octobre 2020 est insuffisamment motivé.

Par un mémoire enregistré le 27 octobre 2023, la commune de Crêches-sur-Saône, représentée par Me Pyanet, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête d'appel est irrecevable en raison de sa tardiveté et compte tenu de ce qu'elle a perdu son objet ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,

- et les observations de Me Porta substituant Me Ichon, représentant Mme A..., et de Me Teyssier, représentant la commune de Crèches-sur-Saône.

Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour Mme A..., enregistrée le 5 décembre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. La société Arve Lotissements a déposé en mairie de Crêches-sur-Saône, le 31 juillet 2020, un permis d'aménager en vue de la réalisation d'un lotissement de dix-sept lots constructibles, sur un tènement composé des parcelles cadastrées AL 135 et AL 188, situées au lieu-dit " Les Martollets " et appartenant à Mme A.... Par un arrêté du 30 octobre 2020, le maire de Crêches-sur-Saône a sursis à statuer sur cette demande pour une durée de deux ans. La société Arve Lotissements a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler cet arrêté, ainsi que la décision du 8 février 2021 rejetant son recours gracieux. Mme A... relève appel du jugement du 2 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de la société Arve Lotissement, au soutien de laquelle elle intervenait.

2. En premier lieu, à l'appui de ses conclusions, Mme A... invoque le même moyen que celui déjà soulevé en première instance par la société Arve Lotissement, tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente mentionnée à l'article L. 153-8 prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme (...) / L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable. ". Aux termes de l'article L. 424-1 du même code : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou, en cas d'opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable. / Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus au 6° de l'article L. 102-13 et aux articles L. 121-22-3, L. 121-22-7, L. 153-11 et L. 311-2 du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement. (...) / Le sursis à statuer doit être motivé et ne peut excéder deux ans. (...). ".

4. D'autre part, il résulte des dispositions du code de l'urbanisme que les lotissements, qui constituent des opérations d'aménagement ayant pour but l'implantation de constructions, doivent respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même s'ils n'ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d'un lot d'une unité foncière. Il appartient, en conséquence, à l'autorité compétente de refuser le permis d'aménager sollicité ou de s'opposer à la déclaration préalable notamment lorsque, compte tenu de ses caractéristiques telles qu'elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis, un projet de lotissement permet l'implantation de constructions dont la compatibilité avec les règles d'urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises.

5. Il ressort des pièces du dossier que le conseil municipal de Crêches-sur-Saône a prescrit, par délibération du 30 mars 2018, la révision générale de son plan local d'urbanisme (PLU) datant de 2009. Il a par la suite été débattu, au sein de cette assemblée, des orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables (PADD), lors des réunions tenues le 29 mars 2019, le 25 septembre 2020, puis le 29 octobre 2020. Ainsi, à la date de l'arrêté contesté, le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables du futur PLU, prévu par l'article L. 153-12 du code de l'urbanisme, avait déjà eu lieu.

6. En troisième lieu, Mme A... soutient que, lors de sa réunion du 25 septembre 2020, le conseil municipal de Crêches-sur-Saône a décidé d'adopter le second projet de PADD, sauf en ce qui concerne les parcelles lui appartenant, qu'il a décidé de laisser en zone constructible, contrairement au projet de plan de zonage daté du 6 mai 2019, qui faisait apparaître un classement en zone A (agricole) des parcelles AL 135 et AL 188. Toutefois, le conseil municipal s'est de nouveau réuni pour adopter un troisième projet de PADD, sans faire état de la volonté de conserver leur caractère constructible aux parcelles en cause. Or, il ressort des trois versions successives du PADD versées aux débats, datées des 29 janvier 2019, 6 mai 2019 et 29 octobre 2020, que la commune de Crêches-sur-Saône se donne pour objectif de maîtriser l'étalement urbain en veillant à ne pas étendre l'urbanisation sur les grands ensembles agricoles et naturels, notamment du Sud, où se situent des espaces agricoles cultivés et des prairies permanentes. Ces trois documents retiennent de façon constante l'objectif de protéger les espaces agricoles en les préservant de toute urbanisation et indiquent qu'il est nécessaire, en conséquence, de maîtriser le développement de la commune, le rythme d'urbanisation et l'étalement urbain, cela en urbanisant prioritairement les dents creuses et les espaces résiduels au sein de l'enveloppe urbaine, jugés suffisants pour répondre au besoin de logements identifié. Ces objectifs sont rappelés dans les passages consacrés plus précisément au hameau de Dracé-les-Ollières, dont fait partie le tènement considéré, ainsi que sur les cartes jointes au projet, lesquelles délimitent notamment l'enveloppe urbaine de la commune, dont sont clairement exclues, ce, de façon constante, les parcelles cadastrées AL 135 et AL 188 appartenant à Mme A.... La proposition de classement en zone A de ces parcelles, résultant du projet de plan de zonage déjà mentionné du 6 mai 2020, est corroborée par les analyses du foncier élaborées dans le cadre de la révision du PLU, mises à jour les 2 août 2018, 6 mai 2019 et 23 septembre 2020, dont les cartes situent de façon constante les parcelles en cause comme en dehors de l'enveloppe urbaine. Si Mme A... se prévaut d'un projet de plan de zonage du 23 juillet 2020, sur lequel ses parcelles apparaissent comme se situant dans une zone à urbaniser " 1AU ", il ne ressort pas des pièces du dossier que ce document, intitulé " document de travail " ait été soumis à l'approbation du conseil municipal, a fortiori lors du conseil municipal approuvant le troisième projet de PADD. S'il est vrai également que la dernière analyse du foncier réalisée en octobre 2020 fait apparaître sur les deux plans des terrains mobilisables, " vue générale " et " vue des secteurs F et G ", les deux parcelles en cause comme faisant l'objet d'un zonage " 1AU ", toutefois et d'une part, la légende correspondante indique " Excédentaire et/ou contrainte (extension - non mobilisable reclassement A-N) ", d'autre part, ces plans ont seulement vocation à se prononcer sur le foncier susceptible d'être mobilisé pour construire des logements, dont sont exclus les terrains situés en dehors de l'enveloppe urbaine, tels que celui appartenant à Mme A.... Il suit de là que s'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'au jour de la décision de sursis à statuer en litige, un projet plan de zonage définitif avait été adopté, le classement en zone A des parcelles en cause apparaissait toutefois comme certain au vu des différents documents adoptés. Mme A... n'est donc pas fondée à soutenir qu'elles étaient constructibles, ni que le débat n'était pas assez avancé pour qu'une décision de sursis à statuer soit opposée par le maire de la commune au motif que le PLU en cours d'élaboration n'avait pas retenu le tènement supportant le projet de lotissement comme espace résiduel de l'enveloppe urbaine actuelle et compte tenu de son affectation future à un usage agricole.

7. Il ressort enfin des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté que, compte tenu de l'importance du projet, lequel tend à aménager un lotissement sur un terrain de 12 631 m² en le divisant en 17 lots constructibles, et de la situation du terrain d'assiette en dehors des limites de l'urbanisation existante située plus au Sud-Ouest de la commune, le projet de la société Arve Lotissements est de nature à compromettre l'exécution du PLU en cours de révision.

8. En dernier lieu, l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme énonce limitativement les cas dans lesquels une décision de sursis à statuer peut être prise sur une demande d'autorisation d'urbanisme. Le motif tiré d'un risque de méconnaissance de l'article L. 111-1 du code de l'urbanisme, que le maire a retenu comme autre motif de l'arrêté contesté, ne figure pas parmi ces cas. Par suite, ce motif est entaché d'erreur de droit. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le maire aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur le seul motif rappelé au point 6 ci-dessus.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Crêches-sur-Saône en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Crêches-sur-Saône, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera 2 000 euros à la commune de Crêches-sur-Saône au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la commune de Crêches-sur-Saône et à la société Arve Lotissements.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente de chambre,

Mme Vinet, présidente-assesseure,

M. Moya, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.

La rapporteure,

C. Vinet

La présidente,

C. MichelLa greffière,

F. Bossoutrot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, à la ministre du logement et de la rénovation urbaine et à la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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N° 23LY01214

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01214
Date de la décision : 19/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : CABINET EDOUARD ICHON

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-19;23ly01214 ?
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