Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures
M. B... D... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon, chacun en ce qui les concerne, d'annuler les arrêtés du 18 décembre 2023 de la préfète de l'Ain les obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, désignant un pays de destination et leur interdisant de revenir sur le territoire français pour une durée de six mois.
Par un jugement n°s 2400315-2400316 du 7 mars 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon, après avoir joint leurs demandes, les a rejetées.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 29 mai 2024, M. D... et Mme C..., représentés par la SCP Couderc-Zouine, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 mars 2024 et ces arrêtés du 18 décembre 2023 de la préfète de l'Ain ;
2°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain de réexaminer leur situation dans un délai d'un mois et de les munir sans délai d'une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à leur conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- M. D... n'a pas été informé de ce qu'il pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en cas de rejet de sa demande d'asile, ce qui l'a privé de la possibilité de faire valoir des éléments déterminants ;
- l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre est fondée sur un motif entaché d'inexactitude matérielle des faits et a été prise sans examen particulier de sa situation ;
- la préfète a méconnu les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision par laquelle elle a obligé M. D... à quitter le territoire français sur sa situation personnelle ;
- les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination sont illégales en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur d'appréciation dans son principe.
La requête a été communiquée à la préfète de l'Ain qui n'a pas produit d'observations.
M. D... et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relatives aux droits de l'enfant ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Soubié, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... et Mme C..., ressortissants nigérians, sont entrés en France respectivement en 2020 et 2018. Ils ont présenté chacun une demande d'asile, qui ont été rejetées en dernier lieu le 7 mars 2022 par la Cour nationale du droit d'asile, puis des demandes de réexamen, elles aussi rejetées. Par des arrêtés du 18 décembre 2023, la préfète de l'Ain les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, leur a interdit de retourner sur le territoire pour une durée de six mois et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office. Par un jugement du 7 mars 2024 dont ils relèvent appel, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
2. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
3. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français non prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.
4. Une violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, n'entraîne l'annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l'absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent.
5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète du Rhône aurait pris une autre décision si M. D... avait été mis en mesure de lui faire part de ce qu'il était employé depuis septembre 2022 par contrat à durée indéterminée et de ce que son fils né en 2022 fait l'objet d'un suivi pour une pathologie rénale. Par suite, le moyen tiré de ce que son droit à être entendu aurait été méconnu dans des conditions ayant eu une influence sur le sens de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre doit être écarté.
6. Il ne ressort ni de la lecture de l'arrêté concernant M. D... ni d'aucune autre pièce du dossier que la préfète de l'Ain n'aurait pas examiné de manière complète et suffisante la situation de l'intéressé notamment au regard de sa situation professionnelle, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... aurait transmis aux services de la préfecture de l'Ain ses bulletins de salaire ou des documents médicaux concernant son fils. Par suite, le moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits doit être écarté.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. D... et Mme C... ont vécu jusqu'à l'âge, respectivement, de 31 et 26 ans au Nigéria et séjournaient en France à la date des décisions contestées depuis seulement cinq ans pour le premier et trois ans pour la seconde. La circonstance que M. D... occupait un emploi salarié par contrat à durée indéterminée depuis septembre 2022 et que sa fille née en 2019 était scolarisée ne permet pas d'attester d'une insertion sociale et professionnelle significative à la date des arrêtés contestés. Les risques de persécutions que les intéressés avancent pour soutenir que la cellule familiale qu'ils composent avec leurs deux jeunes enfants ne pourrait pas être reconstituée au Nigéria ne ressortent pas des pièces du dossier. Ils ne précisent pas non plus le degré de gravité de la pathologie rénale dont souffre leur fils ni en quoi consiste sa prise en charge médicale. Dans ces conditions, la préfète de l'Ain n'a pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a les a obligés à quitter le territoire français. Elle n'a pas davantage méconnu l'intérêt supérieur de leurs enfants, protégés par le 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des obligations de quitter le territoire français sur la situation personnelle de M. D....
Sur les décisions accordant délai de départ volontaire de trente jours :
8. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'appui des conclusions dirigées contre les décisions fixant la durée du délai de départ volontaire.
Sur les décisions fixant le pays de destination :
9. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours à l'appui des conclusions dirigées contre les décisions fixant le pays de destination.
10. Comme exposé au point 7, les requérants n'apportent aucun élément sur la réalité et l'actualité des risques encourus en cas de retour dans leur pays d'origine, alors au demeurant que leurs demandes d'asile et celles présentées pour leurs enfants ont été définitivement rejetées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français :
11. Les requérants réitèrent en appel le moyen tiré de ce que les interdictions de retour sur le territoire français prises au visa de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont entachées d'erreur d'appréciation dans leur principe. Il y a lieu, par adoption des motifs du jugement attaqué, à l'encontre duquel ils ne formulent d'ailleurs aucune critique utile ou pertinente, d'écarter ce moyen.
12. Il résulte de ce qui précède que M. D... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Leur requête doit être rejetée, par voie de conséquence, en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E..., à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente de chambre,
Mme Vinet, présidente-assesseure,
Mme Soubié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 décembre 2024.
La rapporteure,
A.-S. SoubiéLa présidente,
C. Michel
La greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY01552
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