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09/01/2025 | FRANCE | N°24LY01430

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 09 janvier 2025, 24LY01430


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 28 avril 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif préalable obligatoire, dirigé contre la décision du 24 juin 2020 de la direction des pensions du ministère des armées refusant de lui allouer une pension militaire d'invalidité, et la décision du 4 novembre 2021 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours administratif préal

able obligatoire contre la décision du commissaire en chef commandant le centre expert des res...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 28 avril 2021 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif préalable obligatoire, dirigé contre la décision du 24 juin 2020 de la direction des pensions du ministère des armées refusant de lui allouer une pension militaire d'invalidité, et la décision du 4 novembre 2021 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours administratif préalable obligatoire contre la décision du commissaire en chef commandant le centre expert des ressources humaines et de la solde du 11 mai 2021, refusant de faire droit à sa demande de versement d'une allocation de rechute, ainsi que d'enjoindre au ministre des armées, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de reconnaître l'imputabilité au service des infirmités qui l'affectent, de lui accorder le bénéfice de la pension militaire d'invalidité et de procéder à la reconstitution de ses droits ou, à défaut, de statuer à nouveau.

Par un jugement nos 2104561, 2108813 du 21 mars 2024, le tribunal a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 mai 2024, M. D..., représenté par Me Di-Cintio, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 mars 2024 ;

2°) d'annuler les décisions du 28 avril 2021 de la commission de recours de l'invalidité et du 4 novembre 2021 de la ministre des armées ;

3°) d'enjoindre au ministre des armées de lui verser une pension militaire d'invalidité, à compter du 1er mars 2018, sur la base d'une invalidité de 50 % ;

4°) d'enjoindre au ministre des armées de reconstituer ses droits dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) à titre subsidiaire, d'ordonner, avant dire droit, dans le respect du secret médical et de l'égalité des armes durant les opérations d'expertise, d'une part, la tenue d'une expertise médicale confiée à un expert neurologue ou rhumatologue pour évaluer l'invalidité consécutive à l'aggravation de sa pathologie lombaire, ainsi que de lui allouer le versement d'une provision de 2 000 euros et, d'autre part, la tenue d'une expertise médicale confiée à un collège d'experts psychiatres et rhumatologues afin d'évaluer l'invalidité consécutive à l'accident initial du 16 juillet 2009, ainsi que de lui allouer le versement d'une provision de 2 000 euros ;

6°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ainsi qu'une somme de 3 600 euros au titre des frais irrépétibles en appel, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la lombosciatalgie L5-S1 qu'il subit trouve son origine dans une blessure imputable au service, la discopathie dont il souffrait avant l'accident du 16 juillet 2009 ne devant s'analyser qu'en une prédisposition et non en un état antérieur ;

- le syndrome dépressif réactionnel dont il souffre est imputable au service, dès lors qu'il trouve son origine dans la perte de capacités physiques consécutives à un accident de service ainsi que dans un contexte de conflits professionnels, le " trait de personnalité " relevé par les experts ne constituant pas, par ailleurs, un état antérieur ;

- le taux d'invalidité à prendre en compte est, à titre principal, de 10 %, ses infirmités résultant d'une blessure et non d'une maladie ou, à titre subsidiaire, de 30 %, ses infirmités résultant à la fois de la blessure et de la maladie ;

- l'expertise réalisée à l'occasion de sa demande de révision de pension militaire d'invalidité est entachée d'erreurs manifestes, ce qui justifie qu'une nouvelle expertise soit ordonnée en vue d'évaluer l'invalidité consécutive à l'aggravation du rachis lombaire ;

- ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 4 novembre 2021 portant refus de sa demande d'allocation de rechute sont recevables ;

- sa demande d'allocation de rechute aurait dû être acceptée, les infirmités dont il souffre étant imputables au service.

Par un mémoire enregistré le 6 décembre 2024, le ministre des armées et des anciens combattants conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 2017-624 du 11 avril 2017 relatif aux commissions de réforme de pensions militaires d'invalidité ;

- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerres ;

- le code de la défense ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boffy, première conseillère ;

- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C... D... est entré dans l'armée de terre le 1er décembre 1998. Le 16 juillet 2009, à la suite du déplacement de meubles lourds, il a ressenti une vive douleur au dos. Le 27 février 2012, il a présenté une demande de pension militaire d'invalidité pour une sciatique L5-S1 droite. Cette demande a été rejetée par une décision, non contestée, du ministre des armées du 22 juillet 2013, par le motif que cette pathologie relevait d'une maladie et que le taux d'invalidité ne lui ouvrait pas droit à pension. M. D... a formulé une nouvelle demande de pension d'invalidité le 1er mars 2018, en raison de la même sciatique L5-S1 droite et d'un syndrome dépressif réactionnel. Cette demande a été rejetée par décision de la direction des pensions du ministère des armées du 24 juin 2020. L'intéressé a alors formé un recours administratif préalable obligatoire devant la commission de recours de l'invalidité, rejeté par décision du 28 avril 2021. Par ailleurs, à la suite de sa radiation des contrôles au grade de caporal-chef de 1ère classe le 30 octobre 2020, M. D... a demandé le 23 décembre 2020 l'attribution d'une allocation de rechute. Sa demande a été rejetée par le commissaire en chef commandant le centre expert des ressources humaines et de la solde par décision du 11 mai 2021. Le recours administratif préalable obligatoire formé par l'intéressé à l'encontre de cette décision a été rejeté par la ministre des armées le 4 novembre 2021. M. D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions des 28 avril et 4 novembre 2021. Par un jugement du 21 mars 2024, dont M. D... relève appel, le tribunal a rejeté ces demandes.

Sur la décision portant refus de pension militaire d'invalidité :

2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa version en vigueur au 1er mars 2018, date de la demande de M. D... : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service [...] ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code, dans sa version applicable au litige : " Lorsque la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ne peut être apportée, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée : a) Soit avant la date du renvoi du militaire dans ses foyers ; b) Soit, s'il a participé à une des opérations extérieures mentionnées à l'article L. 4123-4 du code de la défense, avant la date de son retour sur son lieu d'affectation habituelle ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle ait été constatée après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant l'une des dates mentionnées au 1°. [...] La présomption définie aux 1° et 2° du présent article s'applique exclusivement, soit aux services accomplis en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre ou en opération extérieure, soit au service accompli par les militaires pendant la durée légale du service national, les constatations étant faites dans les délais prévus aux précédents alinéas. [...] ".

3. Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. Dans le cas contraire, elle doit être regardée comme résultant d'une maladie.

4. S'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité, le demandeur d'une pension doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité est apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle.

5. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que, faute pour les deux infirmités dont se plaint M. D... d'avoir été constatées lors d'une opération de guerre ou de maintien de l'ordre, la présomption prévue à l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre n'est pas applicable. Il lui appartient donc de démontrer qu'une relation directe existe entre l'origine de ses infirmités et le service.

En ce qui concerne l'imputabilité au service de la pathologie lombaire :

6. A la suite du déplacement de meubles d'une chambre de la compagnie de commandement et de logistique le 16 juillet 2009, M. D... a ressenti une vive douleur en bas du dos, qui est persistante et augmente avec le temps. Il ressort de l'expertise réalisée en 2012 par le docteur A... à l'occasion de la première demande de pension militaire d'invalidité que huit jours après les faits, M. D... a effectué une radiologie qui a révélé une " discopathie L5-S1 ", confirmée par un bilan IRM. Cette discopathie est également mentionnée dans l'avis du médecin chargé des pensions militaires d'invalidité du 6 février 2020. Cependant une telle pathologie, qui se caractérise par la lenteur du trouble dégénératif et ne saurait s'analyser comme une simple prédisposition, n'apparaît pas d'installation subite, n'ayant pu survenir brusquement, quelques jours seulement après le port d'une charge lourde. En l'absence de tout autre lésion constatée à l'imagerie, l'infirmité dont souffre M. D... ne peut donc qu'être regardée comme trouvant son origine déterminante dans un état pathologique préexistant, dont rien au dossier, et notamment pas les différents arrêts maladies produits, ne permet non plus de dire qu'il serait lui-même imputable au service. Dans ces circonstances, la pathologie dorsale dont est atteint M. D... n'apparaît pas consécutive à un fait de service précis mais trouve sa cause dans une maladie.

7. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de la commission de recours de l'invalidité du 24 juin 2020 en tant qu'elle considère que sa pathologie dorsale n'est pas imputable au service.

En ce qui concerne l'imputabilité au service du syndrome dépressif réactionnel :

8. Il ressort notamment du rapport d'expertise réalisé par le docteur B..., psychiatre, en date du 10 décembre 2019, que M. D... se trouve dans un état dépressif en raison de la perte de ses capacités physiques et des conséquences de cette situation sur sa vie personnelle et professionnelle, et de conflits professionnels. M. D... fait notamment état de brimades, d'une discrimination dans son évolution de carrière et de remarques racistes. Il reste que, comme il a été vu plus haut, la perte de capacité physique et l'infirmité dorsale dont souffre M. D... trouvent leur origine dans une pathologie dégénérative sans lien avéré avec le service, l'état dépressif réactionnel qu'elle a pu occasionner ne pouvant davantage être imputée au service. Par ailleurs, M. D... ne rapporte précisément aucune circonstance qui serait susceptible d'établir les conflits professionnels dont il fait état.

9. Dans ces conditions, et sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur l'existence d'un éventuel état antérieur, M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 24 juin 2020 en tant qu'elle considère que le syndrome dépressif réactionnel n'est pas imputable au service.

Sur la décision portant refus d'allocation de rechute :

10. Aux termes de l'article L. 4123-2-1 du code de la défense : " Les anciens militaires victimes, après leur radiation des cadres ou des contrôles, d'une rechute d'une maladie ou d'une blessure imputable aux services militaires et dans l'incapacité de reprendre leur activité professionnelle bénéficient d'une prise en charge par l'Etat de leur perte de revenu selon des modalités définies par décret. ". Aux termes de l'article D. 4123-37-1 du même code : " Les anciens militaires mentionnés à l'article L. 4123-2-1 du présent code bénéficient, selon les conditions prévues par les articles de la présente sous-section, d'une allocation visant à compenser, leur perte de revenu. La notion de rechute s'entend comme toute modification dans l'état de santé d'un ancien militaire, dont la première constatation médicale est postérieure à la date de guérison apparente ou de consolidation de la blessure ou de la maladie contractée avant la radiation des cadres ou des contrôles des armées et imputable aux services militaires. ".

11. Il résulte de ces dispositions que les anciens militaires peuvent prétendre à bénéficier d'une allocation en cas de rechute à la condition que la blessure ou maladie contractée avant la radiation des cadres ou des contrôles qui fait l'objet d'une rechute ait été imputable au service.

12. Compte tenu de ce qui a été dit plus haut, les infirmités dont souffre M. D... ne sauraient être regardées comme imputables au service. Par suite, il n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 4 novembre 2021 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande d'allocation de rechute.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes. Sa requête doit par suite être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre des armées.

Copie en sera adressée à la ministre chargée des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Boffy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 janvier 2025.

La rapporteure,

I. Boffy

Le président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY01430

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY01430
Date de la décision : 09/01/2025
Type de recours : Contentieux des pensions

Analyses

Pensions - Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre - Questions générales.

Pensions - Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre - Conditions d'octroi d'une pension.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Irène BOFFY
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : SELARL CAMILLE DI-CINTIO AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-09;24ly01430 ?
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