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16/01/2025 | FRANCE | N°23LY02298

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 16 janvier 2025, 23LY02298


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La société P2L a demandé au tribunal administratif de Grenoble :



1°) d'annuler la délibération du 27 février 2020 par laquelle le conseil municipal de Tresserve a rejeté sa candidature à la procédure d'appel à la concurrence de " vente " d'un droit au bail du bar-restaurant sis " Plage Le Lido " et retenant un autre candidat ;



2°) d'annuler la convention dénommée " bail commercial " conclue entre la commune de Tresserve et la société "

Le lido du Lac du Bourget " ;



3°) à titre subsidiaire, de condamner la commune de Tresserve à lui verse...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société P2L a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler la délibération du 27 février 2020 par laquelle le conseil municipal de Tresserve a rejeté sa candidature à la procédure d'appel à la concurrence de " vente " d'un droit au bail du bar-restaurant sis " Plage Le Lido " et retenant un autre candidat ;

2°) d'annuler la convention dénommée " bail commercial " conclue entre la commune de Tresserve et la société " Le lido du Lac du Bourget " ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la commune de Tresserve à lui verser 1 018 400 euros à raison de la perte de valeur de son fonds de commerce et 420 000 euros à raison d'un enrichissement sans cause.

Par jugement n° 2001657 du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et deux mémoires enregistrés le 11 juillet 2023, le 9 octobre 2023 et le 27 mars 2024 (non communiqué), la société P2L, représentée par Me Crosnier-Martel (JSA Avocats), demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de Tresserve du 27 février 2020 ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la commune de Tresserve à lui verser les sommes de 1 018 400 euros et de 420 000 euros ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Tresserve la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune n'apporte pas la preuve de sa propriété ;

- la délibération litigieuse est illégale, dès lors qu'elle porte sur un bien dont la commune n'est pas propriétaire, compte tenu du bail commercial préalablement conclu à l'égard de ce bien ;

- la délibération litigieuse est illégale, dès lors qu'elle autorise la conclusion d'un bail commercial sur le domaine public ;

- la délibération litigieuse est illégale en permettant la substitution d'un autre attributaire à celui initialement retenu ;

- la délibération litigieuse est illégale, dès lors qu'elle n'autorisait pas la substitution d'attributaire finalement intervenue et qu'elle n'autorisait pas les différentes conditions financières dérogatoires dont a bénéficié l'attributaire ;

- la délibération litigieuse est illégale, dès lors qu'elle ne reprend pas la date de commencement de l'exécution, la date de cession du droit au bail et la date de paiement du droit d'entrée et des loyers, prévues lors de la procédure d'attribution ;

- la délibération litigieuse est illégale en autorisant la signature d'un acte sous seing privé, contrairement à ce que prévoyait la procédure d'attribution ;

- la délibération litigieuse est insuffisamment motivée, en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, en s'abstenant de préciser les modalités financières dérogatoires dont a bénéficié l'attributaire ;

- la délibération litigieuse est illégale, dès lors que les critères de sélection n'étaient pas suffisamment précis, en ne précisant pas les modalités financières dérogatoires dont a bénéficié l'attributaire, en méconnaissance de l'obligation de transparence ;

- elle a subi un préjudice à hauteur de 1 018 400 euros au titre de la perte de sa propriété commerciale, dès lors qu'elle exploitait un fonds de commerce, au sens de l'article L. 2124-32-1 du code général de la propriété des personnes publiques issu de la loi du 18 juin 2014, lequel a, de fait, été prorogé jusqu'à la délibération litigieuse ;

- une indemnité de 420 000 euros lui est également due au titre de l'enrichissement sans cause de la commune, le droit d'entrée qu'elle a perçu du nouvel attributaire correspondant à la valeur de sa propriété commerciale.

Par mémoires enregistrés le 12 septembre 2023 et le 4 mars 2024, la commune de Tresserve, représentée par Me Le Chatelier, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la société P2L la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 28 mars 2024 par ordonnance du même jour.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec ;

- les conclusions de Mme Christine Psilakis ;

- et les observations de Me Bosquet pour la commune de Tresserve ;

Considérant ce qui suit :

1. Par convention du 27 avril 2007, la société P2L a été autorisée à exploiter un bar-restaurant établi sur le domaine public de la commune de Tresserve, ainsi que la terrasse attenante, initialement propriété de l'Etat puis acquis par la commune, sur le site de la plage du Lido. Cette convention a été renouvelée et prorogée jusqu'au 31 décembre 2019. A son terme, la commune a lancé un appel à candidatures pour la vente du " droit au bail " de ce bar-restaurant, à l'issue duquel le conseil municipal a écarté la candidature de la société P2L au profit de celle de la société Madame A..., par délibération du 27 février 2020. Un bail commercial a été conclu le 15 juillet 2021 avec la société Lido Lac du Bourget, se substituant à la société Madame A.... La société P2L a alors demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler cette délibération et cette convention ou, subsidiairement, de condamner la commune à l'indemniser des préjudices subis. Elle relève appel du jugement du tribunal du 9 mai 2023 en tant qu'il a rejeté ses demandes d'annulation de la délibération du 27 février 2020 et d'indemnisation.

Sur le fond du litige :

2. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la délibération litigieuse, en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 7 et 8 de leur jugement.

3. En deuxième lieu, il résulte des termes mêmes de la convention conclue, en dernier lieu le 6 décembre 2013, entre la commune de Tresserve et la société P2L en vue de l'exploitation d'un bar-restaurant, en particulier de son premier article, que celle-ci ne constituait pas un bail commercial, mais une convention d'occupation du domaine public. En tout état de cause, cette convention, qui ne conférait aucun droit à l'occupant à son renouvellement, avait pris fin dès le 31 décembre 2019, sans qu'elle ne puisse avoir été implicitement prolongée du seul fait de la poursuite de l'occupation des lieux par la société P2L. Par suite, celle-ci, qui, quels que soient les termes employés dans la délibération litigieuse, ne peut se prévaloir d'aucun bail commercial, ni d'aucun " droit au bail ", n'est pas fondée à soutenir que sa qualité de preneur faisait obstacle à la conclusion du bail autorisé par la délibération litigieuse.

4. En troisième lieu, il résulte de cette même convention que la commune de Tresserve est propriétaire des dépendances domaniales en cause. La société P2L n'apporte aucun élément tendant à remettre en cause la réalité de cette propriété. Par suite, et alors même que la commune de Tresserve n'a pas produit de titre de propriété dans la présente instance, la société P2L n'est pas fondée à contester sa qualité de propriétaire pour contester la délibération litigieuse.

5. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient la société P2L, la délibération litigieuse, qui désigne pour seul attributaire du bail la société Madame A..., sans évoquer de substitution d'attributaire, ni ne détermine la forme que prendra ce bail, ne comporte aucune disposition contraire à celles figurant dans le dossier de consultation de l'appel à candidatures qui l'a précédée. Elle ne méconnaît pas davantage cette procédure de sélection, en s'abstenant de rappeler la date prévisionnelle de démarrage de l'exploitation et de paiement du droit d'entrée et des premiers loyers. Le moyen tiré du non-respect par cette délibération des informations données aux candidats lors de cet appel manque en fait et doit être écarté.

6. En cinquième lieu, la légalité de la délibération litigieuse s'appréciant à la date à laquelle elle a été adoptée, la société P2L ne peut utilement se prévaloir, pour la contester, de circonstances intervenues postérieurement, et non prévues par celle-ci, telles que la substitution d'une autre société à celle initialement retenue pour conclure un bail commercial, ou les modalités avantageuses qui lui auraient été accordées en méconnaissance des conditions évoquées lors de l'appel à candidatures, telles que le report du paiement du droit d'entrée et des premiers loyers ou l'absence de conclusion d'un acte notarié.

7. En sixième lieu, en évoquant la mise en vente d'un " droit au bail ", la délibération litigieuse doit être regardée, contrairement à ce que prétend la commune de Tresserve, comme autorisant la signature d'un bail commercial, ainsi que le mentionnait le dossier de consultation de l'appel à candidatures qui l'a précédée. Toutefois, ni ce dossier, ni la délibération litigieuse ne prévoient que ce bail sera conclu sur une dépendance du domaine public. Ainsi, alors même que les dépendances en cause appartenaient alors au domaine public, le conseil municipal a pu, par la délibération litigieuse, autoriser la signature ultérieure d'un bail commercial, cette délibération n'ayant ni pour objet ni pour effet d'exclure leur déclassement avant la signature du contrat, ainsi que l'a d'ailleurs fait la commune par délibération du 10 juillet 2020.

8. En septième lieu, la circonstance que l'attributaire aurait, postérieurement à la délibération litigieuse, bénéficié de modalités financières considérées comme avantageuses par la requérante tenant, notamment, au report de la prise d'effet du bail et du paiement du droit d'entrée et du premier loyer et à la conclusion du bail sous la forme d'un acte sous seing privé, n'est pas de nature à démontrer que les critères d'attribution du bail, qui ont été portés à la connaissance de l'ensemble des candidats dans les mêmes conditions, n'auraient pas été suffisamment précis et transparents. Par suite, la société P2L n'est pas fondée à soutenir que l'attributaire a été sélectionné, et la délibération litigieuse adoptée, sur le fondement de critères d'attribution imprécis et dans des conditions contraires au principe d'égalité entre les candidats.

9. Enfin, en l'absence de toute illégalité fautive de la délibération litigieuse et dès lors que la convention d'occupation domaniale dont elle bénéficiait ne constituait pas un bail commercial, ne lui conférait aucun droit à son renouvellement et avait pris fin comme indiqué au point 3, la société P2L n'est, en tout état de cause, pas fondée à demander réparation des préjudices résultant de la perte d'une prétendue propriété commerciale, en application de l'article L. 2124-32-1 du code général de la propriété des personnes publiques. Par ailleurs, et contrairement à ce qu'elle prétend, la perception d'un droit d'entrée par la commune de Tresserve ayant pour cause le bail à conclure, la société P2L ne peut se prévaloir d'aucun enrichissement sans cause de la commune lui ouvrant droit à indemnité.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société P2L n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Tresserve, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la société P2L. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement d'une somme de 2 000 euros à la commune de Tresserve, en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société P2L est rejetée.

Article 2 : La société P2L versera à la commune de Tresserve une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société P2L, à la commune de Tresserve et à la société Madame A....

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, où siégeaient :

M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,

Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2025.

La rapporteure,

S. CorvellecLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY02298


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02298
Date de la décision : 16/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-08-01-01 Marchés et contrats administratifs. - Règles de procédure contentieuse spéciales. - Recevabilité. - Recevabilité du recours pour excès de pouvoir en matière contractuelle.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: Mme PSILAKIS
Avocat(s) : JURISOPHIA SAVOIE - BUREAU D'ANNECY

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-16;23ly02298 ?
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