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16/01/2025 | FRANCE | N°23LY03563

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 16 janvier 2025, 23LY03563


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La société Union technique du bâtiment a demandé au tribunal administratif de Lyon :



1°) d'annuler les marchés publics de travaux relatifs aux lots n° 6 et n° 28 de l'opération de construction d'un collège et d'un gymnase à Saint-Didier-de-Formans, sous maîtrise d'ouvrage du département de l'Ain ;



2°) de condamner le département de l'Ain à lui verser les sommes de 67 901 euros et de 33 486 euros en réparation du préjudice qu'elle a s

ubi du fait de son éviction, respectivement, du lot n° 6 et du lot n° 28, outre intérêts, capitalisés.



Par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Union technique du bâtiment a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler les marchés publics de travaux relatifs aux lots n° 6 et n° 28 de l'opération de construction d'un collège et d'un gymnase à Saint-Didier-de-Formans, sous maîtrise d'ouvrage du département de l'Ain ;

2°) de condamner le département de l'Ain à lui verser les sommes de 67 901 euros et de 33 486 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de son éviction, respectivement, du lot n° 6 et du lot n° 28, outre intérêts, capitalisés.

Par jugement n° 2106345 du 21 septembre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 20 novembre 2023 et le 7 mai 2024, la société Union technique du bâtiment, représentée par Me Poux-Jalaguier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les marchés publics de travaux relatifs aux lots n° 6 et n° 28 de l'opération de construction d'un collège et d'un gymnase à Saint-Didier-de-Formans ;

3°) de condamner le département de l'Ain à lui verser les sommes de 67 901 euros et de 33 486 euros, outre intérêts, capitalisés ;

4°) de mettre à la charge du département de l'Ain la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucune irrégularité ne justifiait le rejet de ses offres pour les lots n° 6 et n° 28, les quantités mentionnées dans la décomposition du prix global et forfaitaire (DPGF) ayant été modifiées en raison de leur caractère erroné, l'aération avec compresseur ayant été chiffrée, le tableau de produits ayant été suffisamment complété et la différence d'épaisseur du zinc en toiture étant minime ; il appartenait au pouvoir adjudicateur de solliciter des précisions, en application des articles R. 2152-2 ou L. 2152-6 du code de la commande publique ;

- ses offres ont été écartées au terme d'une rupture d'égalité de traitement entre les candidats, une procédure de régularisation ayant été mise en œuvre au bénéfice d'autres candidats ;

- la décision de la commission d'appel d'offres est entachée de nullité, celle-ci s'étant prononcée au vu d'éléments incomplets et erronés ;

- son offre ne pouvait être rejetée comme anormalement basse, le département s'étant abstenu de toute demande de précision sur le fondement de l'article L. 2152-6 du code de la commande publique ;

- son manque à gagner, outre les frais d'études qu'elle a engagés pour établir ses offres, dont elle est fondée à demander réparation, s'élèvent à 67 901 euros pour le lot n° 6 et à 33 486 euros pour le lot n° 28.

Par mémoires enregistrés le 1er février 2024 et le 24 mai 2024, la société André Vaganay, représentée par Me Delay, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société Union technique du bâtiment la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par mémoires enregistrés le 28 février 2024 et le 28 mai 2024, le département de l'Ain, représenté par Me Moullé, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la société Union technique du bâtiment la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec ;

- les conclusions de Mme Christine Psilakis ;

- et les observations de Me Moullé, pour le département de l'Ain ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 11 janvier 2021, le département de l'Ain a engagé une procédure d'appel d'offres en vue d'attribuer les marchés de travaux des quarante-trois lots nécessaires à la construction d'un collège et d'un gymnase à Saint-Didier-de-Formans. Les lots n° 6 et n° 28 relatifs notamment à la couverture et au bardage zinc, respectivement, du collège et du gymnase, ont été attribués au groupement comprenant la société André Vaganay, après rejet pour irrégularité des offres présentées par la société Union technique du bâtiment. Celle-ci a alors demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de ces marchés, outre l'indemnisation des préjudices causés par son éviction irrégulière de la procédure d'attribution. Le tribunal administratif a rejeté sa demande par un jugement du 21 septembre 2023 dont elle relève appel.

Sur le fond du litige :

2. Aux termes de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées ". Aux termes de l'article L. 2152-2 de ce code : " Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale ". Aux termes de l'article L. 2152-6 du même code : " (...) Lorsqu'une offre semble anormalement basse, l'acheteur exige que l'opérateur économique fournisse des précisions et justifications sur le montant de son offre. Si, après vérification des justifications fournies par l'opérateur économique, l'acheteur établit que l'offre est anormalement basse, il la rejette (...). ". Aux termes de son article R. 2152-1 : " Dans (...) les procédures d'appel d'offres, les offres irrégulières, inappropriées ou inacceptables sont éliminées (...) ". Aux termes de l'article R. 2152-2 de ce code : " Dans toutes les procédures, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses. La régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles ". Enfin, aux termes de l'article R. 2161-5 de ce code applicable aux procédures d'appel d'offres : " L'acheteur ne peut négocier avec les soumissionnaires. Il lui est seulement possible de leur demander de préciser la teneur de leur offre ".

3. Tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours de conclusions indemnitaires. Un concurrent évincé ne peut invoquer, outre les vices d'ordre public dont serait entaché le contrat, que des manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat en rapport direct avec son éviction. Au titre de tels manquements, il peut contester la décision par laquelle son offre a été écartée comme irrégulière.

4. En premier lieu, le pouvoir adjudicateur ne peut attribuer le marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par le règlement de la consultation. Il est tenu d'éliminer, sans en apprécier la valeur, ni pouvoir les modifier ou les rectifier, les offres incomplètes, c'est-à-dire celles qui ne comportent pas toutes les pièces ou renseignements requis par les documents de la consultation et sont, pour ce motif, irrégulières.

5. Il résulte, d'une part, de l'instruction que le dossier de consultation des entreprises pour l'attribution des lots n° 6 et n° 28 comportait une décomposition du prix global forfaitaire (DPGF) que les candidats devaient compléter en indiquant, pour chaque produit, un prix unitaire et un prix total correspondant aux quantités prévues. En vertu du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) commun à ces lots, les DPGF ainsi complétées avaient vocation à intégrer les pièces contractuelles. En conséquence, et alors qu'aucune variante n'était par ailleurs autorisée, il n'appartenait pas, contrairement à ce que soutient la société Union technique du bâtiment, aux candidats de vérifier, voire de modifier, les quantités ainsi fixées par le pouvoir adjudicateur, seul responsable de l'évaluation de son besoin. Il est constant que, pour chacun de ces deux lots, la société Union technique du bâtiment a modifié les quantités prévues par le pouvoir adjudicateur pour y substituer celles qu'elle estimait nécessaires à la réalisation du projet. Compte tenu des modifications ainsi apportées par la société Union technique du bâtiment à ces documents, ses offres ne respectaient pas les exigences de la consultation. D'autre part, s'agissant du lot n° 6, il résulte de l'instruction que la DPGF comprenait une rubrique 6.1.3.17 portant sur sept unités d'" aération avec compresseur ". Alors même que le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché de ce lot présentait cette installation comme seulement éventuelle, il appartenait aux candidats de compléter l'ensemble des mentions requises par la DPGF. La société Union technique du bâtiment s'est abstenue de chiffrer cette rubrique, sans que, comme elle prétend, aucune rubrique 6.1.4.12 ne comporte un tel chiffrage. Par suite, son offre était incomplète. Enfin, s'agissant du lot n° 28, il résulte de l'instruction qu'alors que le CCTP de ce marché exigeait un habillage en zinc de 0,70 mm d'épaisseur tant pour la couverture que pour le bardage, seul un zinc de 0,65 mm était prévu dans l'offre de la société Union technique du bâtiment pour la couverture. Dès lors, son offre ne répondait pas, à cet égard, aux exigences formulées dans les documents de la consultation, sans qu'elle ne puisse utilement se prévaloir ni de la faible différence entre les épaisseurs ainsi prévues, ni des préconisations d'un document technique unifié, auquel le CCTP aurait, en tout état de cause, dérogé. Compte tenu de ce qui précède, et alors même qu'aucune autre irrégularité ne résulterait de l'absence de renseignement du tableau de la fiche produit du lot n° 28 compte tenu des indications mentionnées en introduction de cette fiche, ses offres devaient être écartées comme irrégulières, tant pour le lot n° 6 que pour le lot n° 28, sans que le pouvoir adjudicateur n'ait été préalablement tenu ni de lui demander des précisions, ni d'engager la procédure de régularisation prévue par l'article R. 2152-2 précité.

6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, par courriers électroniques du 26 mars 2021 et du 7 avril 2021, le pouvoir adjudicateur a demandé des précisions à trois candidats sur des matériaux qu'ils entendaient utiliser. Contrairement à ce que soutient la société Union technique du bâtiment, ces demandes, qui ne révèlent pas une incomplétude des offres de ces candidats, n'ont pas été de nature à leur permettre une régularisation de leurs offres. Ainsi, aucune procédure de régularisation, telle que prévue par l'article R. 2152-2 du code de la commande publique, n'a été engagée par le pouvoir adjudicateur. Le pouvoir adjudicateur n'étant par ailleurs nullement tenu de mettre en œuvre une telle procédure, la société Union technique du bâtiment n'est pas fondée à invoquer une rupture d'égalité entre les candidats, au motif que cette procédure n'a pas été engagée à son égard. Enfin, elle ne peut davantage utilement reprocher au pouvoir adjudicateur, qui n'a pas rejeté son offre comme anormalement basse, de ne pas avoir exigé des précisions en application de l'article L. 2152-6 du même code, ni invoquer un formalisme excessif, qui n'est pas de nature à caractériser une rupture d'égalité. Par suite, le moyen tiré d'une telle rupture d'égalité doit être écarté.

7. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que les offres de la société Union technique du bâtiment étaient irrégulières. Dès lors, et indépendamment même du nombre d'irrégularités retenues par le pouvoir adjudicateur, elle n'est pas fondée à soutenir que la commission d'appel d'offres se serait prononcée au vu d'informations erronées ou incomplètes.

8. Enfin, la société Union technique du bâtiment n'étant pas fondée à contester la validité des marchés passés par le département de l'Ain pour l'attribution des lots n° 6 et n° 28, ses demandes indemnitaires doivent, en conséquence, être également rejetées.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Union technique du bâtiment n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de l'Ain, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la société Union technique du bâtiment. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière les sommes de 1 500 euros à verser, d'une part, au département de l'Ain et, d'autre part, à la société André Vaganay, en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Union technique du bâtiment est rejetée.

Article 2 : La société Union technique du bâtiment versera une somme de 1 500 euros au département de l'Ain et la somme de 1 500 euros à la société André Vaganay, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Union technique du bâtiment, au département de l'Ain et à la société André Vaganay.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, où siégeaient :

M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,

Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2025.

La rapporteure,

S. CorvellecLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne à la préfète de l'Ain en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY03563


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03563
Date de la décision : 16/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02 Marchés et contrats administratifs. - Formation des contrats et marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: Mme PSILAKIS
Avocat(s) : MOULLÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-16;23ly03563 ?
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