Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 15 décembre 2021 par laquelle le préfet de la Loire a refusé de lui renouveler son titre de séjour.
Par jugement n° 2200136 du 18 octobre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 28 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Bescou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et la décision du préfet de la Loire du 15 décembre 2021 ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision litigieuse a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière, à défaut d'avoir été précédée d'une consultation du collège de médecins de l'OFII au vu d'un rapport d'un médecin de l'OFII ;
- la décision litigieuse a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière, à défaut d'avoir été précédée d'une consultation de la commission du titre de séjour ;
- la décision litigieuse a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière, à défaut d'avoir été précédée de la procédure de complément d'information instaurée par l'article R. 40-29 du code de procédure pénale ;
- le préfet de la Loire a commis une erreur d'appréciation en estimant que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public ;
- sa décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B... a été rejetée par décision du 20 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Sophie Corvellec ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant géorgien né en 1981, relève appel du jugement du 18 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Loire du 15 décembre 2021 rejetant sa demande de renouvellement du titre de séjour dont il bénéficiait en raison de son état de santé.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article L. 412-5 de ce code : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle (...) ". Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle (...) peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".
3. Il résulte de la décision litigieuse que le préfet de la Loire a refusé de renouveler le titre de séjour dont M. B... bénéficiait en raison de son état de santé, au seul motif que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public. Il résulte des dispositions précitées que le préfet de la Loire pouvait lui opposer un tel motif sans avoir à recueillir préalablement l'avis du collège des médecins de l'OFII, qui a pour seul objet de l'éclairer sur la situation médicale du demandeur. Par suite, le moyen tiré du défaut de consultation préalable de ce collège est inopérant et ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du même code : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles (...) L. 425-9 (...) à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par ces textes auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui s'en prévalent. En revanche, la circonstance que la présence de l'étranger constituerait une menace à l'ordre public ne le dispense pas de son obligation de saisine de la commission.
5. M. B..., qui ne peut se prévaloir d'aucune présomption tenant aux précédents titres de séjour qui lui ont été délivrés et aux avis du collège des médecins de l'OFII qui les auraient précédés, ne produit aucune pièce, notamment médicale, tendant à démontrer qu'il remplit effectivement les conditions fixées par l'article L. 425-9 cité au point 2. Par suite, il n'est pas fondé à reprocher au préfet de la Loire de ne pas avoir préalablement consulté la commission du titre de séjour.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale : " Dans le cadre des enquêtes prévues à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, aux articles L. 114-1, L. 114-2, L. 211-11-1, L. 234-1 et L. 234-2 du code de la sécurité intérieure et à l'article L. 4123-9-1 du code de la défense, les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes, à l'exception des cas où sont intervenues des mesures ou décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenues définitives, ainsi que des données relatives aux victimes, peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par : (...) 5° Les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'Etat. (...) Lorsque la consultation révèle que l'identité de la personne concernée a été enregistrée dans le traitement en tant que mise en cause, l'enquête administrative ne peut aboutir à un avis ou une décision défavorables sans la saisine préalable, pour complément d'information, des services de la police nationale ou des unités de la gendarmerie nationale compétents et, aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires, du ou des procureurs de la République compétents. Le procureur de la République adresse aux autorités gestionnaires du traitement un relevé des suites judiciaires devant figurer dans le traitement d'antécédents judiciaires et relatif à la personne concernée. Il indique à l'autorité de police administrative à l'origine de la demande si ces données sont accessibles en application de l'article 230-8 du présent code (...) ".
7. L'absence de mise en œuvre de la procédure de complément d'information prévue au 5° de ces dispositions n'est pas de nature à entacher la décision litigieuse d'irrégularité, mais implique, en revanche, que les seules mentions en cause ne sauraient suffire à tenir pour établies la réalité des faits reprochés et l'existence d'une menace pour l'ordre public sur le fondement de ces faits. Il résulte en l'espèce des termes mêmes de la décision litigieuse que, pour estimer que la présence en France de M. B... constituait une menace pour l'ordre public, le préfet s'est fondé, après consultation du fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ), d'une part, sur six jugements de condamnation prononcés à son encontre entre 2003 et 2020 et, d'autre part, sur des faits pour lesquels il est défavorablement connu des services de police. Si ces derniers nécessitaient, pour que le préfet puisse en tenir compte, qu'il s'informe des suites judiciaires qu'ils ont reçues en diligentant la procédure de complément d'information, en revanche, il résulte des jugements auxquels se réfère la décision litigieuse que M. B... a été condamné à quatre reprises à des peines d'emprisonnement ferme entre novembre 2003 et juin 2007 pour des faits de vol aggravé. Si ces condamnations sont anciennes, il a été récemment condamné par un jugement du tribunal correctionnel de Saint-Etienne du 24 juin 2020 à une peine d'emprisonnement de dix mois avec sursis pour des faits de " violence sans incapacité " sur son ancienne conjointe et " appels téléphoniques malveillants réitérés ". Eu égard au caractère particulièrement récent de ces derniers faits et à leur gravité, qui ne saurait être atténuée par le contexte particulier de confinement et de séparation dans lequel ils seraient intervenus, outre le nombre important de condamnations dont il a fait l'objet au cours de son séjour en France, le préfet de la Loire a pu, sans erreur d'appréciation, considérer que la présence de M. B... sur le territoire français constituait une menace pour l'ordre public. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale et de l'erreur d'appréciation quant à l'existence d'une menace pour l'ordre public doivent être écartés.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (...) ".
9. Si M. B... se prévaut de son séjour de plus de vingt années en France et de la présence, notamment, de ses deux filles, ces dernières sont désormais majeures et il ne justifie nullement de l'intégration, notamment professionnelle, dont il se prévaut. Dans ces conditions, et compte tenu de la menace que constitue sa présence sur le territoire français, ainsi qu'il a été indiqué au point 7, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui renouveler son titre de séjour, le préfet de la Loire a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations précitées. Pour ces mêmes motifs, il n'est pas davantage fondé à soutenir que le préfet de la Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. B....
12. Enfin, compte tenu du rejet de sa demande d'annulation, doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2025.
La rapporteure,
S. CorvellecLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23LY03664