Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société PWS a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 12 juin 2023 par laquelle le directeur départemental des finances publiques de la Moselle lui a refusé le bénéfice de l'aide à la reprise et à la création visant à soutenir les entreprises ayant repris ou créé un fonds de commerce en 2020 et dont l'activité est particulièrement affectée par l'épidémie de covid-19, au titre des mois de janvier à juin 2021.
Par un jugement n° 2302374 du 5 décembre 2023, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 février 2024, la SAS PWS, représentée par la SELAS Legi conseils Bourgogne agissant par Me Joubert, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2302374 du 5 décembre 2023 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) d'annuler la décision du 12 juin 2023 par laquelle le directeur départemental des finances publiques de la Moselle lui a refusé le bénéfice de l'aide à la reprise et à la création visant à soutenir les entreprises ayant repris ou créé un fonds de commerce en 2020 et dont l'activité est particulièrement affectée par l'épidémie de covid-19, au titre des mois de janvier à juin 2021 ;
3°) d'enjoindre à la direction départementale des finances publiques de la Moselle de procéder à un nouvel examen de sa demande d'aide ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 11 205,88 euros outre une somme correspondant à " 3 % HT du montant recouvré dans le cadre du contentieux y compris le montant de l'aide reprise " en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société PWS soutient que :
- la décision, qui méconnait la procédure contradictoire instituée par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, est ainsi entachée de vice de procédure ; subsidiairement, le refus doit être regardé comme le retrait d'une subvention ou le retrait d'une décision créatrice de droit la dispensant de toute condition de délai, qui ne peut être pris qu'après une procédure contradictoire ;
- la décision méconnait le courrier du 6 janvier 2022 du ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises ;
- elle doit être regardée comme ayant sollicité le bénéfice de l'aide avant la date limite prévue par le décret du 20 mai 2021, ce motif de refus étant dès lors erroné ;
- la condition de délai méconnait en tout état de cause le principe d'égalité dès lors que les sociétés appartenant à un groupe n'ont pu disposer que d'un délai plus restreint ; pour les mêmes motifs, la décision a été prise en application d'un régime de subvention qui méconnait le " principe de sélectivité ", la liberté du commerce et de l'industrie et la libre-concurrence ;
- le refus qui lui a été opposé méconnait le principe d'égalité dès lors que la décision a été prise dans le cadre d'un exercice budgétaire postérieur à celui de la plus grande partie des décisions prises en la matière ;
- la décision méconnait le principe de confiance légitime.
Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.
Par ordonnance du 29 août 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 30 septembre 2024 à 16h30.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ;
- le décret n° 2021-624 du 20 mai 2021 ensemble le décret n° 2021-1337 du 14 octobre 2021 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,
- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 11 février 2022, le directeur départemental des finances publiques de la Moselle a refusé à la société PWS le bénéfice de l'aide à la reprise visant à soutenir les entreprises ayant repris un fonds de commerce en 2020 et dont l'activité est particulièrement affectée par l'épidémie de covid-19 (" aide à la reprise ") instituée par le décret susvisé du 20 mai 2021, au titre des pertes alléguées de la période de janvier à juin 2021. Par un jugement n° 2202095 du 16 mai 2023, le tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision en raison d'un vice d'incompétence, le signataire ne justifiant pas d'une délégation de signature, ainsi que d'un vice de forme, la décision ne comprenant pas la mention de la qualité du signataire. Par le même jugement, le tribunal a enjoint au directeur départemental des finances publiques de Moselle de réexaminer la demande d'aide de la société PWS en prenant une nouvelle décision dans le délai d'un mois. Par une décision du 12 juin 2023, le directeur départemental des finances publiques a procédé à ce réexamen, en réitérant le refus. Par le jugement attaqué du 5 décembre 2023, le même tribunal a rejeté la demande de la société PWS tendant à l'annulation de la nouvelle décision de refus du 12 juin 2023.
2. En premier lieu et d'une part, le décret susvisé du 20 mai 2021 a institué, dans le contexte de la crise sanitaire du covid-19 et en complément du régime général d'aide défini par le décret susvisé du 30 mars 2020, un régime d'aide dit à la reprise, destiné à soutenir les entreprises ayant repris un fonds de commerce en 2020 et dont l'activité a été particulièrement affectée par l'épidémie. Dans sa rédaction initiale, l'article 1er, I, 6° de ce décret disposait que cette aide était notamment réservée aux entreprises qui " ne sont ni contrôlées par une autre entreprise, ni ne contrôlent une autre entreprise dans les conditions prévues à l'article L. 233-3 du code de commerce ". Cette restriction visait à limiter le bénéfice de l'aide aux entreprises isolées qui apparaissaient alors comme les plus vulnérables et nécessitaient la mise en œuvre d'un mécanisme spécifique d'aide à bref délai. Corrélativement, dans sa rédaction initiale, l'article 3, I, 1° du même décret prévoyait que l'aide était notamment conditionnée à un dépôt dématérialisé de la demande unique d'aide " entre le 15 juillet 2021 et le 1er septembre 2021 ".
3. D'autre part, compte tenu de l'évolution épidémiologique et économique, le décret susvisé du 14 octobre 2021 qui a modifié le décret précité du 20 mai 2021, a supprimé la condition précitée posée par le 6° du I de l'article 1er du décret du 20 mai 2021, qui excluait le bénéfice de l'aide pour les entreprises contrôlées par une autre entreprise. Par ailleurs, afin de permettre aux entreprises auxquelles le bénéfice de l'aide devenait ainsi ouvert de déposer une demande, la date limite de dépôt d'une demande a été reportée du 1er septembre 2021 au 1er novembre 2021.
4. Les entreprises qui sont contrôlées par une autre entreprise ou qui contrôlent une autre entreprise n'étaient pas placées, dans le contexte de la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19 et au regard des mécanismes exceptionnels d'aide qui ont alors été mis en place, dans la même situation que celles qui étaient isolées. Le pouvoir réglementaire, qui avait initialement limité le champ de l'aide dans les conditions qui ont été exposées au point 2, a dès lors pu, tout en estimant justifié au regard de l'évolution épidémiologique et économique entre mai et octobre 2021 d'étendre le champ de l'aide ainsi qu'il a été exposé au point 3, définir un calendrier de demande qui permettait aux entreprises nouvellement concernées de disposer d'un délai suffisant pour déposer une demande unique d'aide, sans que ce choix méconnaisse le principe d'égalité. Compte tenu de ce qui vient d'être exposé, la société requérante n'est pas davantage fondée à soutenir que la décision aurait été prise en application d'un régime de subvention qui méconnaitrait le " principe de sélectivité ", la liberté du commerce et de l'industrie ou la libre-concurrence, au seul motif que le délai accordé par le décret du 14 octobre 2021 n'a pas la même durée que celui initialement prévu par le décret du 20 mai 2021.
5. En deuxième lieu, les parties s'accordent pour reconnaitre que la société PWS a déposé une demande d'aide sur l'espace professionnel du site internet des impôts le 28 janvier 2022. Si la société PWS allègue qu'elle aurait déposé une précédente demande antérieurement au 1er novembre 2021, elle ne produit en revanche aucun élément susceptible de l'établir. Le courriel daté du 20 octobre 2021 adressé au ministre délégué chargé des PME qu'elle produit conteste les restrictions contenues dans le décret du 20 mai 2021 à l'égard des groupes de sociétés et sollicite une extension de son champ d'application ou toute autre forme possible d'aide. Il ne peut ainsi être regardé comme constituant une demande d'aide à la reprise au sens du décret du 20 mai 2021. Il ne ressort dès lors pas des pièces du dossier que la société PWS aurait déposé une demande unique d'aide à la reprise dans le délai prévu à peine d'irrecevabilité par les dispositions précitées du 1° du paragraphe I de l'article 3 du décret du 20 mai 2021, dans sa rédaction issue du décret du 14 octobre 2021. Le directeur départemental des finances publiques de Moselle était dès lors tenu, en application de ce texte, de refuser le bénéfice de l'aide, qui avait été demandée tardivement.
6. En troisième lieu, la réponse du ministre chargé des petites et moyennes entreprises au courriel de la société PWS exposé au point précédent, qui comporte par erreur matérielle la date du 6 janvier 2021, se borne à informer la société des modifications du décret du 20 mai 2021 concernant les groupes de sociétés et l'invite à déposer une demande si elle estime remplir l'ensemble des conditions de cette aide, sur lesquelles le ministre ne se prononce pas. Ce courrier purement informatif ne peut donc être regardé comme une décision créatrice de droits sur l'octroi de l'aide, qui aurait été méconnue ou rapportée par le directeur départemental des finances publiques de la Moselle. Pour les mêmes motifs, la société PWS n'est pas fondée à soutenir que le refus qui lui a été opposé méconnaitrait le principe de confiance légitime.
7. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été exposé, la demande d'aide à la reprise formulée par la société PWS a été rejetée en raison de sa tardiveté, en application des dispositions précitées du 1° du paragraphe I de l'article 3 du décret du 20 mai 2021, dans sa rédaction issue du décret du 14 octobre 2021. Le moyen tiré de ce que la demande aurait illégalement été rejetée, pour des motifs discriminatoires purement budgétaires, en raison de l'absence de crédits en 2023, doit dès lors être écarté comme manquant en fait.
8. En dernier lieu, la décision contestée du 12 juin 2023 a été prise au terme de l'examen de la demande d'aide à la reprise formulée par la société PWS. La société ne peut dès lors utilement invoquer l'absence de la procédure contradictoire prévue par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui précise que cette procédure s'applique " Exception faite des cas où il est statué sur une demande ".
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société PWS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société PWS est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS PWS et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la direction départementale des finances publiques de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2025.
Le rapporteur,
H. Stillmunkes
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY00331