Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiées (SAS) " Stage Points de Permis France " (SPPF) et Mme B... A... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 20 avril 2021 du préfet de l'Isère portant refus de validation du stage de sensibilisation à la sécurité routière organisé les 20 et 21 janvier 2021 et d'enjoindre au préfet de valider ce stage, sous quinze jours.
Par un jugement n° 2105759 du 5 janvier 2024, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision et rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 février 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par la société SPPF.
Le ministre soutient que :
- le courriel du 20 avril 2021 ne constitue pas une décision faisant grief à la société SPPF, susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, de telle sorte que les premiers juges auraient dû rejeter comme irrecevable la demande qui leur était présentée ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, ce courriel ne constitue pas une sanction ;
- les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte, du défaut de motivation et de l'absence de procédure contradictoire sont ainsi inopérants ;
- le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation est également inopérant et en tout état de cause infondé, en raison de l'absence de situation de force majeure susceptible de justifier un changement de lieu de formation sans respect du délai de prévenance de deux mois.
Par un mémoire enregistré le 1er novembre 2024, la société par actions simplifiées (SAS) " Stage Points de Permis France " (SPPF) et Mme B... A... épouse C..., concluent au rejet de la requête du ministre, à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Isère de valider le stage des 20 et 21 janvier 2021 dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à venir et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société SPPF et Mme C... font valoir que :
- le ministre doit justifier de la compétence pour ce faire du signataire de la requête ;
- la société SPPF a intérêt à agir à l'encontre du courriel du 20 avril 2021 qui présente un caractère décisoire ;
- le préfet ne se trouvait pas en situation de compétence liée ;
- la décision de refus de validation constitue une sanction non prévue par les textes et ne pouvait pas reposer sur le motif de l'utilisation irrégulière d'une salle de formation, cas de figure non prévu par l'article R. 223-8 du code de la route ;
- la décision n'est pas signée, est entachée d'un vice d'incompétence de l'auteur de l'acte, n'est pas motivée en droit et insuffisamment motivée en fait, n'a pas été précédée de la procédure contradictoire prévue par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- cette décision est également entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation car le changement de salle de formation lui a été imposé par l'hôtel qui devait accueillir la formation.
La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 25 novembre 2024, par ordonnance du 4 novembre précédent.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la route ;
- l'arrêté du 26 juin 2012 fixant les conditions d'exploitation des établissements chargés d'organiser les stages de sensibilisation à la sécurité routière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 16 décembre 2024 :
- le rapport de M. Gros, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... épouse C..., représentante légale de la société " Stage Points de Permis France " (SPPF) a organisé un stage de sensibilisation à la sécurité routière en vue de la récupération de points de permis de conduire, qui s'est déroulé les 20 et 21 janvier 2021 dans une salle de formation de l'hôtel Mercure, à Meylan. Le tribunal administratif de Grenoble, par jugement du 5 janvier 2024, a annulé le refus du préfet de l'Isère de valider ce stage. Le ministre chargé de l'intérieur relève appel de ce jugement, la société SPPF et Mme C..., quant à elles, demandant à la cour d'enjoindre au préfet de valider le stage.
Sur la recevabilité :
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ".
3. Par le courriel en litige du 20 avril 2021, l'adjointe à la cheffe du bureau du pilotage des politiques publiques de sécurité de la préfecture de l'Isère a indiqué à Mme C..., gérante de la société SPPF, qu'elle " confirme la position de l'ANTS de ne pas valider le stage du 20 et 21 janvier 2021, qui a été organisé de manière irrégulière " et précisé qu'elle inviterait les stagiaires à contacter Mme C... " pour connaître les modalités de remboursement de ce stage, lequel ne peut en aucun cas donner lieu à une validation par les services de l'Etat ". Ce courriel revêt ainsi, contrairement à ce que soutient le ministre, le caractère d'une décision, susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Cette décision fait grief à la société SPPF et à Mme C..., sa gérante, organisatrice du stage des 20 et 21 janvier 2021, qui justifient en conséquence d'un intérêt suffisant pour en demander l'annulation. Par suite, la demande tendant à l'annulation de cette décision du 20 avril 2021, présentée par la société SPPF et par Mme C... devant le tribunal, était recevable.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
4. Selon l'article L. 213-1 du code de la route, " l'animation des stages de sensibilisation à la sécurité routière " ne peut être organisée que " dans le cadre d'un établissement dont l'exploitation est subordonnée à un agrément délivré par l'autorité administrative ". Aux termes de l'article R. 213-2 du code de la route, dans sa rédaction applicable, l'agrément requis pour exploiter un établissement organisant de tels stages " est délivré aux personnes remplissant les conditions suivantes : (...) 5° Justifier de garanties minimales concernant les moyens de formation de l'établissement. Ces garanties concernent les locaux, les véhicules, les moyens matériels, les modalités d'organisation de la formation (...) ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 26 juin 2012 susvisé, dans sa rédaction applicable : " Toute personne désirant obtenir un agrément pour l'exploitation d'un établissement chargé d'organiser des stages de sensibilisation à la sécurité routière doit adresser au préfet du département du lieu d'implantation de l'établissement une demande datée et signée accompagnée d'un dossier comportant les pièces suivantes : (...) 2° Pour les moyens de l'établissement : a) Le nom et la qualité de l'établissement : raison sociale, numéro SIREN, ou SIRET le cas échéant, coordonnées de l'établissement : adresses postale et électronique, téléphone du secrétariat / b) Un plan et un descriptif des locaux d'activité (superficie et disposition des salles). Les locaux doivent comporter au minimum une salle pour la formation dans le département / Si l'établissement dispose de plusieurs salles de formation, elles peuvent être situées à des adresses différentes, dans la même commune ou dans plusieurs communes du département / La ou les salles de formation doivent être situées dans un local adapté à la formation et être d'une superficie minimale de 35 m2. Elle(s) doi(ven)t disposer d'un éclairage naturel occultable et des capacités d'installation du matériel audiovisuel, informatique et pédagogique nécessaire au bon déroulement des stages / L'agrément est délivré sans préjudice du respect des normes prévues pour les établissements recevant du public / c) Pour chaque salle de formation, la photocopie du titre de propriété ou du contrat de location ou de la convention d'occupation pour une durée d'un an minimum / d) Une attestation d'assurance de responsabilité civile garantissant les stagiaires fréquentant l'établissement contre les risques qu'ils peuvent encourir du fait de l'enseignement (...) ". Aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Lorsque l'exploitant d'un établissement agréé désire changer de salle de formation, ou utiliser une ou des salles supplémentaires, il doit adresser au préfet, au plus tard deux mois avant la date du changement, une demande de modification accompagnée des pièces énumérées aux a à d du 2° de l'article 2 / Le préfet peut faire vérifier la conformité de la ou des salles de formation (...) ".
5. Aux termes de l'article 8 de cet arrêté du 26 juin 2012 : " Le préfet retire l'agrément de l'établissement chargé d'organiser les stages de sensibilisation à la sécurité routière : (...) / 3° Lorsque l'une des conditions de délivrance de l'agrément mentionnées au II de l'article R. 213-2 du code de la route cesse d'être remplie (...) ". L'article 9 de l'arrêté prévoit les cas où l'agrément peut être suspendu, pour une durée maximale de six mois.
6. Aux termes de l'article R. 223-8 du code de la route : " I. Le titulaire de l'agrément prévu au II de l'article R. 213-2 délivre une attestation de stage à toute personne qui a suivi un stage de sensibilisation à la sécurité routière dans le respect de conditions d'assiduité et de participation fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité routière. Il transmet un exemplaire de cette attestation au préfet du département du lieu du stage, dans un délai de quinze jours à compter de la fin de celui-ci / II. L'attestation délivrée à l'issue du stage (...) donne droit à la récupération de quatre points dans la limite du plafond affecté au permis de conduire de son titulaire / III. Le préfet mentionné au I ci-dessus procède à la reconstitution du nombre de points dans un délai d'un mois à compter de la réception de l'attestation et notifie cette reconstitution à l'intéressé par lettre simple. La reconstitution prend effet le lendemain de la dernière journée de stage (...) ".
7. Pour annuler le refus du préfet de l'Isère de valider le stage des 20 et 21 janvier 2021 et de reconstituer les points de permis de conduire des stagiaires, le tribunal a jugé que ce refus était dépourvu de base légale car il ne figure pas au nombre des sanctions prévues par le code de la route et par les articles 8 et 9 de l'arrêté du 26 juin 2012 et que le manquement reproché, tenant au non-respect du délai de deux mois pour demander une modification du lieu de formation, n'est pas au nombre de ceux pouvant motiver une sanction. Toutefois, le refus en cause ne saurait être assimilé à une sanction. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que le tribunal s'est fondé à tort sur le moyen tiré de ce que ce refus constituait une sanction non prévue par les textes.
8. Dès lors, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société SPPF et Mme C... devant le tribunal administratif et en appel.
Sur les autres moyens soulevés par la société SPPF et Mme C... :
9. Les stages de sensibilisation à la sécurité routière doivent se dérouler dans des locaux répondant aux exigences du 2° de l'article 2 de l'arrêté du 26 juin 2012, adaptés à la formation, de superficie d'au moins 35 m², éclairés naturellement et équipés pour l'installation des divers matériels nécessaires à cette formation. Ces salles sont mentionnées dans l'agrément détenu par l'organisateur du stage. Une modification du lieu de stage doit, en application de l'article 6 de cet arrêté, être demandée au préfet par l'intéressé au plus tard deux mois avant la date du changement envisagé, afin de permettre aux services préfectoraux de vérifier que la demande est conforme aux exigences précitées.
10. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., gérante de la société SPPF, a été autorisée, par arrêté du préfet de l'Isère pris le 23 novembre 2016, modifié le 28 octobre 2020, à exploiter un établissement qui anime des stages de sensibilisation à la sécurité routière, dans trois salles de formation désignées, situées, l'une à l'hôtel Kyriad de Meylan, l'autre à l'hôtel des Trois Massifs de Claix et la troisième à l'hôtel Mercure de Grenoble. Le stage des 20 et 21 janvier 2021 devait se tenir à l'hôtel Mercure de Grenoble. Or, cet établissement hôtelier a décidé de déplacer le lieu de formation prévu dans ses locaux vers un autre hôtel Mercure, à Meylan, éloigné de quelques kilomètres. Ce changement a été notifié le 18 janvier 2021 à la société requérante qui en a aussitôt informé le préfet, en joignant les documents relatifs à la salle de remplacement. Celle-ci présentait une surface de 110 m², était équipée pour la formation et l'hôtel Mercure de Meylan avait recueilli un avis favorable à la poursuite du fonctionnement émis le 23 juillet 2020 par la sous-commission départementale de sécurité. Cette salle apparaissait satisfaire aux exigences du b) du 2° de l'article 2 de l'arrêté du 26 juin 2012. Dans ces conditions, le refus de validation de stage du 20 avril 2021, au surplus opposé par un agent dont la compétence pour ce faire n'est pas établie, est entaché d'illégalité. Ce refus doit, par suite, être annulé, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens des requérantes ni sur la recevabilité des écritures du ministre.
11. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 20 avril 2021 et le rejet du recours gracieux de la société requérante.
Sur l'injonction :
12. Il appartient à la préfète de l'Isère, en application des dispositions de l'article R. 223-8 du code de la route rappelées au point 6, de procéder, le cas échéant, à la reconstitution du nombre de points du permis de conduire des personnes auxquelles a été délivrée l'attestation de suivi du stage de sensibilisation à la sécurité routière des 20 et 21 janvier 2021, attestation qui témoigne de leur assiduité et de leur participation à ce stage d'une durée de deux jours. Il n'appartient en revanche pas à la cour de prononcer une injonction en ce sens, s'agissant de situations individuelles, étrangères à la situation des requérantes. Les conclusions à fin d'injonction de ces dernières en peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
13. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante pour l'essentiel, une somme de 1 500 euros à verser à la société SPPF et à Mme C..., au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la société RPPF et à Mme C... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées pour la SAS Stage points de permis France et Mme A... épouse C... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à la société SPPF et à Mme B... A... épouse C....
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2025.
Le rapporteur,
B. Gros
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 24LY00540 2