Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler des décisions du 16 mars 2023 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné son pays de renvoi.
Par un jugement n° 2301246 du 16 novembre 2023, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 mars 2024, M. A... B..., représenté par Me Brey, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2301246 du 16 novembre 2023 du tribunal administratif de Dijon ainsi que les décisions préfectorales du 16 mars 2023 ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un certificat de résidence dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à venir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
M. B... soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dans la mise en œuvre de son pouvoir de régularisation ;
- la décision portant refus de séjour est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation et d'une erreur de droit car le préfet n'a pas statué sur sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, d'une erreur de fait, d'une erreur manifeste d'appréciation et a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet devait de nouveau saisir le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et a méconnu les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien car un traitement adapté à ses pathologies n'est pas disponible en Algérie, où il serait isolé sans pouvoir bénéficier d'un accompagnement adapté à son handicap ;
- la mesure d'éloignement, illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour, méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et se trouve entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision lui impartissant un délai de trente jours pour quitter le territoire français est insuffisamment motivée et entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision désignant son pays de destination est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour.
Par un mémoire en défense enregistré 26 juillet 2024, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par la SELARL Centaure Avocats, agissant par Me Rannou, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. B... d'une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le préfet fait valoir que :
- il a pris en compte la situation personnelle de M. B... ;
- le requérant ne justifiait pas de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires pour être admis au séjour ;
- il n'a pas porté d'atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale ;
- le requérant ne remplit pas les conditions de délivrance pour raisons de santé d'un certificat de résidence et ni les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ces dernières en outre invoquées en vain à l'encontre de la mesure d'éloignement, n'ont été méconnues ;
- il n'a pas commis d'erreur de droit ;
- le requérant ne justifiait pas que lui soit accordé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 24 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Gros, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant algérien né en 1990, est entré régulièrement sur le territoire français le 13 septembre 2016 et a bénéficié quatre années durant de certificats de résidence portant la mention " étudiant ". Le préfet de la Côte-d'Or lui en a refusé le renouvellement par une décision du 14 avril 2021, annulée le 13 décembre suivant par le tribunal administratif de Dijon qui a enjoint à cette autorité de réexaminer la demande de M. B.... Ce dernier, le 10 janvier 2022, a indiqué au préfet solliciter désormais un certificat de résidence " vie privée et familiale " sur le fondement des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et, à titre subsidiaire, au regard de circonstances humanitaires. Le préfet de la Côte-d'Or, le 16 mars 2023, lui a opposé un refus, assorti d'une mesure d'éloignement, avec octroi d'un délai de départ volontaire de trente jours et a désigné son pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 16 novembre 2023 du tribunal administratif de Dijon qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions préfectorales.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Si l'accord franco-algérien ne prévoit pas de modalités d'admission exceptionnelle au séjour semblables à celles que prévoit l'article L. 4351 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
3. Il ressort de la motivation de l'arrêté en litige pris le 16 mars 2023 que le préfet de la Côte-d'Or, qui a visé la demande de titre de séjour " présentée le 10 janvier 2022 par M. B... C... le fondement des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ", ne s'est pas prononcé sur l'opportunité de régulariser la situation du demandeur. Pourtant, M. B... concluait son courrier du 10 janvier 2022 en énonçant que " si toutefois vous ne deviez pas donner droit à ma demande, je vous serais reconnaissant de bien vouloir instruire à titre subsidiaire une demande fondée sur les circonstances humanitaires caractérisant ma situation ". Par suite, la décision de refus de séjour en litige a été prise à l'issue d'un examen incomplet de la demande de M. B... et encourt pour ce motif l'annulation. L'illégalité de cette décision entraîne, par voie de conséquence, celle des décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant le pays de renvoi de l'intéressé.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité de ce jugement ni sur les autres moyens de la requête, que le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Ce jugement, ainsi que l'arrêté préfectoral du 16 mars 2023, doivent, dès lors, être annulés.
Sur l'injonction :
5. Le présent arrêt n'implique pas, compte tenu du motif d'annulation retenu, que le préfet de la Côte-d'Or délivre un titre de séjour à M. B.... En revanche, il implique nécessairement que le préfet réexamine la demande de l'intéressé. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
6. M. B... n'étant pas la partie perdante, les conclusions du préfet de la Côte-d'Or tendant au versement de frais de procès, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil du requérant d'une quelconque somme en application de ces mêmes dispositions et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2301246 du 16 novembre 2023 du tribunal administratif de Dijon est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Côte-d'Or de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de M. B..., dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B... et les conclusions du ministre de l'intérieur tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2025.
Le rapporteur,
B. Gros
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY00635