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16/01/2025 | FRANCE | N°24LY01300

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 16 janvier 2025, 24LY01300


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner Saint-Etienne métropole à lui verser la somme de 20 547,09 euros en réparation des préjudices que lui a causés un accident dont elle a été victime le 31 mai 2019.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme a présenté des conclusions tendant à ce que Saint-Etienne métropole soit condamnée à lui verser la somme de 3 237,75 euros au titre de ses débours.

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Par un jugement n° 2301965 du 5 mars 2024, le tribunal administratif de Lyon a condamné Saint-Etienne...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner Saint-Etienne métropole à lui verser la somme de 20 547,09 euros en réparation des préjudices que lui a causés un accident dont elle a été victime le 31 mai 2019.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme a présenté des conclusions tendant à ce que Saint-Etienne métropole soit condamnée à lui verser la somme de 3 237,75 euros au titre de ses débours.

Par un jugement n° 2301965 du 5 mars 2024, le tribunal administratif de Lyon a condamné Saint-Etienne métropole à verser, d'une part, à Mme A... la somme de 2 274,92 euros au titre de ses préjudices temporaires et, d'autre part, à la CPAM du Puy-de-Dôme la somme de 971,32 euros au titre de ses débours provisoires.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 mai2024, Saint-Etienne métropole, représentée par la SELARL Réflex Droit public agissant par Me Brand, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2301965 du 5 mars 2024 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de rejeter les conclusions de Mme A... ainsi que les conclusions de la CPAM du Puy-de-Dôme ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Saint-Etienne métropole soutient que :

- la demande indemnitaire est irrecevable en tant qu'elle porte sur une demande de provision et le tribunal ne pouvait sans dénaturation estimer qu'il était saisi d'une demande d'indemnisation des préjudices temporaires en l'attente de consolidation ;

- les circonstances de la chute ne sont pas établies et rien ne permet de retenir sa responsabilité ;

- subsidiairement, compte tenu du caractère limité de la dégradation de la voie, aucun défaut d'entretien normal ne peut lui être imputé ;

- la faute de la victime est entièrement exonératoire ;

- infiniment subsidiairement, l'évaluation des préjudices par le tribunal est excessive, s'agissant du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées et du préjudice esthétique ;

- s'agissant des débours de la caisse, aucun élément justificatif ne permettait au tribunal de les retenir.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 août 2024, la CPAM du Puy-de-Dôme, représentée par la SELARL Axiome Avocats agissant par Me Rognerud, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) a titre incident, à ce que la somme que Saint-Etienne métropole a été condamnée à lui verser soit portée à 7 102,15 euros ;

3°) à ce que soit mis à la charge de Saint-Etienne métropole une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La CPAM du Puy-de-Dôme soutient que :

- c'est à juste titre que le tribunal a retenu la responsabilité de Saint-Etienne métropole en raison du défaut d'entretien normal de la voie ;

- elle justifie de ses débours provisoires, correspondant à des dépenses de santé ;

- elle réserve ses débours définitifs dans l'attente de la consolidation, ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 octobre 2024, Mme B... A..., représentée par Me Font, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre incident, à ce que la somme que Saint-Etienne métropole a été condamnée à lui verser soit portée à 13 797,09 euros ;

3°) à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge de Saint-Etienne métropole sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme A... soutient que :

- sa demande était recevable dès lors que l'absence de consolidation justifiait de formuler une demande de provision, le tribunal ayant eu raison d'en déduire qu'elle demandait la réparation de ses préjudices temporaires ;

- elle établit que l'accident dont elle a été victime est lié à un défaut d'entretien normal de la voie ;

- elle n'a pas commis de faute exonératoire ;

- elle est fondée, dans l'attente de la consolidation, à demander la réparation de ses préjudices corporels temporaires qui sont liés à un déficit fonctionnel temporaire, à des souffrances endurées et à un préjudice esthétique temporaire et définitif ;

- elle a également exposé des frais divers d'avocat, de constat de commissaire de justice et d'expertise ;

- elle est enfin fondée à demander la réparation du préjudice lié à la dégradation de son vélo ;

- le tribunal a fait une évaluation insuffisante de ses préjudices.

Par ordonnance du 30 août 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 30 octobre 2024 à 16h30.

Par un mémoire complémentaire enregistré le 10 décembre 2024, Saint-Etienne métropole, représentée par la SELARL Reflex droit public, se désiste de ses conclusions d'appel, " sous réserve que soit satisfaite la condition du désistement de Mme A... de ses conclusions d'appel incident, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ".

Par un mémoire complémentaire enregistré le 12 décembre 2024, Mme A..., représentée par Me Font, se désiste de l'ensemble de ses conclusions d'appel.

Un mémoire complémentaire présenté pour Saint-Etienne métropole et enregistré le 12 décembre 2024 n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Clément, représentant Saint-Etienne métropole.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née le 15 septembre 1958, a été victime d'une chute alors qu'elle circulait à vélo le vendredi 31 mai 2019. Par le jugement attaqué du 5 mars 2024, le tribunal administratif de Lyon a condamné Saint-Etienne métropole à l'indemniser, ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme, dans la limite de 30 % en raison d'une faute de la victime partiellement exonératoire, sur le fondement d'un défaut d'entretien normal de la voie.

Sur les désistements :

2. En premier lieu, Mme A... et Saint-Etienne métropole ont exposé qu'elles étaient parvenues à un accord amiable et entendaient se désister de l'ensemble de leurs conclusions d'appel. D'une part, le désistement de Mme A... est pur et simple et il y a lieu d'en donner acte. D'autre part, le désistement de Saint-Etienne métropole est conditionné au désistement de Mme A.... Cette condition étant satisfaite, il y a lieu d'en donner également acte.

3. En second lieu, il résulte d'une règle générale de procédure qu'après avoir donné acte du désistement des conclusions d'un appelant principal, une juridiction, saisie de conclusions d'appel incident, doit soit donner acte du désistement de l'appel incident, notamment lorsque l'appelant incident a accepté le désistement de l'appel principal, soit constater l'irrecevabilité de l'appel incident, en particulier s'il a été enregistré postérieurement à la date d'enregistrement du désistement de l'appel principal, soit statuer au fond sur les conclusions incidentes, lorsqu'elles ne sont pas entachées d'irrecevabilité. En l'espèce, les conclusions présentées par la CPAM du Puy-de-Dôme étant antérieures aux désistements précités, cette caisse n'ayant pas indiqué accepter ces désistements ni se désister, et ses conclusions n'étant entachées d'aucune irrecevabilité, il y a dès lors lieu d'y statuer.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. Il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise médicale diligentée par le juge des référés du tribunal administratif de Lyon que l'état de Mme A... n'est pas encore consolidé. Elle a en conséquence demandé la réparation des seuls préjudices qui ont été constatés de façon certaine en l'état. Si, dans sa demande, elle a de façon maladroite indiqué demander le versement d'une provision, au lieu d'évoquer une indemnisation partielle définitive, il résulte de ses écritures, ainsi que l'a exactement relevé le tribunal, qu'elle a en réalité entendu demander, d'une part l'indemnisation définitive de ses préjudices matériels établis à la date du jugement et, d'autre part, l'indemnisation partielle définitive de ses préjudices corporels en limitant en l'état sa demande sur ce point aux préjudices temporaires établis à la date du jugement, tout en réservant la possibilité de demander ultérieurement la réparation des préjudices temporaires postérieurs et des préjudices définitifs lorsque la consolidation sera intervenue. La fin de non-recevoir tirée de ce que la demande serait purement provisionnelle et irrecevable de ce fait doit, en conséquence et en tout état de cause, être écartée. Saint-Etienne métropole n'est par ailleurs et en tout état de cause pas fondée à soutenir que le tribunal aurait dénaturé la demande qui lui était soumise, alors qu'il s'est borné à l'interpréter utilement.

Sur le principe et l'étendue de la responsabilité :

5. En premier lieu, Mme A... expose avoir chuté en raison d'un trou situé dans la voie sur laquelle elle circulait. Si, ainsi que le souligne Saint-Etienne métropole, aucun témoignage direct de l'accident n'est disponible, Mme A... produit toutefois une attestation précise et circonstanciée d'une automobiliste, datée du 25 septembre 2019 mais relatant les faits dont elle a été directement témoin, qui indique avoir trouvé Mme A... couchée sur le bas-côté de la route, à côté d'un nid de poule, encore sur son vélo et inconsciente, très marquée au visage par une chute. Mme A... produit également un registre de police qui fait état d'un appel par l'automobiliste précitée et évoque, sans aucune réserve et sans émettre aucune autre hypothèse, le constat d'une chute à vélo en roulant dans un nid de poule. La gravité des blessures subies exclut par ailleurs tout déplacement de la victime avant l'arrivée de ces témoins. Ces constatations précises, sérieuses et concordantes, qu'aucun élément ne contredit, sont en l'espèce de nature à établir suffisamment la matérialité des faits.

6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction et notamment du procès-verbal de constat dressé par un commissaire de justice le 11 juin 2019, qui fait foi jusqu'à inscription de faux, que l'accident est survenu dans un tronçon où la chaussée est en voie de dégradation et a dû faire l'objet de plusieurs reprises. Le trou qui a occasionné la chute est situé sur la chaussée, au milieu d'une des deux voies de circulation. Il est important, d'une dimension de 100 centimètres sur 44 et d'une profondeur de l'ordre de 4 centimètres avec des rebords très marqués. Le revêtement situé autour est par ailleurs lui-même craquelé, ce que le commissaire de justice qualifie de faïençage, cette description correspondant aux photographies annexées à son constat. Compte tenu de l'état important de dégradation de la voie, qui est ouverte à la circulation des simples vélos, il révèle en l'espèce un défaut d'entretien normal, la métropole n'apportant pas la preuve d'un entretien suffisant.

7. En troisième lieu, toutefois, il résulte des photographies annexées au constat qui a été évoqué au point précédent que le trou à l'origine de la chute se situe dans un secteur très faiblement descendant et droit, sans aucune gêne à la visibilité, et qu'il était largement décelable à distance par un usager à vélo raisonnablement attentif, dont l'attention devait en outre être déjà attirée par l'état global de faïençage du tronçon qui impliquait manifestement une prudence particulière. L'accident est survenu peu avant midi et aucune difficulté particulière de visibilité n'est établie. Par ailleurs, si l'ampleur du trou, son positionnement et le faïençage compliquaient dans une certaine mesure la possibilité de l'éviter, un contournement restait possible, d'un côté ou de l'autre, moyennant le cas échéant une maitrise de la vitesse. C'est dès lors à juste titre que le tribunal a estimé que l'accident était imputable à une faute d'inattention de la victime, exonératoire en l'espèce à hauteur de 70 %.

8. Il résulte des points qui précèdent que Saint-Etienne métropole a engagé sa responsabilité dans l'accident dont Mme A..., usagère de la voie, a été victime, dans une proportion de 30 %, en raison du défaut d'entretien de l'ouvrage public, que la faute d'inattention commise n'exonère que partiellement.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne la consolidation :

9. Ainsi qu'il a été exposé, l'expertise médicale diligentée par le juge des référés du tribunal, après avoir constaté en particulier un traumatisme crânio-cérébral et facial et un traumatisme de l'épaule droite et de plusieurs côtes, ainsi qu'une atteinte hépatique par lacération, compatibles avec une chute à vélo avec réception principale sur le côté droit et choc abdominal contre le guidon, relève qu'aucune consolidation n'est intervenue en l'état et qu'une consolidation ne peut en l'espèce se concevoir avant un délai minimal de 24 à 36 mois après l'accident, notamment en raison de l'apparition de troubles neurologiques et orthophoniques. Il ne résulte pas de l'instruction qu'une consolidation serait intervenue à la date du présent arrêt. Il y a dès lors lieu d'évaluer les seuls préjudices temporaires subis par Mme A... à cette date, sans préjudice de la possibilité éventuelle pour elle d'obtenir ultérieurement l'indemnisation des préjudices temporaires qui seraient établis après cette date, ainsi que des préjudices définitifs lorsque la consolidation sera intervenue.

En ce qui concerne les préjudices :

10. S'agissant des dépenses de santé, la CPAM du Puy-de-Dôme établit, par la production d'un état des débours étayé par une attestation circonstanciée du médecin conseil, avoir exposé un montant total de 7 102,15 euros, correspondant à des frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques et d'appareillage en lien avec l'accident. Mme A... ne fait pour sa part état d'aucune dépense de santé qui serait restée à sa charge. Ce montant de préjudice ne peut toutefois être indemnisé que dans la limite du taux de responsabilité de 30 % qui a été exposé aux points 7 et 8 du présent arrêt, soit la somme totale de 2 130,65 euros.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la CPAM du Puy-de-Dôme est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon n'a pas porté les montants que Saint-Etienne métropole a été condamnée à lui verser au titre de ses débours à la date du présent arrêt au montant de 2 130,65 euros.

Sur les dépens :

12. Dans les circonstances de l'espèce et en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de maintenir les dépens, correspondants aux honoraires de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal, à la charge de Saint-Etienne métropole.

Sur les frais de l'instance :

13. Sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Saint-Etienne métropole une somme de 1 500 euros à verser à la CPAM du Puy-de-Dôme.

D E C I D E :

Article 1er : Il est donné acte des désistements de Saint-Etienne métropole et de Mme A....

Article 2 : Saint-Etienne métropole est condamnée à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme une somme de 2 130,65 euros.

Article 3 : Le jugement n° 2301965 du 5 mars 2024 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Les dépens sont maintenus à la charge de Saint-Etienne métropole.

Article 5 : La somme de 1 500 euros, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, est mise à la charge de Saint-Etienne métropole.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Saint-Etienne métropole, à Mme B... A... et à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2025.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au préfet de la Loire, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY01300


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY01300
Date de la décision : 16/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-04-01 Travaux publics. - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. - Causes d'exonération. - Faute de la victime.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELARL AXIOME AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-16;24ly01300 ?
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