Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Dijon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office, d'autre part, d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un titre de séjour ou de procéder à un nouvel examen de sa situation.
Par un jugement n° 2203256 du 10 juillet 2023, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 25 octobre 2023, Mme B... A... épouse C..., représentée par Me Grenier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 10 juillet 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2022 du préfet de la Côte-d'Or ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le préfet n'a pas examiné sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision lui refusant le séjour est insuffisamment motivée, faute d'exposer les motifs ayant conduit au rejet de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ;
- les violences dont elle a été victime sont établies par les éléments du dossier et le préfet a ainsi méconnu les dispositions de l'article L. 423-5 du code précité ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions accordant un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision lui accordant un délai de départ volontaire de seulement trente jours est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 avril 2024, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par Me Rannou, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... une somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
Par une décision du 20 septembre 2023, Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante marocaine née le 1er janvier 1989 à M'tal, est entrée régulièrement en France le 12 février 2019 sous couvert d'un visa de long séjour en qualité de conjointe de Français. Elle s'est ensuite vu délivrer une carte de séjour pluriannuelle en cette qualité, valable jusqu'au 11 février 2022. Le 14 décembre 2021, elle en a sollicité le renouvellement sur le fondement des articles L. 423-1 et L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que la délivrance d'une carte de résident sur le fondement de l'article L. 423-6 de ce code. Par un arrêté du 10 mars 2022, le préfet de la Côte-d'Or a rejeté ces demandes et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, décisions que le tribunal administratif de Dijon a annulées par un jugement n° 2201019 du 7 juillet 2022 du fait d'un défaut d'examen, par le préfet, de la possibilité pour la requérante de bénéficier des dispositions citées au point 2. Par un nouvel arrêté du 8 novembre 2022, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de renouveler le titre de séjour de Mme A..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; / 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". Aux termes de l'article L. 423-3 de ce code : " (...) Le renouvellement de la carte est subordonné au maintien du lien conjugal et de la communauté de vie avec le conjoint qui doit avoir conservé la nationalité française ". Aux termes de l'article L. 423-5 dudit code : " La rupture de la vie commune n'est pas opposable lorsqu'elle est imputable à des violences familiales ou conjugales ou lorsque l'étranger a subi une situation de polygamie. (...) ".
3. Ces dispositions, dans leur rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France, ont créé un droit particulier au séjour au profit des personnes victimes de violences conjugales ayant conduit à la rupture de la vie commune avec leur conjoint de nationalité française. Dans ce cas, le renouvellement du titre de séjour n'est pas conditionné au maintien de la vie commune. Il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une telle demande, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, l'existence de violences conjugales ayant conduit à la rupture de la vie commune du demandeur avec son conjoint de nationalité française.
4. D'une part, ainsi que les premiers juges l'ont retenu et contrairement à ce que soutient la requérante, le préfet de la Côte-d'Or ne s'est pas borné à constater l'absence de plainte ou de condamnation pénale de son conjoint pour lui refuser le renouvellement de son titre de séjour, mais a procédé à une analyse des éléments qu'elle a produits, tendant à établir les violences dont elle aurait été victime, et en a conclu qu'aucun de ces documents ne permettait d'établir la réalité des violences alléguées. Il n'a, ainsi, pas commis l'erreur de droit alléguée.
5. D'autre part, les premiers juges ont, à bon droit, retenu que Mme A... n'établissait pas la réalité des violences conjugales invoquées ayant précédé ou conduit à la rupture de la communauté de vie avec son époux. A ce titre, Mme A... ne critique pas les motifs du jugement selon lesquels les éléments versés au dossier, soit la main courante déposée à l'encontre de son époux le 15 juillet 2020, trois attestations émanant respectivement d'un pharmacien, d'une connaissance rencontrée durant une formation de quelques jours et d'une voisine, peu circonstanciées et se bornant à relater les déclarations de la requérante, ainsi que le certificat médical établi le 8 avril 2020 par un médecin généraliste, qui indique que Mme A... est suivie pour un " syndrome anxiodépressif " depuis le mois d'octobre 2019 et ceux des 26 juin et 17 juillet 2020 émanant de son psychiatre, lequel déclare suivre la requérante pour des " troubles psychiatriques réactionnels à une conjugopathie " et se borne à reprendre de façon sommaire les déclarations de l'intéressée, n'étaient pas suffisants pour établir la réalité de ces violences. Il ne ressort pas davantage des pièces produites à l'appui du mémoire du 22 juin 2023 devant le tribunal administratif, relatives à un compte rendu d'infraction du 3 avril 2023, divers certificats médicaux et une attestation de suivi social, qui relatent également les déclarations de la requérante et font état de l'existence de la plainte déposée le 3 avril 2023, ni de celles produites à hauteur d'appel et sans autre précision, que les violences que Mme A... dénoncent seraient établies.
6. Il s'ensuit que les moyens tirés de l'erreur de fait et de la méconnaissance des dispositions rappelées au point 2 doivent être écartées.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
8. Si Mme A... soutient avoir transmis, par un courrier du 18 octobre 2022, une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article précité, elle n'établit pas que les services préfectoraux en auraient accusé réception. Par suite, les moyens tirés de l'absence d'examen sérieux de sa situation, de l'absence de motivation de la décision de rejet de sa demande de renouvellement de titre de séjour, de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'erreur de droit invoqués au regard de son droit à l'admission exceptionnelle au séjour ne peuvent qu'être écartés.
9. En troisième lieu, il convient, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 10 du jugement attaqué et qui n'ont pas été critiqués en appel, d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision litigieuse sur la situation personnelle de la requérante.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français, accordant un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :
10. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 11 à 15 de leur jugement, d'écarter les moyens invoqués à l'encontre de la décision d'éloignement, tirés de son insuffisante motivation, de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour, du défaut d'examen de la situation de Mme A..., de l'erreur de droit et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et enfin de l'erreur manifeste d'appréciation. Il y a également lieu, par adoption des motifs retenus aux points 16 à 20 du jugement, d'écarter les moyens tirés de l'exception d'illégalité de la décision d'éloignement et de l'erreur manifeste d'appréciation invoqués à l'encontre des décisions relatives au délai de départ volontaire et au pays de destination de la mesure d'éloignement.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse une somme au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par le préfet de la Côte-d'Or.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet de la Côte-d'Or sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme B... A... épouse C..., au ministre de l'intérieur et à Me Grenier.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2025.
La rapporteure,
Emilie FelmyLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Péroline Lanoy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23LY03324