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06/02/2025 | FRANCE | N°22LY03834

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 06 février 2025, 22LY03834


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La société par actions simplifiée (SAS) SLV Holding France a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire de retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement no 2004137 du 15 novembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 décembre 2022 et 31 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finance...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société par actions simplifiée (SAS) SLV Holding France a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire de retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement no 2004137 du 15 novembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 décembre 2022 et 31 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de remettre cette imposition et ces pénalités à la charge de la SAS SLV Holding France.

Il soutient que :

- le prix de vente des titres retenu pour la cession du 24 mai 2011, qui résulte de la libre volonté des parties, correspond au prix du marché ; en effet, ce prix de vente ne résulte pas de la convention conclue le 15 décembre 2009, applicable en cas de sortie du groupe de la société Hg Capital ; les conditions de cession de ces titres ont été fixées par une convention conclue le 14 mars 2011, alors que le fonds Hg Capital n'a initié la vente de sa participation dans le groupe SLV que les 1er et 2 avril 2011 ;

- les transactions des 24 mai et 26 mai 2011 sont comparables ;

- l'intention libérale est présumée eu égard aux relations d'intérêts existant entre les parties ;

- la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires était incompétente ;

- les rectifications sont suffisamment motivées ;

- s'agissant de la régularité de l'avis de mise en recouvrement, la SAS SLV Holding France ne peut utilement se prévaloir d'une doctrine administrative ; l'avis de mise en recouvrement fait référence à la proposition de rectification, de sorte qu'elle pouvait avoir connaissance du fondement légal de la rectification et était à même de contester l'imposition supplémentaire ;

- elle ne peut pas non plus utilement se prévaloir de la méconnaissance du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales dès lors que la rectification ne procède pas de traitements informatiques ;

- elle n'est pas fondée à soutenir que la procédure de répression des abus de droit a été implicitement appliquée sans que les garanties correspondantes lui aient été offertes.

Par des mémoires, enregistrés les 9 mars et 16 novembre 2023, la SAS SLV Holding France, représentée par Me Barsikian, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 30 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la procédure est irrégulière dès lors que la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires s'est déclarée à tort incompétente ;

- la proposition de rectification et la réponse aux observations du contribuable sont insuffisamment motivées ;

- l'administration a méconnu les dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ;

- elle l'a privée des garanties applicables à la procédure de répression d'abus de droit implicitement mise en œuvre ;

- elle ne pouvait se fonder sur le prix de vente des titres lors de la cession du 24 mai 2011 dès lors que ce prix résulte des options d'achat et de vente prévues dans le contrat du 15 décembre 2009 ;

- les méthodes d'évaluation mises en œuvre par le service présentent des lacunes et des erreurs ;

- il ressort d'un rapport d'évaluation établi par un expert à sa demande que les actions de la SAS SLV by Declic ont été acquises à leur valeur vénale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Moya, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,

- et les observations de Me Barsikian pour la SAS SLV Holding France.

Considérant ce qui suit :

1. Le 24 mai 2011, la société de droit allemand Lighting Capital Gmbh a acquis 2 940 actions de la SAS SLV by Declic, détenues par la société PM Holding et par M. A..., au prix unitaire de 6 054,95 euros. Le 26 mai 2011, la SAS SLV Holding France a acquis 6 000 actions de la SAS SLV by Declic détenues par les sociétés de droit allemand Lighting Capital Gmbh et SLV Elektronik, au prix unitaire de 14 166,66 euros. La SAS SLV Holding France, qui exerce une activité de holding, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période courant du 1er juin 2010 au 31 mai 2013. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a estimé qu'elle avait acquis le 26 mai 2011 les actions de la SAS SLV by Declic à un prix délibérément majoré et que l'écart entre leur valeur réelle et celle dont les cédantes avaient bénéficié devait être regardé comme une libéralité qu'elle leur avait accordée, imposable sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. La SAS SLV Holding France a en conséquence été assujettie à une cotisation supplémentaire de retenue à la source au titre de l'exercice clos en 2011, assortie des intérêts de retard et de la majoration de 10 % prévue au a du 1 de l'article 1728 du code général des impôts. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel du jugement du 15 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a prononcé la décharge de cette imposition et de ces majorations.

2. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / (...). ".

3. En cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts, alors même que l'opération est comptabilisée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du co-contractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société d'octroyer, et, pour le co-contractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession.

4. La valeur vénale d'actions non cotées en bourse sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue. L'évaluation des titres d'une telle société doit être effectuée, par priorité, par référence au prix d'autres transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires. En l'absence de telles transactions, elle peut légalement se fonder sur l'une des méthodes destinées à déterminer la valeur de l'actif par capitalisation des bénéfices ou d'une fraction du chiffre d'affaires annuel, ou sur la combinaison de plusieurs de ces méthodes. Elle ne saurait toutefois procéder par combinaison entre la méthode par comparaison et l'une ou plusieurs des méthodes alternatives.

5. Pour évaluer la valeur des actions de la SAS SLV by Declic, le service s'est fondé sur la cession des actions intervenue le 24 mai 2011, soit deux jours avant la cession litigieuse, au prix unitaire de 6 054,95 euros. Ce prix de cession résulte de l'application d'une convention conclue le 15 décembre 2009 entre la société PM Holding, M. A... et la société Maia Zweiundvierzigste Vermögensverwaltungs Gmbh, dont l'article 6.2.1 prévoyait qu'en cas de sortie du fonds HgCapital du groupe SLV, la société PM Holding et M. A... pourraient exercer une option de vente des actions de la SAS SLV by Declic, tandis que la société Lighting Capital Gmbh disposerait d'une option d'achat de ces actions. L'article 6.2.3 de cette convention précisait que le prix de cession des actions détenues par la société PM Holding et M. A... serait déterminé par référence au résultat moyen des deux derniers exercices comptables.

6. Le ministre soutient que les modalités de paiement et de réalisation de la vente du 24 mai 2011 ont été déterminées par une convention conclue le 14 mars 2011 entre la SAS PM Holding, M. A..., la société SLV Elektronik et la société Lighting Capital Gmbh et qu'à la date de cette convention, la convention du 15 décembre 2009 ne s'imposait pas aux parties dès lors que le fonds HgCapital n'avait pas encore cédé sa participation dans le groupe SLV, cette cession étant intervenue le 24 mai 2011. Il en déduit que le prix de vente des actions ne peut être regardé comme procédant de la convention du 15 décembre 2009, dont les options d'achat et de vente stipulées ne pouvaient être exercées le 14 mars 2011, et résulte ainsi de la volonté des parties.

7. La convention conclue le 14 mars 2011 indiquait à son article 4.1 que le prix de vente des actions de la SAS SLV by Declic serait fixé en application de l'article 6.2.3 de la convention du 15 décembre 2009. L'article 1.9 de la convention du 14 mars 2011 prévoyait que la vente envisagée par la société SLV Luxco à un tiers de la totalité ou de la majorité de ses titres de la société SLV Holding, à une date qui n'était pas déterminée, constituerait un évènement de sortie au sens de l'article 6.2.1 de la convention du 15 décembre 2009, ce qui autoriserait la société Lighting Capital, M. A... et la société PM Holding à exercer leurs options d'achat et de vente respectives. Enfin, l'article 1.11 de la convention du 14 mai 2011 stipulait qu'en concluant cet accord, les parties convenaient de l'exercice des options de sortie, sous réserve de la réalisation de la vente des actions de la société SLV Holding France. A la date du 24 mai 2011, la condition de sortie du groupe de la société HgCapital prévue pour exercer les options d'achat et de vente était remplie. Il s'ensuit que le prix de vente des actions de la SAS SLV by Declic a été déterminé en application de l'article 6.2.3 de la convention du 15 décembre 2009 comme stipulé par la convention du 14 mars 2011. Ainsi, contrairement à ce que soutient l'administration, la transaction du 24 mai 2011 ne peut être regardée comme une transaction intervenue dans des conditions équivalentes.

8. Il résulte de l'instruction que ni l'administration, ni la SAS SLV Holding France ne se prévalent d'autres transactions comparables intervenues à une date voisine. Afin de confirmer son évaluation, le service a également déterminé la valeur vénale des actions de la SAS SLV by Declic en utilisant une méthode consistant à retenir une moyenne pondérée par application des coefficients de 2 et de 1 respectivement à une valeur mathématique et à des valeurs de productivité et de rendement.

9. La SAS SLV Holding France fait valoir à juste titre que l'appréciation de la valeur réelle de la SAS SLV by Declic, qui connaît une croissance dynamique sur le marché français des appareils d'éclairage, ne peut être déterminée de façon fiable par la voie de la valeur mathématique de ces titres dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait été acquise par la SAS SLV Holding France le 26 mai 2011 pour la valeur de ses actifs et que la valeur vénale ainsi déterminée n'apparaît pas cohérente avec celles obtenues par les valeurs de productivité et de rendement.

10. Il résulte de l'instruction et en particulier d'un rapport établi le 22 avril 2015 par un cabinet d'expertise à la demande de la SAS SLV Holding France, que la SAS SLV by Declic a eu un taux de croissance annuel, de 23 % en moyenne, plus élevé que ceux du marché français des appareils d'éclairage, sur la période allant de 2006 à 2019, que ses ventes se sont fortement ralenties en 2009 et 2010 alors que le marché subissait une crise et qu'elle disposait à nouveau des perspectives de croissance à la fin de l'année 2010. Par suite, et alors que ses conditions d'exercice sont documentées dans le rapport du 22 avril 2015 et dans celui établi le 24 mai 2011 par un premier cabinet d'experts à la demande de la SAS SLV Holding France, la méthode des flux futurs de trésorerie actualisés, à laquelle ces deux cabinets ont eu recours, apparaît pertinente. Sur la base de cette méthode, ces deux cabinets ont évalué successivement et respectivement à 14 166,66 euros et 13 500 euros la valeur unitaire des actions de la SAS SLV by Declic, soit une valeur moyenne de 13 833,33 euros.

11. La moyenne des trois évaluations effectuées à partir des valeurs de productivité et de rendement et selon la méthode des flux futurs de trésorerie actualisés conduit à une valeur unitaire des actions de la SAS SLV by Declic de 12 668 euros, soit un écart de 10,6 % par rapport à leur prix d'acquisition. En l'absence d'écart significatif entre le prix auquel la SAS SLV Holding France a acquis les titres et leur valeur vénale, l'administration ne démontre pas l'existence d'une libéralité.

12. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a déchargé la SAS SLV Holding France de la cotisation supplémentaire de retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 2011, ainsi que des majorations correspondantes.

Sur les frais du litige :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la SAS SLV Holding France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la SAS SLV Holding France la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS SLV Holding France et à la ministre chargée des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente de chambre,

Mme Vinet, présidente-assesseure,

M. Moya, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 février 2025.

Le rapporteur,

P. MoyaLa présidente,

C. Michel

La greffière,

F. Bossoutrot

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 22LY03834

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03834
Date de la décision : 06/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: M. Philippe MOYA
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : BARSIKIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-06;22ly03834 ?
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