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06/02/2025 | FRANCE | N°23LY01233

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 06 février 2025, 23LY01233


Vu la procédure suivante :



Procédures contentieuses antérieures



La société en commandite simple (SCS) A. Raymond et Cie a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013 ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 20

10 à 2014.



Par un jugement n° 1704408 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures

La société en commandite simple (SCS) A. Raymond et Cie a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013 ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2010 à 2014.

Par un jugement n° 1704408 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a dit n'y avoir plus lieu de statuer sur les conclusions de cette demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et a rejeté le surplus des conclusions présentées par la société A. Raymond et Cie.

Par un arrêt n° 20LY00698 du 27 janvier 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a partiellement déchargé la société A. Raymond et Cie des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de ses exercices clos en 2010 et 2011 ainsi que des suppléments de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2010, 2011 et 2012, réformé dans cette mesure le jugement du 20 décembre 2019 et rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

Par une décision n° 462709 du 7 avril 2023, le Conseil d'État statuant au contentieux a annulé les articles 1 à 3 de cet arrêt et a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la cour.

Procédure devant la cour après cassation

Par effet de la décision du Conseil d'État du 7 avril 2023, la cour se trouve à nouveau saisie de la requête présentée par la société A. Raymond et Cie, désormais enregistrée sous le n° 23LY01233.

Par des mémoires enregistrés les 9 mai 2023 et 9 décembre 2024, la société A. Raymond et Cie, représentée par Me Parpillon et Me Cadeau-Belliard, demande à la cour de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés, ainsi que des pénalités et intérêts de retards correspondants, auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2010 à 2012 du fait de la remise en cause des crédits d'impôt correspondant aux retenues à la source italienne.

Elle soutient qu'elle est le holding du groupe A. Raymond et que les dépenses exposées pour la gestion de ses participations sont nulles.

Par des mémoires en défense enregistrés les 10 juillet 2023 et 16 décembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que la société A. Raymond et Cie ne justifie pas que le montant des frais réellement exposés pour l'acquisition ou la conservation des produits de participations serait inférieur à la quote-part forfaitaire de 5 %.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention conclue le 5 octobre 1989 entre la France et l'Italie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Soubié, première conseillère ;

- et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société A. Raymond et Cie a déduit de ses bénéfices imposables en France au titre de ses exercices clos de 2010 à 2012 les dividendes reçus d'une filiale italienne, sous réserve de la quote-part pour frais et charges de 5 % prévue au I de l'article 216 du code général des impôts. La société A. Raymond et Cie a, par ailleurs, imputé sur les cotisations d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des mêmes exercices des crédits d'impôt correspondant aux retenues à la source prélevées par les autorités fiscales italiennes sur les dividendes reçus de sa filiale. A l'issue de deux vérifications de comptabilité portant sur les exercices clos par la société A. Raymond et Cie entre 2010 et 2013, l'administration fiscale a notamment remis en cause, sur le fondement du 4 de l'article 220 du code général des impôts, l'imputation de ces crédits d'impôt. Par un jugement du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a, notamment, rejeté les conclusions de la société A. Raymond et Cie tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2010 et 2011 ainsi que des suppléments de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de ses exercices clos de 2010 à 2012 du fait de la remise en cause des crédits d'impôt correspondant aux retenues à la source italiennes. Par un arrêt du 27 janvier 2022, la cour a fait droit aux conclusions de la société A. Raymond et Cie tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés résultant de la remise en cause de l'imputation des crédits d'impôts (article 1er), a réformé le jugement du 20 décembre 2019 du tribunal administratif de Grenoble en ce qu'il avait de contraire (article 2), a mis une somme à la charge de l'État au titre des frais du litige (article 3) et, enfin a rejeté le surplus des conclusions de la requête (article 4). Par une décision n° 462709 du 7 avril 2023, le Conseil d'État a annulé les articles 1 à 3 de cet arrêt et renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la cour. Ainsi ne demeurent plus en litige que les impositions résultant de la remise en cause des crédits d'impôt correspondant aux retenues à la source italienne et les pénalités correspondantes.

2. Aux termes de l'article 216 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux suppléments d'impôt sur les sociétés en litige au titre de l'exercice clos en 2010 : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges (...) fixée uniformément à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris. Cette quote-part ne peut toutefois excéder, pour chaque période d'imposition, le montant total des frais et charges de toute nature exposés par la société participante au cours de la même période ". Aux termes du même article, dans sa rédaction applicable aux suppléments d'impôt sur les sociétés en litige au titre des exercices clos en 2011 et 2012 : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges (...) fixée uniformément à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris ".

3. Aux termes du 1 de l'article 220 du même code, qui définit le régime d'imputation sur l'impôt dû en France des retenues à la source et des crédits d'impôt afférents aux revenus de capitaux mobiliers : " a) Sur justifications, la retenue à la source à laquelle ont donné ouverture les revenus des capitaux mobiliers, visés aux articles 108 à 119, 238 septies B et 1678 bis, perçus par la société ou la personne morale est imputée sur le montant de l'impôt à sa charge en vertu du présent chapitre. / Toutefois, la déduction à opérer de ce chef ne peut excéder la fraction de ce dernier impôt correspondant au montant desdits revenus. (...) / b) En ce qui concerne les revenus de source étrangère visés aux articles 120 à 123, l'imputation est limitée au montant du crédit correspondant à l'impôt retenu à la source à l'étranger ou à la décote en tenant lieu, tel qu'il est prévu par les conventions internationales (...) ".

4. Aux termes de l'article 10 de la convention conclue le 5 octobre 1989 entre la France et l'Italie en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales : " 1. Les dividendes payés par une société qui est un résident d'un État à un résident de l'autre État sont imposables dans cet autre État. / 2. Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans l'État dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet État (...) ". Aux termes de l'article 24 de cette convention : " La double imposition est évitée de la manière suivante : / 1. Dans le cas de la France : / a) Les bénéfices et autres revenus positifs qui proviennent d'Italie et qui y sont imposables conformément aux dispositions de la Convention, sont également imposables en France lorsqu'ils reviennent à un résident de France. L'impôt italien n'est pas déductible pour le calcul du revenu imposable en France. Mais le bénéficiaire a droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français dans la base duquel ces revenus sont compris. Ce crédit d'impôt est égal : / - pour les revenus visés aux articles 10, 11, 12, 16 et 17 (...) au montant de l'impôt payé en Italie, conformément aux dispositions de ces articles. Il ne peut toutefois excéder le montant de l'impôt français correspondant à ces revenus (...) ".

5. Compte tenu du caractère forfaitaire de la quote-part des produits de participations qu'une société mère doit réintégrer à son bénéfice en application du I de l'article 216 du code général des impôts, sans possibilité pour cette dernière de limiter cette réintégration au montant réel des frais et charges de toute nature exposés par elle au cours de la période d'imposition en vue de l'acquisition ou la conservation des revenus correspondants, les dispositions citées au point 2 doivent être regardées non comme ayant pour seul objet de neutraliser la déduction, opérée au titre de ses frais généraux, des charges afférentes aux titres de participation dont les produits sont exonérés d'impôt sur les sociétés, mais comme visant à soumettre à cet impôt, lorsque le montant des frais est inférieur à cette quote-part forfaitaire, une fraction des produits de participations bénéficiant du régime des sociétés mères.

6. Dans l'hypothèse où il est établi que le montant des frais réellement exposés pour l'acquisition ou la conservation des produits de participations est inférieur à la quote-part forfaitaire, l'impôt français dans la limite duquel est imputé le crédit d'impôt correspondant à l'impôt retenu à l'étranger sur la totalité des produits de participations distribués est égal au produit du taux de l'impôt français et de la différence entre la quote-part forfaitaire et le montant des frais réellement exposés.

7. Si la société A. Raymond et Cie soutient qu'elle exerce une activité de holding et que les dépenses exposées pour la gestion de ses participations sont nulles, elle n'apporte pas de justification suffisante à cet égard en se bornant à produire une attestation de son directeur financier. Par suite, elle ne peut prétendre, en application des stipulations de l'article 24 de la convention fiscale franco-italienne, à l'imputation sur l'impôt sur les sociétés des crédits d'impôt attachés aux dividendes italiens.

8. Il résulte de ce qui précède que la société A. Raymond et Cie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2010 et 2011 ainsi que des suppléments de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de ses exercices clos de 2010 à 2012 du fait de la remise en cause de l'imputation des crédits d'impôt correspondant aux retenues à la source italiennes. Ses conclusions tendant à ce que ce jugement soit annulé dans cette mesure et en décharge doivent être rejetées.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions de la société A. Raymond et Cie tendant à l'annulation du jugement du 20 décembre 2019 du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2010 et 2011 et des suppléments de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de ses exercices clos de 2010 à 2012 du fait de la remise en cause des crédits d'impôt correspondant aux retenues à la source italiennes et à la décharge de ces impositions et pénalités ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société A. Raymond et Cie et à la ministre chargée des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente de chambre ;

M. Moya, premier conseiller ;

Mme Soubié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2025.

La rapporteure,

A.-S. Soubié La présidente,

C. Michel

La greffière,

F. Bossoutrot

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY01233

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01233
Date de la décision : 06/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-08 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net. - Déduction des impôts et pénalités.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Anne-Sylvie SOUBIE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : LEXAN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-06;23ly01233 ?
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