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13/02/2025 | FRANCE | N°23LY01788

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 13 février 2025, 23LY01788


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme A... B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du garde des sceaux, ministre de la justice du 21 septembre 2021, la maintenant au répertoire des détenus particulièrement signalés et de lui enjoindre de procéder au retrait de son inscription sur ce répertoire ;



Par jugement n° 2109479 du 28 mars 2023, le tribunal a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour



Par requête enregistrée le

24 mai 2023, Mme B... C..., représenté par Me Paulus Basurco, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement et c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du garde des sceaux, ministre de la justice du 21 septembre 2021, la maintenant au répertoire des détenus particulièrement signalés et de lui enjoindre de procéder au retrait de son inscription sur ce répertoire ;

Par jugement n° 2109479 du 28 mars 2023, le tribunal a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 24 mai 2023, Mme B... C..., représenté par Me Paulus Basurco, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cette décision ;

2°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de retirer son inscription sur ce répertoire dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la mesure est disproportionnée et méconnait les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Par mémoire enregistré le 17 janvier 2025, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête ;

Il expose que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire

- la circulaire du 15 octobre 2012 relative à l'instruction ministérielle relative au répertoire des détenus particulièrement signalés (DPS)

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Savouré ;

- et les conclusions de Mme Christine Psilakis.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C..., qui a été condamnée par arrêt de la cour d'assise spéciale de Paris du 25 août 2013 à vingt-huit ans de réclusion assortie d'une période de sûreté des deux tiers de la peine pour avoir volontairement donné la mort à deux représentants de la garde civile espagnole en relation avec une entreprise collective et pour des faits commis en bande organisée avec l'organisation terroriste basque ETA, est incarcérée au centre de détention de Roanne. Elle relève appel du jugement du 28 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du garde des sceaux, ministre de la justice du 21 septembre 2021, la maintenant au répertoire des détenus particulièrement signalés.

2. Aux termes de l'article 22 de la loi du 24 novembre 2009 susvisé, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. L'exercice de ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge, de l'état de santé, du handicap et de la personnalité de la personne détenue ". Aux termes de l'article D. 276-1 du code de procédure pénale, alors en vigueur : " En vue de la mise en œuvre des mesures de sécurité adaptées, le ministre de la justice décide de l'inscription et de la radiation des détenus au répertoire des détenus particulièrement signalés dans des conditions déterminées par instruction ministérielle ".

3. Aux termes de l'article 1.1.1 de la circulaire du 15 octobre 2012 susvisée : " Les critères d'inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés sont liés au risque d'évasion et à l'intensité de l'atteinte à l'ordre public que celle-ci pourrait engendrer ainsi qu'au comportement particulièrement violent en détention de certaines personnes détenues. / Les personnes détenues susceptibles d'être inscrites au répertoire des DPS sont celles : 1) appartenant à la criminalité organisée locale, régionale, nationale ou internationale ou aux mouvances terroristes, appartenance établie par la situation pénale ou par un signalement des magistrats, de la police ou de la gendarmerie (...) 3) susceptibles de mobiliser les moyens logistiques extérieurs d'organisations criminelles nationales, internationales ou des mouvances terroristes ; 4) dont l'évasion pourrait avoir un impact important sur l'ordre public en raison de leur personnalité et / ou des faits pour lesquels elles sont écrouées (...) ".

4. Il ressort de cette instruction ministérielle, alors applicable, que l'inscription d'un détenu au répertoire des détenus particulièrement signalés a pour seul effet d'appeler l'attention des personnels pénitentiaires et des autorités amenées à le prendre en charge sur ce détenu, en intensifiant à son égard les mesures particulières de surveillance, de précaution et de contrôle prévues pour l'ensemble des détenus par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Dans ce cadre, seules peuvent être apportées aux droits des détenus les restrictions résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes, dans les conditions rappelées par les articles 22 et suivants de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.

5. En premier lieu, si Mme B... C... fait valoir que le groupe ETA a procédé à son désarmement et annoncé sa dissolution le 3 mai 2018, cette circonstance ne suffit pas à écarter tout risque d'évasion en relation avec son appartenance à cette mouvance. Elle ne saurait sérieusement soutenir qu'exiger d'elle la démonstration de ce qu'elle n'appartiendrait plus à cette mouvance méconnaîtrait son droit au procès équitable, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle revendique cette appartenance et qu'elle n'a jamais déclaré y renoncer. L'éloignement de la fin de peine, fixée au 1er septembre 2029 avec une période de sureté non échue au 9 août 2026 et le fait qu'elle fasse l'objet de procédures extraditionnelles initiées par l'Espagne en lien avec une entreprise terroriste sont également des facteurs favorisant le risque d'évasion. Compte tenu de la nature des faits pour lesquels elle a été écrouée et de ces procédures extraditionnelles, il est en outre établi qu'une évasion serait de nature à causer un grave trouble à l'ordre public. Par suite, en admettant même que la dangerosité de l'intéressée et sa susceptibilité de mobiliser des moyens logistiques extérieurs de mouvances terroristes ne soient pas établies, la décision attaquée était, pour ce seul motif, légalement justifiée.

6. En deuxième lieu, si, comme il a été dit au point 4, l'administration pénitentiaire doit veiller à ce que la mise en œuvre du statut de détenue particulièrement signalée soit proportionnée aux nécessités de la situation individuelle de Mme B... C..., en particulier lors des séjours de sa fille jeune mineure et si elle-même fait valoir que son inscription au répertoire implique des changements de cellule périodique, des fouilles régulières de son ordinateur, des réveils nocturnes fréquents et entraine diverses restrictions dans la vie en détention, ces modalités d'exécution sont sans incidence sur la légalité de la décision. De même, si elle fait valoir que son statut a été à l'origine de deux annulations d'extraction pour raison médicale et qu'elle a été contrainte de renoncer à une consultation gynécologique en lien avec son accouchement le 30 novembre 2020, ces circonstances ne démontrent pas que la mesure en litige porterait par elle-même une atteinte disproportionnée à son droit à la santé, ce qui ne dispense pas l'administration de veiller à ce que les restrictions dont la détenue fait l'objet ne fassent pas obstacle à un accès effectif aux soins. Par suite, les moyens tirés de ce que son inscription au répertoire aurait des conséquences disproportionnées au regard des risques mis en avant par la décision et porterait atteinte aux articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

8. La présente décision rejetant les conclusions à fin d'annulation de Mme B... C... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme B... C....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2025 où siégeaient :

M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,

Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,

M. Bertrand Savouré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.

Le rapporteur,

B. SavouréLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY01788


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01788
Date de la décision : 13/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. - Exécution des jugements. - Exécution des peines. - Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: Mme PSILAKIS
Avocat(s) : PAULUS-BASURCO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-13;23ly01788 ?
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