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13/02/2025 | FRANCE | N°23LY03894

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 13 février 2025, 23LY03894


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2021 par lequel le président de l'université Jean Moulin Lyon 3 a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle.



Par un jugement n° 2201227 du 23 juin 2023, le tribunal a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour



Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 décembre 2023 et 8 juillet 2024 Mme B..., repr

ésentée par Me Pieri, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 17 décembre 2021 ;



2°) de m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2021 par lequel le président de l'université Jean Moulin Lyon 3 a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle.

Par un jugement n° 2201227 du 23 juin 2023, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 décembre 2023 et 8 juillet 2024 Mme B..., représentée par Me Pieri, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 17 décembre 2021 ;

2°) de mettre à la charge de l'université Jean Moulin Lyon 3 la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son insuffisance professionnelle ne pouvait être constatée après seulement quatre mois d'exercice de ses fonctions ;

- l'insuffisance professionnelle n'est pas caractérisée.

Par un mémoire enregistré le 20 février 2024, l'université Jean Moulin Lyon 3, représentée par Me Gardien, conclut au rejet de la requête et qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 octobre 2023.

Par une ordonnance du 9 juillet 2024, l'instruction a été close au 6 septembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Couvreur, substituant Me Gardien, pour Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., recrutée par contrat à durée déterminée du 15 juillet 2021 au 15 juillet 2023 par l'université Jean Moulin Lyon 3 pour participer à temps partiel à des travaux scientifiques au sein du centre de recherche Magellan, rattaché à l'institut d'administration des entreprises, a été licenciée pour insuffisance professionnelle par un arrêté du 17 décembre 2021 du président de l'université. Mme B... relève appel du jugement du 23 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 45-2 du décret du 17 janvier 1986 visé ci-dessus relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'État pris pour l'application des articles 7 et 7 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État : " L'agent contractuel peut être licencié pour un motif d'insuffisance professionnelle. (...) ".

3. Le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé, s'agissant d'un agent contractuel, ou correspondant à son grade, s'agissant d'un fonctionnaire, et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. Toutefois, une telle mesure ne saurait être subordonnée à ce que l'insuffisance professionnelle ait été constatée à plusieurs reprises au cours de la carrière de l'agent ni qu'elle ait persisté après qu'il ait été invité à remédier aux insuffisances constatées. Par suite, une évaluation portant sur la manière dont l'agent a exercé ses fonctions durant une période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ses fonctions est de nature à justifier légalement son licenciement.

4. Pour prononcer le licenciement de Mme B... pour insuffisance professionnelle, le président de l'université Jean Moulin Lyon 3 s'est fondé sur les motifs tirés, d'une part, de ce que l'intéressée avait manqué à la diligence et à la rigueur imposées par son poste, d'autre part, de son inaptitude à exercer les tâches professionnelles qui lui avait été confiées, et, enfin, de ce que son comportement avait engendré une véritable dégradation des conditions de travail et des difficultés relationnelles importantes au sein du laboratoire Magellan.

5. Mme B... fait valoir que de telles carences ne pouvaient être constatées seulement quatre mois après son recrutement, alors qu'elle exerçait ses fonctions à temps partiel, qu'elle n'a pas eu d'encadrement pendant le premier mois compte tenu des congés des membres de son équipe, qu'elle a été autorisée à ne pas travailler pendant une semaine en août et que deux semaines ont été impactées par des arrêts de travail pour cause de santé. Toutefois, alors qu'il n'apparaît pas que Mme B... n'aurait disposé d'aucune instruction sur le travail à réaliser avant le 21 septembre 2021 et que la volonté de l'administration de prolonger sa période d'essai d'un mois le 14 septembre 2021 révélait déjà les doutes de celle-ci sur sa capacité à réaliser son travail, les carences constatées par l'administration l'ont été sur une période suffisamment longue après l'été pour établir son inaptitude professionnelle.

6. Par ailleurs, d'une part, il ressort des pièces du dossier, et notamment des différents mails échangés avec Mme B... pendant la durée de son contrat de travail, et ainsi que l'a indiqué l'administration dans la décision de licenciement, que l'intéressée a sollicité, à plusieurs reprises, le report des rendus de ses travaux, que certains ont été remis tardivement et qu'elle a, au moins à deux reprises, prévenu au dernier instant de ses absences lors de réunions de service importantes pour l'avancée des travaux de l'équipe. Il n'apparaît pas, contrairement à ce qu'elle allègue, que sa quotité de travail n'était pas compatible avec sa charge de travail, ce qui aurait justifié les retards, ou que son employeur lui aurait demandé de travailler en dehors de ses jours de travail, en particulier les week-ends ou les jours fériés. Si elle n'a pas disposé dès son embauche de la trame pour rendre ses travaux, il ressort des pièces du dossier que des retours réguliers lui ont été faits sur les attendus à produire dans le cadre de son travail et qu'après ces retours, elle a persisté à ne pas réaliser dans les temps le travail demandé. Si elle a produit en appel deux documents médicaux, un certificat médical établi le 30 septembre 2021 de son médecin traitant indiquant que son état de santé a nécessité un maintien à domicile en télétravail entre le 28 septembre et le 1er octobre 2021 et la preuve d'une consultation à l'hôpital le 17 octobre 2021, le premier document a été établi postérieurement à l'absence du 28 septembre de Mme B... et ne constitue pas un arrêt de travail et le second ne permet nullement de justifier de l'absence de l'intéressée le 18 octobre 2021.

7. D'autre part, il ressort également des pièces produites que, malgré les nombreuses qualifications détenues par Mme B..., les travaux rendus par cette dernière ne correspondaient pas aux attendus de son employeur et qu'elle a refusé à plusieurs reprises d'appliquer les modifications qui lui avait été expressément demandées. S'il n'est pas contesté qu'elle a effectué dix entretiens ayant permis de contribuer aux travaux du laboratoire, il ressort des pièces du dossier que c'est l'exploitation de ces entretiens, au travers notamment de leur codage, qui n'a pas été réalisé par Mme B... conformément aux attentes. Si elle n'a pas eu accès à certains outils, notamment un logiciel de codage, la plateforme commune et le réseau, le codage peut être réalisé manuellement et il ne ressort pas des pièces du dossier que l'accès au réseau et à la plateforme commune étaient indispensables. Si elle fait valoir que la majeure partie de ses entretiens ont été pris en compte dans les travaux du laboratoire, l'administration indique qu'ils n'ont pu être intégrés qu'après un retraitement par d'autres personnes de l'équipe.

8. Enfin, il ressort des pièces du dossier, et ainsi que l'a retenu le président de l'université, que Mme B... a adopté, à compter du mois d'octobre 2021, un comportement ayant engendré des difficultés relationnelles importantes au sein du laboratoire. Il n'apparaît nullement que serait visé, au travers de ce motif, le fait que Mme B... aurait pris conseil auprès d'un syndicat concernant le renouvellement de sa période d'essai. Il ressort au contraire des pièces du dossier que l'intéressée a eu des propos véhéments et déplacés dans plusieurs de ses mails, qu'elle a dénigré les travaux réalisés par son unité de recherche et mis en porte-à-faux plusieurs de ses collègues à l'occasion de messages électroniques envoyés volontairement en copie au directeur de cette unité. Elle ne conteste pas non plus avoir enregistré ses collègues à leur insu mais fait seulement valoir en appel qu'il s'agissait d'une simple maladresse, ignorant que cette pratique, selon elle usuelle en Angleterre où elle a été formée, pourrait lui être reprochée en France.

9. Dans ces conditions, le président de l'université Jean Moulin Lyon 3 n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article 45-2 du décret du 17 janvier 1986 en considérant que les éléments précités révélaient son inaptitude à exercer normalement les fonctions pour lesquelles elle avait été engagée et en prononçant, pour ces motifs, son licenciement pour insuffisance professionnelle.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'université Jean Moulin Lyon 3 qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à Mme B... la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme à verser à l'université Jean Moulin Lyon 3 sur le fondement de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'université Jean Moulin Lyon 3 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à l'université Jean Moulin Lyon 3.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Boffy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.

La rapporteure,

A. Duguit-LarcherLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY03894

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03894
Date de la décision : 13/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Licenciement - Insuffisance professionnelle.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat - Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : SELARL DUMOULIN-PIERI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-13;23ly03894 ?
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