Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... et Mme C... B..., son épouse, ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR) à leur verser une somme de 156 170 euros en réparation de préjudices résultant, d'une part, de travaux de réalisation de la liaison de l'autoroute A 6 à l'autoroute A 89, d'autre part, de la présence de cette liaison autoroutière, subsidiairement d'ordonner une expertise pour chiffrer la perte de valeur de leur bien et de mettre à la charge de cette société une somme de 21 364 euros au titre de frais de justice et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2207766 du 5 décembre 2023, le tribunal administratif de Lyon a condamné la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône à verser aux époux B... une somme de 17 750 euros, mis à la charge de cette société une somme de 26 947,22 euros au titre des frais et honoraires d'une expertise ordonnée par le juge judiciaire ainsi qu'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés, respectivement, le 1er février 2024 et le 21 août 2024, M. et Mme B..., représentés par la SELAS Fidal, agissant par Me Lamouille, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2207766 du 5 décembre 2023 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de condamner la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône à leur verser une somme de 156 170 euros en réparation de leurs préjudices, portant intérêts majorés à compter du 25 juillet 2022 ;
3°) de mettre à la charge de la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône une somme de 3 000 euros au titre des frais de justice ;
M. et Mme B... soutiennent que :
- le jugement est irrégulier car les premiers juges ont omis de statuer sur leur demande de condamnation de la société APRR à les indemniser de leur préjudice pour perte de valeur vénale de leur bien ;
- ils doivent être indemnisés de l'intégralité des désordres, liés aux travaux de réalisation du mur de soutènement de la voie de liaison autoroutière, affectant leur bien ;
- ils sont en conséquence fondés à réclamer le versement d'une somme totale de 53 708 euros, correspondant aux chefs de préjudice suivants :
* 8 400 euros pour des travaux destinés à prévenir leur habitation, fragilisée par ces désordres, des effets d'une nouvelle dessication ;
* 20 940 euros pour des travaux de peinture lesquels doivent concerner l'ensemble de la façade, afin que soit maintenue l'harmonie de la maison ;
* 4 940 euros pour la peinture des murs et du plafond du salon de leur maison ;
* 2 167 euros pour la dépose et la repose d'un meuble sur mesure de ce salon ;
* 15 330 euros pour des travaux de reprise du carrelage ;
* 1 931 euros pour des travaux de reprise de la margelle de leur piscine ;
- le montant total de cette indemnité devra être majoré de 12 %, pour tenir compte de la hausse du coût de la construction, soit 60 153 euros, et de nouveau majoré de 10 %, correspondant à des frais de maîtrise d'œuvre, soit 66 170 euros.
- également, ils subissent et subiront un préjudice de jouissance, évalué à 30 000 euros, et subissent un préjudice moral, à hauteur de 10 000 euros ;
- la présence de l'ouvrage public que constitue la liaison autoroutière leur occasionne des nuisances sonores et visuelles, qui ont conduit à une perte de valeur vénale de leur maison, constitutives d'un préjudice anormal et spécial évalué à 50 000 euros.
Par des mémoires en défense enregistrés le 16 mai 2024 et le 11 octobre 2024, la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône, représentée par l'AARPI Via Nova, agissant par Me Gayraud-Marty, conclut :
1°) à titre principal au rejet de la requête, à l'annulation du jugement n° 2207766 du 5 décembre 2023 du tribunal administratif de Lyon et à la condamnation des requérants à lui verser la somme de 11 473,61 euros en remboursement des frais d'expertise qu'elle a avancés ;
2°) subsidiairement, à la confirmation de ce jugement en ce qu'il a limité à 17 750 euros le montant total de l'indemnité accordée aux époux B... et, encore plus subsidiairement, à la limitation des montants indemnitaires à 19 382 euros au titre du préjudice matériel des requérants et à 350 euros au titre de leur préjudice de jouissance.
3°) dans tous les cas, à l'annulation de l'article 2 du jugement n° 2207766 du 5 décembre 2023 du tribunal administratif de Lyon et à la condamnation des requérants à lui verser la somme de 11 473,61 euros en remboursement des frais d'expertise qu'elle a avancés ;
4°)à la mise à la charge des époux B... des entiers dépens et d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône fait valoir que :
- les préjudices invoqués par les requérants en raison des travaux autoroutiers sont dépourvus de lien de causalité direct et certain avec ces derniers car les désordres causés à leur bien trouvent leur origine dans des mouvements de leur terrain consécutifs à un phénomène de dessication, les travaux susceptibles de générer des vibrations ont été réalisés avant l'apparition des désordres et ces vibrations n'étaient pas de nature à endommager l'habitation des requérants ;
- les requérants ne justifient pas de l'existence d'un préjudice anormal et spécial résultant de l'existence de la voie de liaison autoroutière : cette autoroute est éloignée de plus de 110 mètres de leur habitation, est équipée d'un mur et d'un écran anti-bruit, la vitesse y est réduite à 90 km/h et les résultats des mesures acoustiques du 15 janvier 2019 n'excèdent pas les seuils fixés par l'arrêté du 5 mai 1995 relatif au bruit des infrastructures routières ; il n'y a pas davantage de nuisance visuelle car l'axe autoroutier est masqué par la végétation et le panneau de signalisation autoroutière, implanté à 182 mètres de l'habitation en contrebas d'un masque végétal de grande hauteur, ne réfléchit pas les phares des véhicules ;
- les frais de l'expertise doivent être mis à la charge des requérants, qui ne formulent d'ailleurs aucune demande à ce titre ;
- le préjudice relatif à des travaux destinés à parer aux effets d'une nouvelle dessication et celui concernant la dépose et la repose d'un meuble sur mesure du salon ne sont pas en lien direct avec les travaux autoroutiers ; celui relatif à des travaux de reprise du carrelage, également exclu par l'expert, n'est pas établi ; la peinture des murs et du plafond du salon de la maison a été exclue du champ des préjudices par l'expert, lequel a cantonné le ravalement de la façade extérieure à une surface de 80 m² ; il n'y a pas lieu d'actualiser le montant de l'indemnité au regard de la hausse du coût de la construction dès lors que les prix correspondent en majorité à de la main-d'œuvre ; l'intervention d'un maître d'œuvre n'est pas nécessaire ; subsidiairement, le montant total de l'indemnité due au titre de ces divers travaux doit, comme l'a jugé le tribunal, être limité à 8 750 euros et ne peut pas excéder 19 382 euros, montant retenu par l'expert judiciaire ;
- les requérants ne justifient pas d'un préjudice de jouissance, qui ne saurait en tout état de cause être indemnisé au-delà du montant de 350 euros retenu par l'expert judiciaire, ni d'un préjudice moral.
La clôture d'instruction a été fixée au 14 octobre 2024 par une ordonnance du 13 septembre précédent.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'arrêté du 5 mai 1995 relatif au bruit des infrastructures routières ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 27 janvier 2025 :
- le rapport de M. Gros, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lamouille, représentant M. et Mme B..., et celles de Me Gayraud-Marty, représentant la société APRR.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... ont, en mars 1997, acquis un terrain cadastré ... situé sur le territoire de la commune rhodanienne de .... Ils y ont fait construire leur maison d'habitation, achevée en janvier 1999, puis, en 2010, une piscine. En 2016, ont débuté les travaux de la liaison autoroutière joignant les autoroutes A 89 (La Tour-de-Salvagny) et A 6 (Limonest), sous la maîtrise d'ouvrage de la société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR). Relevant, à l'été 2017, l'apparition de fissures externes et internes sur les murs de leur maison, de fissures de carrelage et d'autres fissures sur la margelle de leur piscine, les époux B... en ont informé la société APRR, laquelle a alors mandaté, pour constater les désordres, le même expert qui avait procédé, en janvier 2015 et janvier 2016, à un état des lieux préventif de la propriété de M. et Mme B.... Cet expert, dans un rapport du 24 octobre 2017, a énoncé que ces désordres sembleraient provenir d'opérations de compactage d'un mur de soutènement de la liaison autoroutière, génératrices de fortes vibrations. Ultérieurement saisi par les époux B..., le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon a, par ordonnance du 19 novembre 2019, diligenté une expertise, dont le rapport a été établi le 27 décembre 2021. Les époux B... ont alors réclamé à la société APRR, par courrier qu'elle a reçu le 25 juillet 2022, le versement d'une indemnité réparatrice de leurs préjudices d'un montant total de 168 472 euros. Ils n'ont pas obtenu de réponse. Ils relèvent appel du jugement du 5 décembre 2023 du tribunal administratif de Lyon qui a condamné la société APRR à leur verser une somme de 17 750 euros et mis à la charge de cette société les frais et honoraires de l'expertise s'élevant à 26 947,22 euros.
Sur la régularité du jugement :
2. M. et Mme B... ont demandé au tribunal, de condamner la société APRR à leur verser une somme de 50 000 euros en réparation d'un " préjudice matériel " causé par les nuisances sonores et visuelles que leur occasionnerait la présence de la liaison autoroutière en litige et en raison desquelles la valeur vénale de leur maison se serait effondrée. Le tribunal s'est prononcé au point 14 du jugement en litige sur les troubles, occasionnés par de telles nuisances, dans les conditions d'existence des époux B..., sans statuer sur le chef de préjudice fondé sur la perte de valeur vénale de la maison. Par suite, le jugement attaqué est irrégulier en ce que les premiers juges ont omis de statuer sur ce chef de préjudice et doit, dans cette mesure, être annulé.
3. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, d'une part, de statuer par la voie de l'évocation sur la demande des époux B... tendant à l'indemnisation du préjudice financier subi, fondé sur la perte de valeur vénale de leur maison, d'autre part, de statuer par la voie de l'effet dévolutif sur les autres conclusions de la requête d'appel.
Sur la responsabilité :
En ce qui concerne la responsabilité sans faute de la société APRR pour dommages de travaux publics durant la réalisation de l'ouvrage public :
4. La construction des autoroutes et des routes nationales a le caractère de travaux publics. Il appartient au tiers, victime d'un dommage de travaux publics, de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre, d'une part, les travaux publics et, d'autre part, le préjudice dont il se plaint. Dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage, sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime. En dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable.
5. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport de l'expertise judiciaire prescrite par le tribunal de grande instance, que la transformation de la RN 489 en segment autoroutier joignant l'A 6 à l'A 89, sous la maîtrise d'ouvrage de la société APRR, a nécessité la création d'un mur de soutènement, longeant cette voie sur 166 mètres, situé à environ 110 mètres au sud-est de la maison des époux B.... Ce mur en sol traité au liant hydraulique a été édifié à partir de la fin mars 2017, par compactage de couches successives de terre d'une hauteur de trente centimètres, jusqu'à une hauteur de plus de six mètres. Au mois de juillet suivant, ont été compactées les fondations, en grave bitume, de l'autoroute. Tous ces travaux ont été effectués à l'aide d'engins tels que compacteur de type V5, compacteur double bille, pelle chenille 20 tonnes, générateurs de fortes vibrations. Ce même mois de juillet 2017, les époux B... ont relevé, à un angle du volume est de leur maison, la présence d'une importante fissure en escalier, large jusqu'à 12 mm, avec désaffleurement jusqu'à 10 mm, ainsi qu'une fissure de la margelle de leur piscine, avec désaffleurement également. A ce constat, l'ingénieur expert alors mandaté par la société APRR ajoute l'agrandissement de microfissures externes et internes existantes et l'apparition de nouvelles fissures. Ces désordres résultent, par densification différentielle, de l'action des vibrations, via le terrain d'assiette, sur la maison et la piscine des époux B.... Le phénomène de dessication, auquel est exposé ce terrain, pouvant, il est vrai, conduire à un retrait des argiles qui le composent, n'a néanmoins pas pu à lui seul conduire à de tels désordres. Il s'ensuit que le lien de causalité entre les désordres et les travaux publics de réalisation de la liaison autoroutière est établi et que la responsabilité de la société APRR concessionnaire, délégataire de sa construction et de son fonctionnement, est engagée du fait de l'exécution des travaux de construction de cet ouvrage public.
En ce qui concerne la responsabilité sans faute de la société APRR du fait des dommages permanents de l'ouvrage public :
6. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. En cas de concession d'un ouvrage public c'est-à-dire d'une délégation de sa construction et de son fonctionnement, peut être recherchée par des tiers la seule responsabilité du concessionnaire, sauf insolvabilité de ce dernier, en cas de dommages imputables à l'existence ou au fonctionnement de cet ouvrage. Saisi de conclusions indemnitaires en ce sens, il appartient au juge du plein contentieux de porter une appréciation globale sur l'ensemble des chefs de préjudice allégués, aux fins de caractériser l'existence ou non d'un dommage revêtant, pris dans son ensemble, un caractère anormal et spécial, en lien avec l'existence ou le fonctionnement de l'ouvrage public en cause, les riverains des voies publiques étant en principe tenus de supporter sans contrepartie les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général.
7. Il résulte de l'instruction que la liaison autoroutière entre l'A89 et l'A6, mise en service en mars 2018, qui a succédé à la RN 489, est située à 110 mètres environ de la façade sud de l'habitation des époux B... et à une distance moindre de leur piscine. Les véhicules, qui circulent sur l'autoroute, au-delà de leur terrain, bordé d'arbres, ne sont pas visibles depuis leur maison et l'aperçu du dos d'un panneau de signalisation autoroutière, de nuit, à travers la végétation, n'est pas constitutive d'une nuisance visuelle. En revanche, le trafic supporté par la RN 489, équipée d'une seule voie de circulation dans chaque sens, s'établissait, en 2004, selon les données de l'étude d'impact de novembre 2013, à 20 000 véhicules par jour alors que, selon les requérants, 65 700 véhicules emprunteraient chaque jour l'autoroute, où la limitation de vitesse a été portée à 110 km/h. Une mesure de bruit effectuée le 15 janvier 2019 indique un passage de 3 308 véhicules par heure de 6h00 à 22h00 et de 366 véhicules par heure de 22h00 à 6h00, soit au total 55 856 véhicules. Si la moyenne des mesures sonométriques alors relevées devant la seule façade sud de l'habitation, soit 54,2 dB (A) en période diurne et 47,7 dB (A) en période nocturne est inférieure aux seuils respectifs de 60 dB(A) et 55 dB(A) prévus par l'arrêté du 5 mai 1995, cette même étude acoustique révèle, au travers d'un graphique d'" évolution temporelle ", des émergences au-delà de ces seuils, en périodes diurne et nocturne, constitutives de nuisances sonores certaines. Dans ces conditions, le fonctionnement de l'ouvrage autoroutier en cause tend à caractériser un préjudice anormal et spécial, excédant les sujétions qui peuvent être imposées sans indemnité aux riverains de la voie publique dans l'intérêt général.
Sur les préjudices :
En ce qui concerne les préjudices liés aux travaux de réalisation de la liaison autoroutière :
8. En premier lieu, les époux B... réclament 8 400 euros pour financer des travaux destinés à prévenir leur habitation des effets d'une nouvelle dessication, consistant en un déplacement des arbustes plantés à l'angle Nord-Est de l'habitation et en la création d'un écran anti-racines. Toutefois, ces travaux, dont la réalisation a été conseillée par l'expert judiciaire, sont dépourvus de lien avec le fait générateur des désordres, les vibrations en cause, créées par des engins des travaux publics. Ce chef de préjudice ne peut, en conséquence, qu'être écarté.
9. En deuxième lieu, s'agissant des travaux de réfection, d'abord, leur coût doit être évalué à la date où leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il pouvait être procédé aux réparations nécessaires. Il n'en va autrement que si ces travaux sont retardés pour une cause indépendante de la volonté de la victime. En l'espèce, cette date est, au plus tard, celle à laquelle l'expert désigné par le juge judiciaire a déposé son rapport, soit le 27 décembre 2021. Ce rapport définissait avec une précision suffisante la nature et l'étendue des travaux nécessaires. Les requérants n'établissent pas s'être trouvés dans l'impossibilité de les faire réaliser dès cette date. Par suite, leur demande tendant à ce que le montant des devis qu'ils ont obtenus en septembre 2021, et sur lesquels l'expert s'est appuyé, soient majorés de 12 %, taux qui correspondrait à la " hausse du coût de la construction ", doit être rejetée.
10. Ensuite, d'une part, pour remédier aux désordres, générés par les travaux publics en cause, affectant les façades extérieures du volume est de la maison des époux B..., l'expert judiciaire a retenu des travaux de traitement/reprise des fissures, pour un montant de 5 170 euros et des travaux de peinture portant sur les façades nord, nord-est et sud-ouest de ce volume, soit environ 80 m² vide pour plein, pour un montant de 6 039 euros. L'harmonie de l'aspect extérieur de la maison n'apparaissant pas compromise par la restriction des travaux de peinture à trois façades de son volume est, il n'y a pas lieu d'étendre le périmètre de ces travaux à d'autres façades non concernées par les désordres. A ces montants s'ajoutent une somme de 1 930,50 euros pour le remplacement des margelles fissurées de la piscine ainsi qu'une somme de 2 200 euros pour la reprise du gazon endommagé par les sondages de l'étude géotechnique durant l'expertise. Le montant de la somme due par la société APRR au titre des travaux extérieurs s'élève ainsi à 15 339,50 euros.
11. D'autre part, dans le séjour de l'habitation, qui occupe le volume est de l'habitation des époux B..., les travaux publics en cause ont généré trois fissures et microfissures verticales toute hauteur et une autre microfissure verticale moins décelable, qui doivent être reprises. Les murs doivent ensuite être repeints mais il n'apparait pas nécessaire de repeindre le plafond du salon qu'aucun désordre n'atteint. Le coût des travaux correspondants a été estimé par l'expert à un montant de 2 590,50 euros, à quoi s'ajoute, pour permettre la réalisation de ces travaux de peinture, le coût de dépose et repose d'un meuble sur mesure du salon, qui est de 1 452 euros. Enfin, trois carreaux du carrelage du séjour ont été fissurés suite aux travaux publics en cause. Compte tenu de l'existence dans ce salon de quatre carreaux précédemment fissurés, avant les travaux publics en cause, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en le fixant à la somme de 1 000 euros. Le montant de la somme due par la société APRR au titre des travaux intérieurs pour la remise en état du salon de l'habitation des époux B... s'élève ainsi à 5 042,50 euros.
12. Enfin, les travaux ne portant pas sur la structure de la maison d'habitation, l'intervention d'un maître d'œuvre n'apparaît pas nécessaire. Le chef de préjudice correspondant doit en conséquence être écarté.
13. En troisième lieu, l'expert judiciaire n'ayant constaté aucune infiltration d'air à travers les fissures de maçonnerie, les requérants ne sont pas fondés à soutenir avoir subi, depuis l'hiver 2017, une augmentation du coût de chauffage de leur habitation en raison d'une atteinte à l'isolation et à l'étanchéité de cette construction. Ce chef de préjudice doit par conséquent être écarté.
14. En quatrième lieu, le préjudice des époux B... fondé sur la perte de jouissance de leur salon durant les travaux de reprise des fissures peut être évalué à 200 euros.
15. En dernier lieu, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par les époux B... résultant de leur anxiété face aux désordres de leur habitation et des difficultés rencontrées pour faire reconnaître leurs préjudices par la société APRR en l'évaluant, comme l'a retenu le tribunal, à la somme de 1 000 euros.
En ce qui concerne les préjudices liés à la présence et au fonctionnement de l'ouvrage public :
16. Les nuisances, telles que décrites au point 7, causées par le fonctionnement de l'ouvrage public depuis le 2 mars 2018, date de sa mise en service, ont été à l'origine de troubles dans les conditions d'existence des époux B... et d'un préjudice de jouissance. Il sera fait une juste appréciation de la réparation due à ce titre en l'évaluant, comme l'a jugé le tribunal, à la somme de 8 000 euros.
17. En revanche, les requérants se bornent à alléguer que " la valeur vénale de la maison s'est effondrée ". Ils n'ont pas déféré à la demande de la cour de produire les pièces indiquant le coût d'achat de leur bien et des éléments relatifs à sa valeur actuelle. Le chef de préjudice reposant sur une dépréciation de la valeur de ce bien doit par conséquent être écarté.
18. Il résulte de tout ce qui précède que la somme de 17 750 euros allouée par le tribunal administratif de Lyon à M. et Mme B... doit être portée à 29 582 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2022, date de réception par la société APRR de la réclamation préalable des époux B..., la majoration de ce taux prévue par les dispositions de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier n'étant applicable que dans le cas d'une absence d'exécution du présent arrêt dans les deux mois suivant sa notification à la société APRR.
Sur les frais de l'expertise diligentée par le juge judiciaire :
19. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ".
20. L'expertise du 27 décembre 2021 qui avait été ordonnée le 19 novembre 2019 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon et dont les frais et honoraires ont été fixés le 8 février 2022 à la somme de 26 947,22 euros par le juge judiciaire, a été utile pour permettre au tribunal administratif et à la cour de déterminer la cause des désordres, les responsabilités encourues et les préjudices. Toutefois, s'il est imparti à la juridiction administrative de statuer sur la dévolution des frais d'une expertise ordonnée par le juge administratif, qui relève des dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les frais exposés pour la réalisation de l'expertise du 27 décembre 2021, ordonnée par le juge judiciaire, ne relèvent pas de ces dépens mais font partie du montant du préjudice dont les époux B... peuvent demander réparation devant la juridiction administrative. C'est donc à tort que le tribunal a procédé, comme en matière de dépens, à la dévolution des frais de l'expertise du 27 décembre 2021. Il y a ainsi lieu d'annuler l'article 2 du jugement attaqué qui, sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, met à la charge de la société APRR les frais et honoraires de cette expertise, d'un montant de 26 947,22 euros.
21. Les époux B... sollicitaient en première instance le versement d'une somme de 15 473,61 euros au titre de leur participation aux frais exposés pour la réalisation de l'expertise ordonnée par le juge judiciaire. Ils n'ont pas repris ce chef de préjudice devant la cour et n'ont, en tout état de cause, pas justifié de cette dépense, en dépit de la demande qui leur en a été faite par le greffe de la cour. Quant à la société APRR, sa demande, par la voie de l'appel incident, tendant à ce que la cour condamne les époux B... à lui verser une somme de 11 473,61 euros, en remboursement de sa participation à ces mêmes frais d'expertise ne peut, en tout état de cause, qu'être rejetée.
Sur les frais liés à l'instance :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. et Mme B... qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, versent à la société APRR une quelconque somme au titre des frais qu'elle a exposés non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société APRR la somme de 2 000 euros à verser à M. et Mme B....
DECIDE :
Article 1er : La somme de 17 750 euros que la société APRR a été condamnée à verser à M. et Mme B... par l'article premier du jugement n° 2207766 du 5 décembre 2023 du tribunal administratif de Lyon est portée à 29 582 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2022.
Article 2 : L'article premier du jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 décembre 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 décembre 2023 est annulé.
Article 4 : La société APRR est condamnée à verser une somme de 2 000 euros à M. et Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et à la société APRR.
Délibéré après l'audience du 27 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.
Le rapporteur,
B. Gros
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne à la préfète du Rhône, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 24LY00265