Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2024 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a astreinte à résider dans l'arrondissement de Riom et à se rendre tous les jeudis auprès des services de la gendarmerie.
Par jugement n° 2400291 du 8 mars 2024, le tribunal a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 5 avril 2024, Mme B..., représenté par la SCP Blanc-Barbier-Vert-Remedem et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement et l'arrêté litigieux ;
2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de réexaminer sa situation après remise d'une autorisation provisoire de séjour à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est entachée de l'incompétence de son signataire ;
- elle méconnaît l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle n'a pas bénéficié de l'information prévue par l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la fixation du pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen particulier ;
- l'assignation à résidence est insuffisamment motivée et est disproportionnée ;
- elle est illégale par voie de conséquence des décisions précédentes ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français méconnait son droit d'être entendue.
- elle est entaché de violation de la loi, faute d'indication du cas susceptible de justifier la mesure ;
- son principe et sa durée sont excessifs ;
- elle n'est pas motivée.
Une décision constatant la caducité de la demande d'aide juridictionnelle a été prise le 7 aout 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bertrand Savouré, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante géorgienne entrée en France le 25 février 2023 a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et des apatrides le 18 août 2023. Elle relève appel du jugement du 8 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 9 janvier 2024 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement, portant interdiction de retour sur le territoire pendant un an et portant astreinte à résider dans l'arrondissement de Riom et à se rendre tous les jeudis auprès des services de la gendarmerie.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'acte, de son insuffisante motivation, de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par adoption des motifs de la première juge, tels qu'ils ressortent des points 3, 4, 8 et 9 du jugement.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié (...) a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° (...) ". Aux termes de l'article L. 542-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : (...) d) une décision de rejet dans les cas prévus à l'article L. 531-24 (...) ". Aux termes de l'article L. 531-24 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides statue en procédure accélérée dans les cas suivants : 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr au sens de l'article L. 531-25 (...) ".
4. Si Mme B... fait valoir qu'elle a saisi la Cour nationale du droit d'asile d'un recours contre la décision défavorable de l'office français de protection des réfugiés et des apatrides, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que le préfet prenne une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 précité, dès lors qu'elle est originaire d'un Etat considéré comme un pays d'origine sûr.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui est entré en France à l'âge de vingt-six ans, n'y est présente que depuis un an à la date de l'arrêté litigieux. Si elle fait valoir qu'elle vit en couple, que ses deux enfants mineurs sont scolarisés et qu'elle a donné naissance à un troisième enfant sur le territoire national, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, le refus de titre de séjour contesté n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que cette décision serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur le pays de destination :
7. En premier lieu, en se bornant à évoquer de manière évasive une situation préoccupante dans son pays d'origine et des craintes dans l'hypothèse où elle devrait y retourner, Mme B... ne justifie pas un risque d'être soumise à la torture ou à des peines et traitements inhumains et dégradants, alors d'ailleurs que l'office français de protection des réfugiés et des apatrides a rejeté sa demande d'asile.
8. En deuxième lieu, alors que la requérante se borne à évoquer succinctement la situation en Géorgie et " l'ensemble des éléments médicaux ", il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Puy-de-Dôme, dont la décision est suffisamment motivée, ait omis de procéder à un examen particulier de la situation de la requérante avant d'édicter la décision fixant le pays de destination.
Sur l'astreinte à résider dans l'arrondissement de Riom et à se présenter aux services de gendarmerie :
9. Aux termes de l'article L. 721-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé peut, dès la notification de la décision portant obligation de quitter le territoire français, être contraint de résider dans le lieu qui lui est désigné par l'autorité administrative. Cette décision est prise pour une durée qui ne peut se poursuivre au-delà de l'expiration du délai de départ volontaire ". Aux termes de l'article L. 721-7 du même code : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé peut, dès la notification de la décision portant obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. Cette décision est prise pour une durée qui ne peut se poursuivre au-delà de l'expiration du délai de départ volontaire ".
10. En premier lieu, bien que distinctes, les décisions portant contrainte à résider dans le lieu qui est désigné à l'étranger par l'autorité administrative et obligation de présentation, auxquelles un étranger est susceptible d'être astreint sur le fondement des dispositions précitées, concourent à la mise en œuvre de l'obligation de quitter le territoire français. Dans ces conditions, si l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration impose que ces décisions soient motivées au titre des mesures de police, cette motivation peut se confondre avec celle de l'obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire.
11. La motivation des décisions contraignant l'intéressée à résider dans l'arrondissement de Riom et l'obligeant à se présenter aux services de police se confondant avec la décision portant obligation de quitter le territoire français, laquelle est suffisamment motivée en fait comme en droit, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ces deux décisions doit être écarté.
12. En deuxième lieu, ces décisions n'étant pas fondées sur l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté comme inopérant. Ces décisions, qui n'ont pas vocation à perdurer au-delà de l'expiration du délai de départ volontaire et n'ont pas davantage été prises dans le cadre d'une demande d'asile mais pour s'assurer des diligences accomplies en vue de la bonne exécution de l'obligation de quitter le territoire français n'impliquaient pas davantage que le préfet justifiât de leur durée.
13. En troisième lieu, les décisions en cause ayant une durée limitée et étant prises en vue de l'exécution de la mesure d'éloignement dont l'intéressée fait l'objet, et compte tenu de ce qui a été dit au point 6 ci-dessus, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que celles-ci porteraient une atteinte disproportionnée à sa liberté d'aller et venir et à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
14. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. 2. Ce droit comporte notamment : - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ".
15. Lorsqu'il présente une demande d'asile, l'étranger, dont la démarche tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'il pourra le cas échéant faire l'objet d'un refus d'admission au séjour en cas de rejet de sa demande et, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été définitivement refusé, d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toutes observations complémentaires utiles, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise à la suite du refus définitif de sa demande d'asile.
16. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... ait sollicité en vain un entretien avec les services de la préfecture ni qu'elle ait été empêchée de présenter spontanément des observations avant que ne soit prise la décision litigieuse. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'elle disposait d'éléments pertinents tenant à sa situation personnelle susceptible d'influer sur le sens de cette décision. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu ne peut qu'être écarté.
17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".
18. Le préfet du Puy-de-Dôme, dont la décision est suffisamment motivée, a pris en considération l'entrée récente sur le territoire français de Mme B..., un an avant l'arrêté litigieux, alors que rien ne fait obstacle au retour dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans. Ce faisant, il n'a pas inexactement appliqué les dispositions précitées en prenant à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an nonobstant son absence de menace pour l'ordre public et l'absence de précédente mesure d'éloignement et n'a pas davantage commis d'erreur d'appréciation.
19. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 4 à 7, le préfet du Puy-de-Dôme, en prenant à l'encontre de Mme B... une décision d'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, n'a pas méconnu les stipulations citées au point 5. Il n'a pas davantage entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
20. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 9 janvier 2024. Les conclusions de sa requête tendant aux mêmes fins doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte.
Sur les frais liés au litige :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par Mme B....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
M. Bertrand Savouré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.
Le rapporteur,
B. SavouréLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N°24LY00980