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19/02/2025 | FRANCE | N°24LY00639

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 19 février 2025, 24LY00639


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2023 par lequel la préfète du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office, d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, et de procéder sans délai à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'i

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Par un jugement n° 2309180 du 8 février 2024, la magistrate dési...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2023 par lequel la préfète du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office, d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, et de procéder sans délai à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2309180 du 8 février 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 5 mars 2024, Mme B... A..., représentée par Me Fréry, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 8 février 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2023 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Rhône, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français jusqu'à la date de l'arrêt rendu par la Cour nationale du droit d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

La décision portant obligation de quitter le territoire français :

- a été prise sans réel examen de sa situation personnelle ;

- est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle la prive du droit à un recours effectif ;

- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

La décision fixant le pays de destination :

- est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure,

- et les observations de Me Tronquet, représentant Mme B... A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., ressortissante érythréenne née le 9 juin 1987, est entrée en France le 10 février 2017 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée le 30 novembre 2017 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et le 12 juin 2019 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Elle a présenté une première demande de réexamen de sa demande d'asile qui a été déclarée irrecevable par une décision de l'OFPRA le 18 mai 2021, confirmée le 8 juillet 2022 par la CNDA. Elle a présenté une nouvelle demande de réexamen le 18 octobre 2023. Mme B... A... relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 octobre 2023 par lequel la préfète du Rhône, après avoir estimé que l'intéressée ne bénéficiait pas d'un droit au maintien sur le territoire français et qu'elle ne pouvait dès lors pas se voir délivrer une attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° (...) ". En vertu de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le droit pour un étranger qui demande l'asile de se maintenir sur le territoire français, prévu à l'article L. 541-1, prend fin à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. Aux termes de l'article L. 542-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : a) une décision d'irrecevabilité prise en application des 1° ou 2° de l'article L. 531-32 ; b) une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 531-32, en dehors du cas prévu au b du 2° du présent article ; (...) 2° Lorsque le demandeur : a) a informé l'office du retrait de sa demande d'asile en application de l'article L. 531-36 ; b) a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 531-32, uniquement en vue de faire échec à une décision d'éloignement ; c) présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ; (...) ".

3. En premier lieu, si la requérante soutient de nouveau à hauteur d'appel que sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen suffisant et particulier dès lors qu'elle a fait part aux services de la préfecture par un courriel adressé le 11 octobre 2023, de la situation spécifique de sa tante, reconnue réfugiée, et de celle de sa famille résidant en Arabie Saoudite, il ressort des termes de la décision attaquée que la préfète du Rhône a constaté que l'intéressée ne détenait plus le droit de se maintenir sur le territoire français après le rejet de sa demande de réexamen. En outre, l'administration s'est prononcée au visa notamment de la décision de la CNDA du 8 juillet 2022 citée au point 1. Il ressort également de la décision du 8 novembre 2023 statuant sur la demande de réexamen présentée par la requérante devant l'OFPRA que cette administration a estimé que ces éléments avaient déjà été examinés par la CNDA, ainsi qu'il ressort de la décision de cette cour du 8 juillet 2022. Par ailleurs, ainsi que le premier juge l'a relevé, la situation de la famille de la requérante résidant en Arabie Saoudite, pays dont elle n'a pas la nationalité et dans lequel elle a elle-même reconnu ne pas être légalement admissible, est sans incidence sur cet examen. Par conséquent, et quand bien même la décision en litige n'a pas expressément mentionné les éléments apportés par Mme B... A... au soutien de sa demande de réexamen à l'asile, qui ne sont donc pas nouveaux pour les uns, ni opérants pour les autres, le moyen tiré de ce que la préfète du Rhône n'aurait pas procédé à un réel examen de sa situation avant de prendre la mesure d'éloignement en litige doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il résulte des dispositions rappelées au point 2 qu'à la suite des décisions émanant des instances de l'asile telles que rappelées au point 1, et en l'état d'une seconde demande de réexamen de sa demande d'asile, Mme B... A... ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français. Par suite, alors que la requérante a la possibilité de se faire représenter devant la CNDA, la décision en litige ne méconnaît pas son droit à un recours effectif.

5. En troisième lieu, en faisant seulement état de sa présence au cours de la procédure correctionnelle concernant sa tante reconnue victime notamment de la traite des êtres humains, ainsi que de sa situation particulière eu égard à la résidence de ses parents en Arabie Saoudite et de son frère reconnu réfugié par les autorités norvégiennes, Mme B... A... n'établit pas qu'elle aurait développé en France une vie privée et familiale telle que la décision en litige y aurait porté une atteinte disproportionnée, à supposer même qu'elle ne possède pas de liens familiaux en Érythrée en-dehors de l'une de ses tantes qui l'avait hébergée alors qu'elle avait 22 ans.

6. En quatrième lieu, si Mme B... A... se prévaut de certificats médicaux des 19 avril 2018 et 19 mai 2022, non contemporains de la décision d'éloignement attaquée, attestant d'un état anxio-dépressif, ces éléments ne sont pas davantage de nature à caractériser l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle dont l'arrêté de la préfète du Rhône serait entaché.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :

7. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points précédents, Mme B... A... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

8. En deuxième lieu, il convient d'adopter, afin d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les motifs retenus par le premier juge, qui ne sont pas utilement critiqués en appel ni assortis d'éléments nouveaux, alors qu'il ressort des décisions de l'OFPRA et de la CNDA que la nationalité érythréenne de Mme B... A... n'a pu être retenue et que la décision en litige se borne à fixer comme pays de destination de la mesure d'éloignement le pays dont elle a la nationalité ou tout pays dans lequel elle est légalement admissible.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse une somme au titre des frais exposés par Mme B... A... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 4 février 2025, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 février 2025.

La rapporteure,

Emilie FelmyLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Péroline Lanoy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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N° 24LY00639


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY00639
Date de la décision : 19/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: Mme LORDONNE
Avocat(s) : FRERY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-19;24ly00639 ?
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