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06/03/2025 | FRANCE | N°24LY00729

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 06 mars 2025, 24LY00729


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 20 juin 2023 en tant qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français.



Par un jugement n° 2305898 du 1er décembre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée le 14 mars 2024, Mme B..., représentée par Me Flaux, demande à la

cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



2°) d'annuler l'arrêté du 20 juin 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 20 juin 2023 en tant qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2305898 du 1er décembre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 mars 2024, Mme B..., représentée par Me Flaux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 juin 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour en qualité d'étudiante et une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat et au bénéfice de son conseil la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- le refus de séjour n'a pas été précédé d'un examen particulier de sa situation ;

- le préfet des Bouches-du-Rhône ne pouvait se fonder sur l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de séjour méconnaît l'article 2.2 de l'accord franco-gabonais ;

- il méconnaît l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article 9 de l'accord franco-gabonais ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen complet de sa situation ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations.

Par lettre du 17 janvier 2025, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de se fonder sur :

- l'irrecevabilité des conclusions de Mme B... dirigées contre le refus de séjour du préfet des Bouches-du-Rhône du 20 juin 2023, nouvelles en appel,

- l'inapplicabilité de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à une ressortissante gabonaise, et la possibilité d'y substituer la base légale tirée de l'article 2.2 de l'accord franco-gabonais.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Paris le 2 décembre 1992 ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au co-développement, signé à Libreville le 5 juillet 2007 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Evrard.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante gabonaise née le 3 octobre 1998, est entrée en France le 2 janvier 2021, munie d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour valant titre de séjour étudiant, valable du 30 décembre 2020 au 30 décembre 2021 et renouvelé jusqu'au 31 octobre 2022. Elle a sollicité, le 11 octobre 2022, la délivrance d'un titre de séjour " recherche d'emploi ou création d'entreprise ". Par un arrêté du 20 juin 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B... a demandé l'annulation de cet arrêté en tant qu'il l'a obligée à quitter le territoire français. Elle relève appel du jugement du 1er décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions dirigées contre le refus de séjour :

2. Les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 20 juin 2023 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de l'admettre au séjour, qui sont nouvelles en appel, ne peuvent, par suite, qu'être rejetées comme irrecevables.

Sur les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, Mme B... soutient que l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour.

4. Il ressort des pièces du dossier, et, notamment, des termes mêmes de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 20 juin 2023, que ce dernier a relevé, notamment, que la requérante, n'avait pas obtenu le master de l'école Kedge business school auprès de laquelle elle était inscrite, si bien qu'elle ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer le titre de séjour " recherche d'emploi ou création d'entreprise " qu'elle avait demandé. Il en résulte que le préfet des Bouches-du-Rhône a, contrairement à ce que prétend Mme B..., préalablement procédé à un examen particulier de sa situation. Le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit, par suite, être écarté, sans que ne puisse être utilement invoquées à son appui les prétendues erreurs d'appréciation dont cet examen serait entaché.

5. Les stipulations de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Paris le 2 décembre 1992, et celles de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au co-développement, signé à Libreville le 5 juillet 2007, s'appliquent aux ressortissants gabonais. Aux termes de l'article 12 de la convention franco-gabonaise : " Les dispositions de la présente convention ne font pas obstacle à l'application des législations respectives des deux Parties contractantes sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par la convention ". Aux termes, de l'article 2.2 de l'accord franco-gabonais, qui complète la convention franco-gabonaise : " Une autorisation provisoire de séjour d'une durée de validité de neuf (9) mois renouvelable une fois est délivrée au ressortissant gabonais qui, ayant achevé avec succès, dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, un cycle de formation conduisant à la licence professionnelle ou à un diplôme au moins équivalent au master, souhaite compléter sa formation par une première expérience professionnelle (...) ".

6. Aux termes de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger titulaire d'une assurance maladie qui justifie soit avoir été titulaire d'une carte de séjour temporaire (...) portant la mention " étudiant " délivrée sur le fondement des articles L. 422-1, L. 422-2 ou L. 422-6 et avoir obtenu dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret (...) se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " d'une durée d'un an dans les cas suivants : 1° Il entend compléter sa formation par une première expérience professionnelle (...) ".

7. La situation des ressortissants gabonais ayant achevé avec succès, dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, un cycle de formation conduisant à la licence professionnelle ou à un diplôme au moins équivalent au master et désireux de compléter leur formation par une première expérience professionnelle est entièrement régie par des stipulations de l'article 2.2 de l'accord franco-gabonais. Par suite, les dispositions de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne leur sont, en vertu de l'article 12 de l'accord, pas applicables. Le préfet des Bouches-du-Rhône ne pouvait ainsi légalement se fonder, pour refuser le titre de séjour sollicité par Mme B... en vue de la réalisation d'une première expérience professionnelle, sur les dispositions de cet article. Toutefois, et dès lors que l'application des dispositions de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a privé Mme B... d'aucune des garanties assurées par les stipulations de la convention et de l'accord franco-gabonais, il y a lieu, pour la cour, de procéder à une substitution de base légale en examinant la légalité du refus de séjour au regard de ces dernières stipulations, après avoir écarté comme inopérant le moyen tiré de la violation de l'article L. 422-10.

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a suivi les enseignements de la formation " mastère management et stratégie des entreprises 1ère année " de l'école CoachingPaca au titre de l'année 2020-2021 et a été inscrite en " master international trade and logistics " de l'école Kedge business school au titre de l'année 2021-2022, sans toutefois obtenir aucun diplôme. Si elle fait valoir qu'elle a validé la première année du " mastère management et stratégie des entreprises 1ere année ", elle n'a toutefois pas obtenu le diplôme de master, lequel sanctionne une formation de deux années. Le certificat qu'elle produit, établi par une psychologue du dispositif " wellness " de la Kedge business school, qui indique uniquement qu'elle a reçu la requérante en décembre 2022, ne suffit pas à démontrer que Mme B... aurait rencontré des problèmes de santé d'une gravité telle qu'ils seraient de nature à justifier son échec. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de l'admettre au séjour, le préfet des Bouches-du-Rhône aurait méconnu les stipulations de l'article 2.2 de l'accord franco-gabonais. Dans les circonstances de l'espèce, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... aurait sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article 9 de l'accord franco-gabonais, ni, en tout état de cause, sur celui de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet des Bouches-du-Rhône ne s'est pas davantage fondé d'office sur ces stipulations et dispositions pour refuser de l'admettre au séjour. Par suite, Mme B... ne peut utilement soutenir que ces stipulations et dispositions auraient été méconnues.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour.

11. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, et, notamment, des termes mêmes de l'arrêté en litige, que le préfet des Bouches-du-Rhône a procédé à un examen particulier de la situation de Mme B... avant de l'obliger à quitter le territoire français.

12. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

13. Mme B... fait valoir que l'obligation de quitter le territoire français la prive de la possibilité de mener son projet professionnel international à terme. Le titre de séjour qui lui a été délivré pour poursuivre des études ne lui donnait toutefois pas vocation à s'établir durablement sur le territoire national. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que la requérante est entrée récemment en France, deux ans avant la décision en litige, et qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches privées et familiales au Gabon, où elle a vécu la majeure partie de sa vie. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français en litige porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la brève durée de son séjour en France, à la circonstance qu'elle n'a validé aucun diplôme et à l'absence d'attaches privées et familiales sur le territoire, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que cette décision serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

14. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

15. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de Mme B... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme B....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 6 février 2025 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

M. Savouré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2025.

La rapporteure,

A. Evrard

Le président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY00729


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY00729
Date de la décision : 06/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme PSILAKIS
Avocat(s) : FLAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-06;24ly00729 ?
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