Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et Mme B... et C... A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2020, à concurrence de 37 098 euros, correspondant à l'imposition de la plus-value réalisée par Mme A... lors de la vente d'un bien immobilier situé à Lyon.
Par un jugement n° 2102003 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 7 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Maille, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 8 novembre 2022 ;
2°) de prononcer la décharge de cette imposition ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'immeuble cédé était la résidence principale du foyer fiscal qu'il constituait avec son épouse et la propriété commune du couple qu'ils formaient, et non une propriété en indivision ; Mme A... était seulement hébergée par un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), lequel ne constituait pas sa résidence principale ; ils entraient ainsi dans le champ d'application du 1° du II de l'article 150 U du code général des impôts ;
- le bien a été mis en vente moins de deux ans après l'entrée de Mme A... dans l'EHPAD et il a effectué les diligences nécessaires à la cession de leur résidence principale, après avoir été désigné mandataire de son épouse par le juge des tutelles et avoir surmonté d'importants problèmes de santé et compte tenu des conséquences de la crise sanitaire sur le marché immobilier ;
- il serait discriminatoire de ne pas le faire bénéficier d'une exonération de la plus-value au titre de la résidence principale.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances, et de l'industrie conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... ont cédé, le 19 mai 2020, l'appartement qu'ils avaient acquis le 30 novembre 1999 dans le 6ème arrondissement de Lyon. M. A..., dont le bien constituait la résidence principale au jour de la cession, a bénéficié de l'exonération d'imposition de la plus-value immobilière réalisée à l'occasion de cette cession, sur le fondement du 1° du II de l'article 150 U du code général des impôts, mais pas son épouse, qui résidait de façon continue depuis la fin de l'année 2017 dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Les droits d'impôt sur le revenu et de prélèvement sociaux acquittés au titre de la fraction de la plus-value que l'administration a refusé d'exonérer concernant Mme A..., estimée à la moitié de la plus-value réalisée, se sont élevés à 37 098 euros. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande, présentée alors conjointement avec son épouse, décédée depuis, tendant à la décharge de cette imposition primitive.
2. Aux termes de l'article 150 U du code général des impôts, dans sa version alors applicable : " I. - Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH. / (...) / II. - Les dispositions du I ne s'appliquent pas aux immeubles, aux parties d'immeubles ou aux droits relatifs à ces biens : / 1° Qui constituent la résidence principale du cédant au jour de la cession ; / (...) / 1° ter Qui ont constitué la résidence principale du cédant et n'ont fait l'objet depuis lors d'aucune occupation, lorsque ce dernier est désormais résident d'un établissement mentionné au 6° ou au 7° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, si au titre de l'avant dernière année précédant cette cession, il n'est pas passible de l'impôt sur la fortune immobilière et n'a pas un revenu fiscal de référence excédant la limite prévue au II de l'article 1417 du présent code et si la cession intervient dans un délai inférieur à deux ans suivant l'entrée dans l'établissement ; /(...). ".
3. En premier lieu, il résulte des dispositions du 1° du II de l'article 150 U du code général des impôts que la plus-value réalisée par une personne physique lors de la cession à titre onéreux d'un bien immobilier qui constitue sa résidence principale au jour de la cession est exonérée de l'impôt sur le revenu. Pour être considéré comme résidence principale, au sens de ces dispositions, l'immeuble en cause doit constituer la résidence habituelle et effective du cédant. Pour l'application de ces dispositions, un immeuble ne perd pas sa qualité de résidence principale du cédant au jour de la cession du seul fait que celui-ci a libéré les lieux avant ce jour, à condition que le délai pendant lequel l'immeuble est demeuré inoccupé puisse être regardé comme normal. Il en va ainsi lorsque le cédant a accompli les diligences nécessaires, compte tenu des motifs de la cession, des caractéristiques de l'immeuble et du contexte économique et réglementaire local, pour mener à bien cette vente dans les meilleurs délais à compter de la date prévisible du transfert de sa résidence habituelle dans un autre lieu.
4. D'une part, il est constant que l'acte de vente en cause, du 19 mai 2020, mentionne M. et Mme A... comme covendeurs et que les époux A... étaient mariés, depuis le 9 novembre 1972, sous le régime de la communauté d'acquêts à défaut de contrat de mariage préalable. L'appartement situé dans le 6ème arrondissement de Lyon a ainsi été acquis, en 1999, sous le régime de la communauté de biens, laquelle n'était pas dissoute à la date de la cession litigieuse, le prix de cession allant à la communauté de biens et M. et Mme A... ayant alors été imposés au sein du même foyer fiscal. D'autre part, si Mme A... a résidé depuis le 21 octobre 2017, de façon discontinue puis continue, dans un EHPAD situé à Villeurbanne, ce qui a motivé la décision de vendre le bien litigieux, compte tenu des frais liés à ce mode d'hébergement et de prise en charge, il résulte de l'instruction qu'elle n'avait pas la capacité pour prendre part, conjointement avec son mari, au processus de vente de leur résidence principale. Ainsi, M. A..., par ailleurs tuteur légal de leur fils né en 1976, a été désigné mandataire de son épouse par un jugement du juge des tutelles du 25 janvier 2018. Il résulte par ailleurs de l'instruction qu'entre février 2019 et septembre 2019, M. A... a lui-même rencontré des difficultés de santé, ralentissant le processus de vente de l'appartement, initié en mars 2019 par la signature d'un mandat de vente, et relancé en août 2019. Les premières visites ont pu avoir lieu en octobre 2019 et un acquéreur a été trouvé le 6 décembre 2019. La crise sanitaire du printemps 2020 a, pour finir, retardé la vente définitive de l'appartement qui est intervenue le 19 mai 2020. Dans ces conditions M. A... doit être regardé, compte tenu des motifs de la cession et du contexte familial et privé particulier qui vient d'être décrit, comme ayant accompli les diligences nécessaires pour mener à bien, en son nom et celui de sa femme, cette vente dans les meilleurs délais à compter de la date prévisible du transfert de la résidence habituelle de sa femme dans l'EHPAD déjà mentionné. Ainsi, à la date de cette cession, M. et Mme A... doivent, en tout état de cause, être regardés comme ayant rempli les conditions pour bénéficier entièrement de l'exonération prévue au 1° du II de l'article 150 U du code général des impôts. Il suit de là que M. A... est fondé à demander la décharge des impositions correspondant aux droits d'impôt sur le revenu et de prélèvement sociaux acquittés au titre de la moitié de la plus-value attribuée à Mme A..., estimée à 37 098 euros.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui doit être annulé, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
6. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2102003 du tribunal administratif de Lyon du 8 novembre 2022 est annulé.
Article 2 : M. A... est déchargé des droits d'impôt sur le revenu et de prélèvement sociaux acquittés au titre de la fraction de la plus-value attribuée à Mme A..., estimée à la moitié de la plus-value réalisée, soit 37 098 euros.
Article 3 : L'Etat versera 2 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre chargée des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 10 mars 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente de chambre,
Mme Vinet, présidente-assesseure,
Mme Soubié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 avril 2025.
La rapporteure,
C. VinetLa présidente,
C. Michel
La greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23LY00048
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