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03/04/2025 | FRANCE | N°23LY01921

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 03 avril 2025, 23LY01921


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



Mme F... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Etat à lui verser ainsi qu'à sa fille, E..., la somme de 30 000 euros chacune en réparation du préjudice moral et 8 000 euros en réparation du préjudice financier subis du fait du décès de M. A... D... au centre pénitentiaire d'Aiton ;



Par jugement n° 2005446 du 28 avril 2023, le tribunal a rejeté cette demande.





Procédure devant la cour



Par

requête enregistrée le 6 juin 2023, Mmes D..., représentée par Me Ducher, demandent à la cour :



1°) d'annuler ce jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme F... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Etat à lui verser ainsi qu'à sa fille, E..., la somme de 30 000 euros chacune en réparation du préjudice moral et 8 000 euros en réparation du préjudice financier subis du fait du décès de M. A... D... au centre pénitentiaire d'Aiton ;

Par jugement n° 2005446 du 28 avril 2023, le tribunal a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 6 juin 2023, Mmes D..., représentée par Me Ducher, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes demandées.

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- M. D... présentait des signes graves de dépression avec tendance suicidaire un mois avant son décès sans qu'aucune mesure ne soit prise, ce qui révèle une faute des services pénitentiaires ;

- Son décès lui a causé, ainsi qu'à leur fille, un préjudice moral pouvant être chiffré à 30 000 euros chacune ;

- Il leur a également causé un préjudice matériel pouvant être chiffré à 8 000 euros ;

Par mémoire enregistré le 16 septembre 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

Par ordonnance du 17 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 25 octobre 2024 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code pénitentiaire ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... ;

- les conclusions de Mme C... ;

- et les observations de Me Ducher pour Mmes D... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., écroué le 12 décembre 2015 à la maison d'arrêt de Bonneville et transféré le 14 décembre 2017 au centre pénitentiaire d'Aiton, s'est donné la mort par pendaison dans la nuit du 21 au 22 juillet 2018. Son épouse, Mme F... D..., interjette appel du jugement du 28 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande, présentée tant en son nom que pour sa fille mineure, E..., tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 68 000 euros en réparation du préjudice subi du fait d'un défaut de surveillance fautif.

2. La responsabilité de l'Etat en cas de préjudice matériel ou moral résultant du suicide d'un détenu peut être recherchée pour faute des services pénitentiaires en raison notamment d'un défaut de surveillance ou de vigilance. Une telle faute ne peut toutefois être retenue qu'à la condition qu'il résulte de l'instruction que l'administration n'a pas pris, compte tenu des informations dont elle disposait, en particulier quant à l'existence chez le détenu de troubles mentaux, de tentatives de suicide ou d'actes d'auto agression antérieurs, de menaces suicidaires, de signes de détresse physique ou psychologique, les mesures que l'on pouvait raisonnablement attendre de sa part pour prévenir le suicide.

3. Il résulte de l'instruction qu'à son arrivée dans l'établissement, M. D... a fait l'objet d'une " surveillance adaptée vulnérabilité-risque suicidaire " compte tenu de la qualité d'arrivant de l'intéressé, incluant un doublement en cellule. Une semaine plus tard, le 21 décembre 2017, cette mesure a été levée après avis favorable du responsable bâtiment, de l'équipe psychiatrique et du service d'insertion et de probation. Le profil de M. D... ne présentait ainsi pas un risque suicidaire particulièrement signalé. S'il a été constaté à deux reprises, le 13 juin 2018 et le 15 juin 2018, que l'intéressé paraissait ne pas aller bien, qu'il s'était lui-même infligé des coups et qu'il avait déclaré agir ainsi " plutôt que de taper sur les autres " ou " au lieu de se pendre ", les agents ont fait remonter cette information à leur hiérarchie qui a indiqué en substance qu'après consultation, l'unité de soin n'avait pas prescrit de traitement médical, que l'intéressé avait un rendez-vous avec un psychologue et qu'il convenait de " rester vigilant et de faire " remonter les diverses informations concernant M. D... ". Au regard de ces seuls éléments, et alors que l'intéressé faisait l'objet d'un suivi régulier par un psychiatre, incluant notamment un rendez-vous la semaine précédant le suicide, les services pénitentiaires doivent être regardé comme ayant eu un comportement adapté et n'ont pas commis de faute en ne plaçant pas le détenu sous un régime de détention spécifique à la suite de ces seuls premiers signaux d'alerte, au demeurant intervenus plus d'un mois avant le passage à l'acte sans que le comportement de l'intéressé ait ensuite connu d'épisode notable. Si les requérantes font valoir qu'une demande de transfert d'établissement était en cours, aucun élément du dossier ne permet d'y voir un lien avec le passage à l'acte suicidaire.

4. Il résulte de ce qui précède que Mmes D... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du garde des sceaux, ministre de la justice, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mmes D....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mmes D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mmes D... et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 13 mars, à laquelle siégeaient :

- M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,

- Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,

- M. Bertrand Savouré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025.

Le rapporteur,

B. B...Le président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY01921


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01921
Date de la décision : 03/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. - Exécution des jugements. - Exécution des peines. - Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: Mme PSILAKIS
Avocat(s) : DUCHER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-03;23ly01921 ?
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