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03/04/2025 | FRANCE | N°23LY02052

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 03 avril 2025, 23LY02052


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 juin 2023 et le 21 mai 2024, la société Tadunex, représentée par Me Robert-Védie, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 20 avril 2023 par lequel le maire de Varennes-Vauzelles a accordé à la société Lidl un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de l'extension de 484 m², après démolition et reconstruction, d'un supermarché d'une surface de 990 m² au sein d'un ensemble com

mercial situé 43 bis boulevard Camille Dagonneau ;



2°) de mettre à la charge de la société...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 juin 2023 et le 21 mai 2024, la société Tadunex, représentée par Me Robert-Védie, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 20 avril 2023 par lequel le maire de Varennes-Vauzelles a accordé à la société Lidl un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de l'extension de 484 m², après démolition et reconstruction, d'un supermarché d'une surface de 990 m² au sein d'un ensemble commercial situé 43 bis boulevard Camille Dagonneau ;

2°) de mettre à la charge de la société Lidl la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;

- le dossier de demande du permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale était incomplet et présentait des incohérences ou inexactitudes ;

- le projet est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale du Grand Nevers au regard de sa nature, de sa localisation et de ses caractéristiques architecturales, paysagères et environnementales ;

- il méconnaît les principes d'aménagement du plan local d'urbanisme de Varennes-Vauzelles ;

- il méconnaît le critère tenant à l'animation de la vie urbaine et la revitalisation du tissu commercial ;

- il est de nature à accroître les flux de circulation alors que les conditions d'accès au site se caractérisent par un défaut de sécurité ;

- il méconnaît le critère tenant à l'impact environnemental dès lors qu'il n'est pas particulièrement vertueux à cet égard ;

- son insertion paysagère est critiquable compte tenu de son traitement architectural et paysager ;

- il sera source d'importantes nuisances pour les riverains.

Par des mémoires enregistrés les 20 novembre 2023 et 10 juillet 2024, la société Lidl, représentée par Me Bozzi, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société Tadunex au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société Tadunex ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés le 25 mars 2024 et le 25 février 2025, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Varennes-Vauzelles, représentée par Me Tissot, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la société Tadunex au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Elle fait valoir les moyens soulevés par la société Tadunex ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,

- et les observations de Me Juliac-Degrelle pour la société Lidl.

Considérant ce qui suit :

1. La société Lidl a déposé, le 1er juillet 2022, une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de porter, après démolition puis reconstruction, la surface de vente d'un supermarché localisé dans un ensemble commercial situé sur le territoire de la commune de Varennes-Vauzelles, de 990 m² à 1 474 m². Après un avis favorable au projet de la commission départementale d'aménagement commercial, le 29 août 2022, puis de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), le 23 janvier 2023, le maire de Varennes-Vauzelles, par un arrêté du 20 avril 2023, a délivré le permis sollicité. La société Tadunex, propriétaire et exploitante d'un supermarché à l'enseigne Netto dans la zone de chalandise du projet, demande l'annulation de ce permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur la compétence du signataire de l'acte :

2. Aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints (...). ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... A..., adjoint au maire de Varennes-Vauzelles, signataire de l'arrêté du 20 avril 2023, bénéficiait d'une délégation de fonctions du maire, par un arrêté du 10 juillet 2020, transmis en préfecture le 28 juillet suivant, dans les domaines de la transition écologique, de l'urbanisme et des espaces naturels. M. A... était donc compétent pour signer l'arrêté attaqué, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le maire n'aurait pas été empêché, comme indiqué dans l'arrêté par une mention qui revêt un caractère superfétatoire.

Sur la complétude du dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale :

4. D'une part, aux termes du I de l'article R. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments mentionnés ci-après ainsi que, en annexe, l'analyse d'impact définie au III de l'article L. 752-6. / 1° Informations relatives au projet : / (...) / d) Pour les projets d'extension d'un ou plusieurs magasins de commerce de détail :/ - le secteur d'activité et la classe, au sens de la nomenclature d'activités française (NAF), du ou des magasins dont l'extension est envisagée ; / - la surface de vente existante ; - l'extension de surface de vente demandée ; / - la surface de vente envisagée après extension ; (...) / g) Autres renseignements : (...) / - si le projet comporte un parc de stationnement : le nombre total de places, le nombre de places réservées aux personnes à mobilité réduite et, le cas échéant, le nombre de places dédiées à l'alimentation des véhicules électriques ou hybrides rechargeables, le nombre de places non imperméabilisées et le nombre de places dédiées à l'autopartage et au covoiturage ; / - les aménagements paysagers en pleine terre ; / (...) / 2° Cartes ou plans relatifs au projet : / a) Un plan de masse faisant apparaître la surface de vente des magasins de commerce de détail, ensembles commerciaux ou points permanents de retrait ; / b) Un plan faisant apparaître l'organisation du projet sur la ou les parcelles de terrain concernées : emplacements et superficies des bâtiments, des espaces destinés au stationnement et à la manœuvre des véhicules de livraison et des véhicules de la clientèle et au stockage des produits, des espaces verts ; / c) Une carte ou un plan de la desserte du lieu d'implantation du projet par les transports collectifs, voies piétonnes et pistes cyclables ; / d) Une carte ou un plan des principales voies et aménagements routiers desservant le projet ainsi que les aménagements projetés dans le cadre du projet ; / e) En cas de projet situé dans ou à proximité d'une zone commerciale : le plan ou la carte de cette zone ; / 3° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : / a) Prise en compte de l'objectif de compacité des bâtiments et aires de stationnement ; / b) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ; / c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules de livraison générés par le projet et description des accès au projet pour ces véhicules ; / d) Indication de la distance du projet par rapport aux arrêts des moyens de transports collectifs, de la fréquence et de l'amplitude horaire de la desserte de ces arrêts ; / e) Analyse prévisionnelle des flux de déplacement dans la zone de chalandise, tous modes de transport confondus, selon les catégories de clients ; / (...) / 4° Effets du projet en matière de développement durable. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet en matière de développement durable, incluant les éléments suivants : / a) Présentation des mesures, autres que celles résultant d'obligations réglementaires, destinées à réduire la consommation énergétique des bâtiments ; / b) Le cas échéant, description des énergies renouvelables intégrées au projet et de leur contribution à la performance énergétique des bâtiments, et fourniture d'une liste descriptive des produits, équipements et matériaux de construction utilisés dans le cadre du projet et dont l'impact environnemental et sanitaire a été évalué sur l'ensemble de leur cycle de vie ; / (...) / 5° Effets du projet en matière de protection des consommateurs. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet en matière de protection des consommateurs, incluant les éléments suivants : a) Distance du projet par rapport aux principales zones d'habitation de la zone de chalandise ; / b) Le cas échéant, contribution du projet à l'amélioration du confort d'achat, notamment par un gain de temps et de praticité et une adaptation à l'évolution des modes de consommation ; / c) Le cas échéant, description des mesures propres à valoriser les filières de production locales ; / d) Evaluation des risques naturels, technologiques ou miniers et, le cas échéant, description des mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs ; / 6° Effets du projet en matière sociale. / Le dossier peut comprendre tout élément relatif à la contribution du projet en matière sociale, notamment : / a) Les partenariats avec les commerces de centre-ville et les associations locales ; / b) Les accords avec les services locaux de l'Etat chargés de l'emploi. / (...). ".

5. D'autre part, aux termes du II de l'article R. 752-6 du code de commerce : " L'analyse d'impact comprend, après un rappel des éléments mentionnés au 1° du I, les éléments et informations suivants : / 1° Informations relatives à la zone de chalandise et à l'environnement proche du projet : / (...) / Seront signalées, le cas échéant, les opérations de revitalisation de territoire définies au I de l'article L. 303-2 du code de la construction et de l'habitation, avec identification des secteurs d'intervention tels que prévus au II de ce même article L. 303-2 ; / (...) / 2° Présentation de la contribution du projet à l'animation des principaux secteurs existants, notamment en matière de complémentarité des fonctions urbaines et d'équilibre territorial ; en particulier, contribution, y compris en termes d'emploi, à l'animation, la préservation ou la revitalisation du tissu commercial des centres-villes de la commune d'implantation et des communes limitrophes incluses dans la zone de chalandise définie pour le projet, avec mention, le cas échéant, des subventions, mesures et dispositifs de toutes natures mis en place sur les territoires de ces communes en faveur du développement économique ; / (...). ".

6. La circonstance que le dossier de demande d'autorisation ne comporterait pas l'ensemble des éléments exigés par les dispositions précitées, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité l'autorisation qui a été accordée que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

7. En premier lieu, s'agissant des informations relatives au projet prévues au I de l'article R. 752-6 du code de commerce, et notamment celles relatives à la surface de vente, il ressort des pièces du dossier de demande que la surface du sas d'entrée du supermarché, de 47,30 m², figurant sur les plans annexés au dossier, a été comprise dans le calcul de la surface de vente future, contrairement à ce que soutient la requérante. Par ailleurs, les plans et cartes produits au dossier de demande et requis en vertu des dispositions précitées sont lisibles. Le dossier comprend en particulier un plan de masse projeté, qui représente les aménagements des voies de desserte, complété d'une photographie d'insertion permettant d'avoir une vision précise sur ce point. Il comporte également un plan de l'ensemble commercial au sein duquel le projet s'implante et une carte de son environnement proche, qui fait apparaître les bâtiments à usage commercial ou industriel à proximité, ainsi qu'une description précise des aménagements paysagers en pleine terre du site et un plan des espaces verts, lequel n'a pas vocation à représenter chacune des plantations envisagées et matérialise les arbres à abattre. Le projet a, en outre, fait l'objet d'une étude paysagère détaillée et les dispositions précitées n'imposent pas que soient précisées les modalités d'entretien des espaces verts. Ces documents ne présentent, enfin, aucune erreur, notamment sur la délimitation du terrain d'assiette du projet, ou incohérence qui aurait été de nature à fausser l'appréciation portée par le service instructeur.

8. En deuxième lieu, s'agissant des effets du projet sur l'aménagement du territoire, il ressort des pièces du dossier que, conformément à ce que prévoient les dispositions citées au point 4, le dossier de demande d'autorisation fait état de la prise en compte de l'objectif de compacité des bâtiments et aires de stationnement. Il comprend plusieurs paragraphes consacrés à cet indicateur, dont il résulte notamment que l'articulation entre la surface de vente, la réserve, les locaux sociaux et l'aire de livraison est agencée de manière à limiter la surface de plancher et que l'aire de vente sera de 1 474 m², le facteur de compacité étant de 1,61, et décrivant les mesures prises afin d'optimiser les aires de stationnement. Si la requérante soutient que les calculs opérés par la pétitionnaire concernant le respect du ratio prévu par l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme entre surface du terrain d'assiette et surface dédiée au stationnement sont erronés, il ne ressort pas des pièces du dossier que la pétitionnaire ait effectué un tel calcul, qui n'est pas imposé par l'article R. 752-6 du code de commerce.

9. En troisième lieu, l'analyse d'impact réalisée par la pétitionnaire fait état de l'opération cœur de ville, devenue opération de revitalisation du territoire, sur le territoire de la commune de Nevers, située dans la zone de chalandise du projet, conformément au 1° du II de l'article R. 752-6 du code de commerce. Elle donne sur cette opération des informations utiles et la prend en compte notamment dans l'analyse des points de vigilance de la zone de chalandise. Elle présente également la contribution du projet à l'animation des principaux secteurs existants, notamment en matière de complémentarité des fonctions urbaines et d'équilibre territorial, conformément au 2° du II du même article, ce qu'elle pouvait valablement faire en mobilisant notamment le schéma de cohérence territorial (SCoT) du Grand Nevers et le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Varennes-Vauzelles.

10. En dernier lieu, pour le reste, la société Tadunex, d'une part, critique le contenu du dossier de demande par une argumentation qui se rapporte au respect par le projet de conditions de fond, et non à la complétude du dossier, s'agissant notamment des flux de circulation générés par le projet, et, d'autre part, conteste certaines données présentées par la pétitionnaire et l'analyse que cette dernière a fait de son projet, ainsi que le caractère suffisant de certains éléments, sans expliquer elle-même quel élément prévu par les dispositions précitées ferait défaut. Ainsi en va-t-il notamment des effets du projet en matière de développement durable et en matière de protection du consommateur et, s'agissant de l'analyse d'impact, des impacts en matière d'animation ou de préservation et revitalisation du tissus commercial des centres-villes, et alors qu'il ressort des pièces du dossier de demande d'autorisation qu'il comprend des développements sur ces points, suffisants et pertinents pour l'appréciation du projet en cause, quand bien-même ils traduiraient, dans certains cas, une politique générale appliquée par l'enseigne. Il suit de là que le moyen tiré de l'incomplétude du dossier doit être écarté.

Sur le respect par le projet des conditions de fond :

11. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; / (...) / 2° En matière de développement durable :/ a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / (...) / II.- A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale. / (...) / V.- L'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être délivrée pour une implantation ou une extension qui engendrerait une artificialisation des sols, au sens du neuvième alinéa de l'article L. 101-2-1 du code de l'urbanisme. / (...). ".

En ce qui concerne la compatibilité du projet avec le SCoT du Grand Nevers :

12. En premier lieu, le document d'orientation et d'objectifs (DOO) du SCoT du Grand Nevers identifie la zone dans laquelle se situe le projet comme une " centralité commerciale principale " et comme une " zone économique stratégique ". Aux termes du 6.3 de ce document : " Les commerces se localisent préférentiellement dans les secteurs urbains correspondant à l'armature commerciale identifiée par les documents d'urbanisme locaux, dans les conditions déterminées au 6.2 ". L'objectif du SCoT est notamment d'éviter l'artificialisation de nouveaux espaces et de privilégier le renforcement de l'armature urbaine. Le point 7 du DOO définit les " centralités urbaines stratégiques ", où l'implantation de nouveaux commerces de toutes tailles est autorisée, comme se localisant dans le secteur dense de la commune, autour des artères commerçantes, dites de centre-ville. Par ailleurs, l'objectif exprimé par le SCoT, de résorber les friches commerciales et de diminuer la vacance des locaux commerciaux, se traduit par une obligation d'étudier au préalable la possibilité de requalifier une friche commerciale existante dans les seuls secteurs d'implantation périphérique. Compte tenu des éléments qui viennent d'être rappelés, et alors même que le DOO prévoit au 6.2 qu'il appartient aux documents d'urbanismes locaux de préciser le périmètre exact de ces centralités stratégiques, il apparaît que le projet doit être regardé comme se situant dans une centralité stratégique. En outre, il emporte résorption d'une friche. Par suite, le moyen tiré de ce que le projet serait incompatible avec le SCoT à raison de sa localisation ou compte tenu du fait que l'extension projetée est supérieure à 300 m², doit être écarté, étant rappelé, qu'en tout état de cause, la compatibilité d'un projet avec le SCoT s'apprécie au regard des orientations générales et des objectifs qu'il définit pris dans son ensemble.

13. En second lieu, il ressort des pièces du dossier de demande d'autorisation que le projet inclut un parc de stationnement végétalisé, une façade vitrée permettant de refléter la végétation environnante, une gestion des eaux pluviales alternatives avec l'insertion d'une noue paysagère et un bassin végétalisé. En se bornant à soutenir que le volet paysager et environnemental du projet contesté ne répond pas aux orientations fixées par le SCoT, la société Tadunex n'assortit pas le moyen qu'elle soulève des précisions nécessaires pour en apprécier le bien-fondé.

En ce qui concerne la compatibilité du projet avec le PLU de Varennes-Vauzelles :

14. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 600-1-4 et L. 425-4 du code de l'urbanisme et de l'article L. 752-6 du code de commerce que lorsque le juge est saisi par un professionnel dont l'activité est susceptible d'être affectée par un projet d'aménagement commercial d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du même code, les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables. Par suite, la société Tadunex n'est pas recevable à invoquer le moyen tiré de la méconnaissance des principes d'aménagement définies par le PLU de Varennes-Vauzelles.

En ce qui concerne le critère de l'aménagement du territoire :

15. En premier lieu, comme exposé au point 1, le projet porte sur l'extension de 484 m² de la surface de vente d'un supermarché à l'enseigne Lidl, implanté sur un terrain d'une superficie de 9 714 m². Pour sa réalisation, un bâtiment de 590 m² situé à l'arrière du site, à l'état de friche, sera détruit et reconverti, pour l'essentiel, en un bassin éco-paysager. Si le parking, qui sera réaménagé, comprendra 133 places de stationnements contre 97 auparavant, la part des places perméables passera de 1 % à près de 10 % du terrain d'assiette, tandis que la part des stationnements imperméables sera réduite de moitié, les ramenant à un peu plus de 6 %. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier de demande d'autorisation que les stationnements ont été optimisés pour favoriser la végétalisation du terrain, que la part de la voirie carrossable sera réduite et que celle des espaces verts au sol sera augmentée, quand bien-même les places de stationnement végétalisées devraient être exclues du calcul de leur surface. Pour les mêmes raisons qu'indiquées au point 14 ci-dessus, la société requérante n'est, en tout état de cause, pas recevable à invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme. Enfin, les dispositions précitées de l'article L. 752-6 du code de l'urbanisme n'imposent pas l'adoption de mesures compensatoires. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet méconnaîtrait le critère de consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement.

16. En deuxième lieu, s'agissant de l'animation de la vie urbaine, il ressort des pièces du dossier que le projet contesté, qui consiste, ainsi qu'il a déjà été dit, en l'extension de la surface de vente d'un supermarché existant depuis 2010, situé dans une partie urbanisée de la commune, doit permettre de proposer à la clientèle un meilleur confort d'achat par un bâtiment modernisé, lequel améliorera également la qualité urbaine du secteur, et de nouveaux produits, parmi lesquels des produits locaux, sans dépasser les 1 700 références existantes, ce qui est de nature à renforcer le rôle de proximité joué par ce supermarché, en complémentarité des autres commerces présents sur le territoire communal, et à limiter les déplacements des habitants vers des pôles commerciaux extérieurs à la commune. S'agissant de la vacance commerciale constatée dans le secteur d'implantation, il ressort des pièces du dossier que, pour les communes dans lesquelles il est significatif, il concerne des commerces non alimentaires et des locaux insusceptibles d'accueillir un supermarché. D'une façon générale, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'extension projetée de la surface de vente du supermarché en cause impactera négativement la zone de chalandise. Enfin, la densité commerciale n'est pas au nombre des critères qui doivent être pris en compte par la CNAC. Il suit de là, et alors même que la commune a intégré le programme action " Cœur de ville " et a conclu, dans ce cadre, une convention portant opération de revitalisation des territoires, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet méconnaîtrait le critère de l'animation de la vie urbaine.

17. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'étude de trafic réalisée par un cabinet spécialisé, que le projet, compte tenu du nombre supplémentaire de véhicules qui accèderont au site quotidiennement, ne générera pas de difficultés particulières par rapport au fonctionnement actuel de la zone, qui est satisfaisant, et aux capacités d'absorption des flux supplémentaires des accès à la zone commerciale et du giratoire. Par ailleurs, les accès au site actuel seront améliorés avec une différenciation de l'entrée et de la sortie avec la création d'un espace vert, sans que ne puisse être utilement invoqué le non-respect habituel par la clientèle des dispositions du code de la route. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet induirait un risque pour la sécurité publique compte tenu des flux de circulation qu'il va générer.

En ce qui concerne le critère du développement durable :

18. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 15 ci-dessus, le projet aura pour conséquence la résorption d'une friche, reconvertie, pour l'essentiel, en un bassin éco-paysager, la part des places perméables passera de 1 % à près de 10 % du terrain d'assiette et celle des stationnements imperméables sera réduite de moitié et, pour favoriser la végétalisation du terrain, la part de la voirie carrossable sera réduite et celle des espaces verts au sol augmentée. Si la requérante soutient que le projet n'est pas particulièrement vertueux ni ambitieux au regard de son impact environnemental et en matière d'énergie, compte tenu notamment de ce qu'il n'anticipe pas sur les normes futures plus exigeantes, elle ne conteste pas les conclusions de l'étude thermique réalisée par la pétitionnaire, dont il résulte des gains énergétiques allant au-delà des exigences réglementaires, et la portée des mesures prévues par le projet pour réduire la consommation d'énergie, consistant en l'isolation du bâtiment par l'utilisation d'une charpente en bois et une isolation de la toiture par une couche de laine de roche, la mise en place d'un système de gestion technique de bâtiment et d'installations frigorifiques de dernière génération permettant d'économiser 50 % d'énergie par rapport à des installations classiques, la régulation de la production, un éclairage en partie naturel et l'installation d'ampoules LED. L'opération de démolition puis de reconstruction permettra au supermarché d'être en conformité avec les exigences législatives et réglementaires, ainsi qu'un meilleur agencement du magasin, ce que ne contredit pas sérieusement la société Tadinex en se bornant à soutenir que l'hypothèse d'une rénovation du bâtiment sans destruction n'a pas été étudiée. Enfin, il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit la pose de panneaux photovoltaïques pour une surface légèrement supérieure à la surface légale et que des mesures sont prévues s'agissant du tri des déchets. Le critère de la qualité environnementale n'est, dès lors, pas méconnu par le projet.

19. En deuxième lieu et d'une part, l'environnement proche, qui comprend, outre des habitations, diverses enseignes dont l'architecture cubique s'apparente à celle des zones industrielles, et la route départementale RD 907, qui borde le projet, ne présente pas une architecture homogène ni particulièrement remarquable. D'autre part, si le bardage en métal blanc est conservé sur deux des façades du bâtiment ainsi que l'enseigne multicolore de la pétitionnaire, la façade principale comporte un bardage en bois, des panneaux végétalisés et une devanture vitrée permettant à l'aménagement végétalisé situé devant de s'y refléter. Le projet prévoit également la plantation d'arbres de haute tige, afin de limiter les nuisances visuelles pour les habitations proches, ainsi que des corridors écologiques plantés d'arbres, d'arbustes et de plantes vivaces et un " labyrinthe de biodiversité ". Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance du traitement architectural et paysager du projet doit être écarté.

20. En dernier lieu, il ressort du dossier de demande d'autorisation que les livraisons seront réalisées par des camions et équipements certifiés permettant de limiter les nuisances sonores. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 19 ci-dessus, des arbres et végétaux seront plantés afin de limiter les nuisances visuelles pour les habitations situées à proximité. Il suit de là que le moyen tiré de que le projet ne tient pas suffisamment compte des nuisances de toutes natures qu'il est susceptible de générer doit être écarté.

21. Il résulte de ce qui précède que la SAS Tadunex n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 20 avril 2023. Sa requête doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Tadunex la somme de 2 000 euros chacune à verser à la commune de Varennes-Vauzelles et à la société Lidl au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Tadunex est rejetée.

Article 2 : La société Tadunex versera à la société Lidl et à commune de Varennes-Vauzelles la somme de 2 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Tadunex et Lidl, à la commune de Varelles-Vauzelles et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la présidente de la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente de chambre,

Mme Vinet présidente-assesseure,

M. Moya, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025.

La rapporteure,

C. VinetLa présidente,

C. Michel

La greffière,

F. Bossoutrot

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, à la ministre chargée du logement et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY02052


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02052
Date de la décision : 03/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : LEONEM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-03;23ly02052 ?
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