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03/04/2025 | FRANCE | N°23LY03560

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 03 avril 2025, 23LY03560


Vu la procédure suivante :



Procédure devant la cour



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 novembre 2023 et 15 novembre 2024, la société Loidis, représentée par Me Demaret, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2023 par lequel le maire de Douvaine a délivré à la société Arilanne un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la construction, après démolition des bâtiments existants, d'un supermarché exploité sous l'enseigne " Intermarché " d'une

surface de vente de 2 750 m² et de la création d'un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 novembre 2023 et 15 novembre 2024, la société Loidis, représentée par Me Demaret, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2023 par lequel le maire de Douvaine a délivré à la société Arilanne un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la construction, après démolition des bâtiments existants, d'un supermarché exploité sous l'enseigne " Intermarché " d'une surface de vente de 2 750 m² et de la création d'un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès en automobile, comportant quatre pistes de ravitaillement ;

2°) de mettre à la charge in solidum de la commune de Douvaine et de la société Arilanne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le permis de construire a été signé par une autorité incompétente ;

- les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) n'ont pas été régulièrement convoqués et les avis des ministres ont été signés par des personnes n'ayant pas qualité pour ce faire ;

- la société Arilanne n'a pas pris en considération les motivations ayant conduit la CNAC à refuser le précédent projet ;

- la CNAC s'est méprise sur l'étendue de la zone de chalandise ;

- l'artificialisation des sols n'a pas été prise en compte dans l'examen du projet ;

- le projet méconnaît les objectifs de l'article L. 752-6 du code de commerce quant à l'aménagement du territoire, au développement durable et à la protection des consommateurs.

Par un mémoire enregistré le 15 novembre 2024, la commune de Douvaine, représentée par Me Gras, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Loidis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le moyen tiré de ce que le permis de construire a été signé par une autorité incompétente est irrecevable et au surplus infondé ;

- les autres moyens soulevés par la société Loidis ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 26 juillet 2024, la société Arilanne, représentée par Me Debaussart, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société Loidis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société Loidis ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Soubié, première conseillère,

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,

- et les observations de Me Pensalfini pour la société Loidis, de Me Fournier pour la commune de Douvaine et de Me Debaussart pour la société Arilanne ;

Et pris connaissance de la note en délibéré présentée pour la société Loidis enregistrée le 14 mars 2025.

Considérant ce qui suit :

1. La société Arilanne a sollicité la délivrance d'un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de démolir puis reconstruire en l'agrandissant d'une surface de 550 m² le supermarché à l'enseigne " Intermarché " qu'elle exploite sur le territoire de la commune de Douvaine. La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) de la Haute-Savoie s'est prononcée en faveur du projet le 5 avril 2023. La Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a également émis un avis favorable au projet le 27 juillet 2023. Par un arrêté du 13 septembre 2023, le maire de Douvaine a délivré à la société Arilanne le permis de construire sollicité. La société Loidis, qui exploite un supermarché dans la zone de chalandise du projet, demande l'annulation de ce permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la compétence du signataire de l'arrêté attaqué :

2. Une délégation du maire habilitant l'un de ses adjoints à signer toutes les décisions relevant du code de l'urbanisme doit être regardée comme habilitant son titulaire à signer les arrêtés accordant un permis de construire, y compris lorsque le permis tient lieu de l'autorisation prévue par l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation pour l'exécution des travaux conduisant à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public. Le permis de construire ne peut toutefois être octroyé qu'avec l'accord de l'autorité compétente pour délivrer cette autorisation.

3. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 27 avril 2023 régulièrement publié le 2 mai suivant, le maire de Douvaine a délégué à son deuxième adjoint, M. C... A..., signataire de l'arrêté du 13 septembre 2023, ses compétences en matière d'urbanisme et sa signature pour toutes les pièces afférentes à cette matière. En outre, l'arrêté attaqué vise l'autorisation de travaux délivrée le 13 septembre 2023 par le maire au titre des établissements recevant du public. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté doit être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 752-21 du code de commerce :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 752-21 du code de commerce : " Un pétitionnaire dont le projet a été rejeté pour un motif de fond par la Commission nationale d'aménagement commercial ne peut déposer une nouvelle demande d'autorisation sur un même terrain, à moins d'avoir pris en compte les motivations de la décision ou de l'avis de la commission nationale. ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un projet soumis à permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale fait l'objet d'un avis défavorable de la CNAC pour un motif de fond, une nouvelle demande d'autorisation de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à raison d'un nouveau projet sur le même terrain ne peut être soumise, pour avis, à une CDAC que pour autant que le pétitionnaire justifie que sa demande comporte des modifications en lien avec la motivation de l'avis antérieur de la CNAC. Il en découle qu'il appartient à la CDAC saisie de ce nouveau projet de vérifier que cette condition préalable est satisfaite et, seulement dans l'hypothèse où elle l'est, de procéder au contrôle qui lui incombe du respect des autres exigences découlant du code de commerce, y compris, s'agissant des exigences de fond, de celles dont il avait été antérieurement estimé qu'elles avaient été méconnues ou dont il n'avait pas été fait mention dans l'avis de la CNAC.

5. Il ressort des pièces du dossier que le projet précédemment présenté par la société Arilanne a fait l'objet d'un avis défavorable de la CNAC le 9 juillet 2020, motifs pris de ce que le projet aurait été quasi exclusivement desservi par la voiture, qu'il n'aurait pas été compatible avec les orientations du schéma de cohérence territoriale (ScoT) du Chablais et qu'il aurait conduit à augmenter l'imperméabilisation des sols et au mitage du territoire compte tenu de l'édification du magasin, de plain-pied, sur deux terrains adjacents.

6. Il ressort des pièces du dossier que le site du projet est desservi par plusieurs lignes de bus et qu'en raison de la construction de plusieurs établissements publics à proximité du lieu d'implantation du supermarché, une nouvelle gare routière sera créée, permettant de développer la desserte par bus. De plus, le document d'aménagement artisanal et commercial (DAAC) du ScoT du Chablais qualifie la zone d'activité de Douvaine dans laquelle le supermarché sera implanté de " localisation de périphérie de niveau 2 ", destinée aux achats occasionnels. Il précise également que dans la friche Rencast, qui constitue une partie du terrain d'assiette du projet, peuvent s'implanter des commerces hebdomadaires et occasionnels, ainsi que des commerces d'une surface de vente supérieure à 500 m², dans la limite des plafonds de surface indicatifs précisés par le DAAC. Enfin, la société Arilanne a modifié son projet pour construire un seul bâtiment à trois niveaux et limiter ainsi la consommation de l'espace. Le projet prévoit aussi une limitation très significative de l'imperméabilisation des sols, avec notamment l'aménagement de places de stationnement semi-perméables, sur un sol qui est d'ores et déjà partiellement imperméabilisé pour être utilisé comme aire de stationnement. Il s'ensuit que les ajustements et précisions qui ont été apportés par la société Arilanne à sa demande étaient en lien avec les motifs ayant fondé l'avis défavorable de la CNAC du 9 juillet 2020, ce qui suffisait à la rendre recevable. Par suite, le moyen tiré de ce que la demande présentée à la Commission n'était pas recevable doit être écarté.

En ce qui concerne la procédure suivie devant la CNAC :

7. Aux termes de l'article R. 752-34 du code de commerce : " (...) / Quinze jours au moins avant la réunion de la commission nationale, les parties, et le membre de la commission départementale désigné en application des dispositions du quatrième alinéa de l'article R. 752-16 sont convoqués à la réunion (...). ". Aux termes de l'article R. 752-35 du même code : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. ".

8. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'attestation de convocation issue du dossier de la CNAC, que les membres de cette commission ont été destinataires simultanément, le 11 juillet 2023, par l'application www.e-convocations.com, d'une convocation en vue de la séance de la Commission du 27 juillet 2023, au cours de laquelle celle-ci a examiné le projet de la société Arilanne, soit dans le délai prévu par l'article R. 752-34 du code de commerce. Cette convocation était assortie de l'ordre du jour de cette séance et précisait que les documents visés à l'article R. 752-35 de ce code seraient disponibles au moins cinq jours avant la tenue de la séance, sur la plateforme de téléchargement. Une attestation de partage de documents avec les membres de la Commission a également été versée à l'instance. Les pièces produites sont suffisantes pour établir que les membres de la CNAC ont été mis en mesure d'accéder par ces moyens aux documents en cause, dans le délai de cinq jours prévu par l'article R. 752-35 du code de commerce. Le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation de la CNAC doit, dès lors, être écarté.

En ce qui concerne l'avis des ministres intéressés :

9. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 752-36 du code de commerce : " (...). Le commissaire du Gouvernement présente et communique à la commission nationale les avis des ministres chargés de l'urbanisme et du commerce. (...). ".

10. L'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement prévoit que : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions (...), peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / (...) / 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs, les chefs des services à compétence nationale mentionnés au deuxième alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997 susvisé (...). ".

11. Il ressort des pièces du dossier que, d'une part, l'avis émis le 13 juillet 2023 au nom du ministre chargé du commerce a été transmis par un courrier signé par Mme B... F..., en sa qualité de sous-directrice du commerce, de l'artisanat et de la restauration à l'administration centrale du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, poste auquel elle avait été nommée, à compter du 7 novembre 2022, par arrêté de la Première ministre et du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique du 4 novembre 2022 publié au Journal officiel de la République française du 6 novembre 2022. D'autre part, l'avis du ministre chargé de l'urbanisme du 25 juillet 2023 a été transmis par M. D... E..., sous-directeur de la qualité du cadre de vie au sein de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages de la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature relevant de la direction générale des entreprises à l'administration centrale du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, qui avait reçu délégation pour ce faire en raison de sa nomination en cette qualité par arrêté du 16 février 2023 publié le 18 février 2023 au Journal officiel de la République française. Il s'ensuit que ces personnes avaient qualité pour signer respectivement, au nom du ministre chargé de l'urbanisme et de celui du ministre chargé du commerce, les avis destinés au commissaire du Gouvernement auprès de la CNAC au titre de l'article R. 752-36 du code de commerce. Il s'ensuit que moyen tiré de l'incompétence des signataires de ces avis doit être écarté.

En ce qui concerne la délimitation de la zone de chalandise :

12. Aux termes de l'article L. 752-3 du code de commerce : " I. - Sont regardés comme faisant partie d'un même ensemble commercial, qu'ils soient ou non situés dans des bâtiments distincts et qu'une même personne en soit ou non le propriétaire ou l'exploitant, les magasins qui sont réunis sur un même site et qui : / 1° Soit ont été conçus dans le cadre d'une même opération d'aménagement foncier, que celle-ci soit réalisée en une ou en plusieurs tranches ; / 2° Soit bénéficient d'aménagements conçus pour permettre à une même clientèle l'accès des divers établissements ; / 3° Soit font l'objet d'une gestion commune de certains éléments de leur exploitation, notamment par la création de services collectifs ou l'utilisation habituelle de pratiques et de publicités commerciales communes ; / 4° Soit sont réunis par une structure juridique commune, contrôlée directement ou indirectement par au moins un associé, exerçant sur elle une influence au sens de l'article L. 233-16 ou ayant un dirigeant de droit ou de fait commun. / (...). ". Aux termes de l'article R. 752-3 du même code : " Pour l'application du présent titre, constitue la zone de chalandise d'un équipement faisant l'objet d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale l'aire géographique au sein de laquelle cet équipement exerce une attraction sur la clientèle. Elle est délimitée en tenant compte notamment de la nature et de la taille de l'équipement envisagé, des temps de déplacement nécessaires pour y accéder, de la présence d'éventuelles barrières géographiques ou psychologiques et de la localisation et du pouvoir d'attraction des équipements commerciaux existants. ".

13. Il ressort des pièces du dossier que la société Arilanne a délimité une zone de chalandise regroupant les communes situées à quinze minutes de déplacement théorique en voiture, au regard notamment des déclarations faites par les clients en caisse de son établissement actuel, soit une quinzaine de communes dont celle de Douvaine, tout en tenant compte des pôles commerciaux existant à proximité et de leur zone de chalandise. Cette étude n'a pas spécifiquement porté sur l'attractivité pour le commerce de sa situation dans une zone d'activités regroupant des commerces variés et notamment la présence de l'autre côté de la voie publique d'un magasin de bricolage à l'enseigne " Briconautes ". Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les deux commerces auraient été conçus initialement dans le cadre d'une même opération d'aménagement foncier, quand bien même ils se situent dans une zone d'activité commerciale. De plus, compte tenu de la configuration des lieux, de l'absence d'aménagements conçus pour permettre à la même clientèle d'accéder aux différents commerces et de liens juridiques entre le supermarché et le magasin de bricolage qui ne permettent pas de caractériser l'existence d'un ensemble commercial, la zone de chalandise a pu sans erreur être délimitée au vu de la clientèle du supermarché existant. En tout état de cause, s'agissant de la reconstruction avec agrandissement modéré d'un supermarché existant, il ne ressort pas de l'étude produite que la zone de chalandise aurait été sous-estimée. Par suite, le moyen tiré de ce que la CNAC se serait méprise sur la délimitation de la zone de chalandise doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 752-6 du code de commerce :

14. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / (...) / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; / (...) ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / (...) ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / (...) / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / (...). ".

15. Il résulte des dispositions précitées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

S'agissant de l'aménagement du territoire :

16. En premier lieu, le supermarché projeté sera situé en périphérie de la commune de Douvaine, dans une zone d'activité existante. Le site d'implantation est desservi par deux lignes de bus, avec notamment arrêt à la demande, dans l'attente de la création à proximité d'une gare routière, et la clientèle peut s'y rendre à pied ou à vélo.

17. En second lieu, s'agissant des incidences du projet sur l'animation de la vie urbaine, le projet, qui remplace un supermarché existant depuis une vingtaine d'années, répondra aux besoins de la population qui a connu une augmentation de plus de 21 % depuis 2012 et qui devrait à nouveau augmenter de 14 % d'ici 2030 dans la zone de chalandise, tout en ayant une incidence limitée sur l'équilibre commercial de cette zone, dès lors que le taux de vacance commerciale de la commune de Douvaine est de 6,5 % et nul dans les communes limitrophes. La société Loidis ne peut utilement soutenir que la densité d'équipement commercial actuelle de la zone de chalandise serait suffisante, dès lors qu'il n'appartient pas à la CNAC de prendre en compte un tel critère.

S'agissant du développement durable :

18. En premier lieu, si la société Loidis fait état de la présence d'une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique et d'une zone " Natura 2000 " dans les environs du projet, ces zones sont distantes de plus de 500 mètres du terrain d'assiette du projet et ce dernier, comme il a été dit, ne concerne pas une création mais une reconstruction dans un environnement particulièrement anthropisé.

19. En deuxième lieu, si le projet impliquera la suppression d'une haie et la coupe de dix arbres, un total de quatre-vingt-dix arbres seront plantés, ainsi que des haies arbustives et herbacées et les espaces verts représenteront 18 % du terrain d'assiette du projet.

20. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier des photographies produites, que le terrain d'assiette du projet est d'ores et déjà recouvert d'un revêtement largement imperméable utilisé comme aire de stationnement. De plus, les plans produits au dossier font apparaître qu'une partie encore non artificialisée du terrain d'assiette, située le long de l'avenue de Voiron, sera conservée en l'état et même étendue le long de l'avenue. Enfin, la société Arilanne s'est engagée à conserver une surface perméable de 41,44 %, notamment sur l'aire de stationnement.

21. En quatrième lieu, la gare routière dont la construction est prévue à proximité du site du projet favorisera le développement de modes de déplacement plus économes en émission de dioxyde de carbone.

22. Enfin, alors qu'il n'appartient pas à la cour de se prononcer sur l'opportunité du projet de la société Arilanne, le projet de démolition puis de reconstruction se fera dans le cadre du label " chantier vert " qui garantit la réduction à la source de la production de déchets de chantier, la valorisation des déchets de construction et la limitation des nuisances pour le voisinage.

S'agissant de la protection des consommateurs :

23. Il ressort du plan de masse que des cheminements piétonniers protégés seront créés et qu'un garage à vélos sera situé immédiatement après l'entrée du parking principal, ces aménagements étant de nature à assurer la sécurité des déplacements des consommateurs.

24. Par ailleurs, le projet litigieux a pour objectif d'étendre et de moderniser un magasin existant pour permettre en particulier un plus grand confort de circulation des consommateurs dans l'établissement et offrir de nouveaux articles dans les rayons des arts de la table, de la décoration et du " bazar ", des produits issus de l'agriculture biologique et de filières locales, dans le cadre d'une extension limitée de la surface de vente. Ainsi, il n'aura pas pour conséquence d'éloigner les consommateurs du centre-ville ni de les conduire à multiplier les déplacements.

25. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le projet méconnaît les objectifs d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs doit être écarté.

26. Il résulte de tout ce qui précède que la société Loidis n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté qu'elle attaque. Sa requête doit être rejetée.

Sur les frais du litige :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Douvaine et la société Arilanne qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, versent à la société Loidis la somme qu'elle demande au titre de ces dispositions. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Loidis la somme de 2 000 euros chacune à verser au même titre à la société Arilanne et à la commune de Douvaine.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Loidis est rejetée.

Article 2 : La société Loidis versera à la société Arilanne et à la commune de Douvaine la somme de 2 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Loidis et Arilanne, à la commune de Douvaine et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la présidente de la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente de chambre,

Mme Vinet, présidente-assesseure,

Mme Soubié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 avril 2025.

La rapporteure,

A.-S. SoubiéLa présidente,

C. Michel

La greffière,

F. Bossoutrot

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, à la ministre chargée du logement et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY03560

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03560
Date de la décision : 03/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Réglementation des activités économiques. - Activités soumises à réglementation. - Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Anne-Sylvie SOUBIE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : CGCB ET ASSOCIES SCP D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-03;23ly03560 ?
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