Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2023 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2306572 du 18 janvier 2024, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 19 février 2024, M. B..., représenté par Me Coutaz, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 12 septembre 2023 du préfet de l'Isère ;
2°) d'enjoindre à titre principal au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour " entrepreneur " ou " vie privée et familiale " et subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans les deux jours de la notification de l'arrêt, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine, sur le fondement des articles L. 432-13 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la commission du titre de séjour ;
- en indiquant qu'il aurait dû de nouveau soumettre son dossier au service de la main d'œuvre étrangère pour évaluer la viabilité économique de son entreprise, alors que cette exigence n'est posée par la loi que pour la délivrance d'un premier titre de séjour, le préfet a commis une erreur de droit ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que son activité ne lui procurait pas des ressources suffisantes ;
- le refus de titre de séjour méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation sur ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La préfète de l'Isère, à laquelle la requête a été communiquée, n'a pas présenté d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant de République démocratique du Congo, né le 17 août 1987, déclare être entré en France le 11 février 2006 pour y solliciter l'asile. Il a obtenu un titre de séjour en qualité d'étranger malade de mai 2011 à octobre 2015, puis un titre de séjour " entrepreneur/profession libérale " du 21 janvier 2020 au 20 janvier 2021 sur le fondement des dispositions de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il a demandé le renouvellement. Par un arrêté du 14 novembre 2022, qui a été retiré le 13 mars 2023 en vue d'un réexamen, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Après réexamen de sa demande de titre de séjour, par un arrêté du 12 septembre 2023, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer le titre sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 18 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 421-5 du code de l'entre et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur/ profession libérale " d'une durée maximale d'un an ". L'article R. 421-9 du même code dispose : " Lorsque l'étranger présente un projet tendant à la création d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale, il sollicite, préalablement au dépôt de sa demande tendant à la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 421-5, un avis sur la viabilité économique du projet auprès du service en charge de la main d'œuvre étrangère compétent pour le département dans lequel il souhaite réaliser son projet. ". Aux termes de l'article R. 433-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui sollicite le renouvellement d'une carte de séjour temporaire présente à l'appui de sa demande les pièces prévues pour une première délivrance et justifiant qu'il continue de satisfaire aux conditions requises pour celle-ci ainsi, le cas échéant, que les pièces particulières requises à l'occasion du renouvellement du titre conformément à la liste fixée par arrêté annexé au présent code. " Selon l'annexe 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relative aux pièces à fournir à l'appui d'une demande de titre de séjour, en cas de demande de titre de séjour portant la mention " entrepreneur, profession libérale ", l'étranger doit fournir, dans tous les cas, l'avis rendu par la plateforme de main d'œuvre étrangère concernant la viabilité du projet d'activité ainsi qu'un justificatif d'immatriculation de l'entreprise ou d'affiliation au régime social des indépendants. L'annexe précise qu'en cas de renouvellement, l'étranger présente un titre de séjour en cours de validité, un justificatif d'immatriculation de l'entreprise ou d'affiliation au régime social des indépendants et, pour continuer l'activité créée, une copie du contrat de bail ou de domiciliation, un bordereau de situation fiscale de l'entreprise, une attestation d'assurance portant, selon la nature de l'activité, sur le local occupé, sur le véhicule ou sur tout autre bien nécessaire à l'activité, un avis d'imposition sur le revenu, si l'étranger a le statut de salarié, les fiches de salaire des trois derniers mois ou, en l'absence d'avis d'imposition, des douze derniers mois, ou, si l'étranger n'a pas le statut de salarié, un extrait du livre de compte établissant la rémunération versée au cours des trois derniers mois ou, en l'absence d'avis d'imposition, des douze derniers mois.
3. Dès lors que la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par M. B... ne portait pas sur la poursuite de son activité de carreleur, au titre de laquelle il avait obtenu son premier titre de séjour, mais une activité de nettoyage courant des bâtiments, le préfet a pu, sans commettre d'erreur de droit, refuser de renouveler son titre au motif qu'il n'avait pas sollicité l'avis de la plateforme de main d'œuvre étrangère concernant la viabilité du projet d'activité.
4. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. B... a tiré de cette activité un chiffre d'affaires de 3 740 euros au troisième trimestre de l'année 2021, 4 400 euros au deuxième trimestre 2022 et 6 000 euros au troisième trimestre 2022. Si l'administration n'a pas pris en compte les sommes que l'intéressé aurait perçues entre le dernier trimestre 2022 et la date du refus de titre de séjour, le requérant n'a produit aucun élément sur cette période malgré l'invitation faite en ce sens par l'administration. Au vu de l'ensemble de ces éléments, et alors que l'intéressé ne peut utilement faire valoir qu'il aurait été contraint de mettre fin à son activité de façon anticipée compte tenu du précédent refus de titre de séjour, il ne justifie pas d'une activité professionnelle viable susceptible de lui procurer des ressources suffisantes au moins équivalentes au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein au sens des dispositions précitées. Le préfet a donc pu, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rejeter sa demande de renouvellement de titre de séjour pour ce motif.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".
6. M. B..., qui déclare être entré en France à l'âge de dix-neuf ans, indique y résider de manière continue depuis dix-sept ans et se prévaut de ce qu'il a en France son logement et son entreprise, ainsi que des liens sociaux qu'il y a noués. Toutefois, si sa présence en France est avérée au cours des périodes pendant lesquelles il y a été autorisé à séjourner, notamment entre 2011 et 2015, puis à partir de 2020, il n'a produit que quelques documents le concernant en 2016, aucun élément sur sa résidence en France en 2017, puis à nouveau quelques documents pour 2018, de sorte qu'il ne peut être regardé comme ayant continuellement vécu en France pendant toute cette période. Par ailleurs, M. B..., célibataire et sans enfant, qui résidait chez sa mère, qui est décédée, ne fait, pas plus en appel que devant le tribunal, état d'attaches familiales en France, ni d'aucuns liens sociaux et amicaux. Enfin, son activité ne paraît pas, ainsi qu'il a été précédemment indiqué, viable. Dans ces circonstances, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dirigé tant à l'encontre du refus de titre de séjour que de l'obligation de quitte le territoire, doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet de l'Isère n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de ces décisions sur sa situation personnelle.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...); / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1. ". Aux termes de ce dernier article : " L 'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. ".
8. Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers remplissant effectivement les conditions posées aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions.
9. En l'espèce, M. B..., qui se prévaut de sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans, a sollicité un titre de séjour pour exercer une activité non salariée sur le fondement de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'a sollicité la délivrance d'un titre de séjour ni sur le fondement des articles visés au 1° de l'article L. 432-13 ni sur le fondement de l'article L. 435-1. Dans ces conditions, et alors au surplus qu'il ne résulte pas des pièces du dossier qu'il remplirait effectivement les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions et qu'il ne justifie pas de dix ans de présence en France, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 432-13 en ne saisissant pas la commission du titre de séjour de sa situation.
10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2025 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025.
La rapporteure,
A. Duguit-LarcherLe président,
V-M. Picard
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 24LY00444
lc