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16/04/2025 | FRANCE | N°23LY01810

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 16 avril 2025, 23LY01810


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La société Schindler a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le titre exécutoire n° 470 par lequel l'OPAC de la Savoie l'a constituée débitrice de 77 406,60 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.



Par jugement n° 2004328 du 28 mars 2023, le tribunal a fait droit à sa demande et mis à la charge de l'OPAC de la Savoie la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



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Procédure devant la cour



Par requête enregistrée le 26 mai 2023 et mémoires enregistrés le 29 janvi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Schindler a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le titre exécutoire n° 470 par lequel l'OPAC de la Savoie l'a constituée débitrice de 77 406,60 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.

Par jugement n° 2004328 du 28 mars 2023, le tribunal a fait droit à sa demande et mis à la charge de l'OPAC de la Savoie la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 26 mai 2023 et mémoires enregistrés le 29 janvier 2024 et le 10 février 2025, l'OPAC de la Savoie, représenté par la SCP Girard-Madoux et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de la société Schindler

3°) de mettre à la charge de la société Schindler la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le titre exécutoire mentionne suffisamment les bases de liquidation ;

- elle produit le bordereau de recettes signé ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'article L. 1617-1 du code général des collectivités territoriales ne saurait être opposé à sa fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de l'article 37 du CCAG fournitures courantes et services ;

- la société Schindler est responsable de ne pas avoir rempli l'obligation de résultat à laquelle elle était tenue ;

- elle justifie le montant demandé par la production de factures du nouveau titulaire du marché ;

- elle ne saurait arguer de la méconnaissance de l'article 2.2.7 du CCTP dès lors qu'un état des lieux contradictoire a eu lieu ;

- le règlement partiel du marché, si tant est qu'il ait eu lieu, est sans incidence sur le bien-fondé du titre exécutoire ;

- les pénalités appliquées sont justifiées ;

- elle est fondée à opérer une compensation ;

Par mémoire enregistré le 10 juillet 2023, la société Schindler, représenté par la société Asea, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'OPAC de la Savoie la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 11 février 2025, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 10 mars 2025.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de la commande publique ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... ;

- les conclusions de Mme E... ;

- et les observations de Me Buhaj pour la société Schindler.

Considérant ce qui suit :

1. L'OPAC de la Savoie a confié à la société Schindler le lot n° 3 du marché de maintenance d'ascenseurs de son parc immobilier compris dans le secteur de la Combe de Savoie, pour une période de cinq ans courant du 1er juillet 2014 au 30 juin 2019. A l'échéance du contrat, l'OPAC de la Savoie a estimé que les ultimes opérations d'entretien n'avaient pas été entièrement réalisées et, après avoir informé l'intéressée que le montant des travaux de remise en état s'élevait à 67 512 euros HT outre 3 143,40 euros de pénalités, lui a adressé un titre exécutoire daté du 26 mai 2020 d'un montant de 77 406,60 euros. L'OPAC de la Savoie interjette appel du jugement du 28 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ce titre exécutoire et déchargé la société Schindler du paiement de cette somme.

Sur le bien-fondé de la créance :

En ce qui concerne l'exception de forclusion :

2. Aux termes de l'article 37 du Cahier des Clauses Administratives Générales applicables aux marchés publics de Fournitures Courantes et Services (CCAG-FCS) issu de l'arrêté du 19 janvier 2009, applicable au litige : " Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire de réclamation exposant les motifs et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Ce mémoire doit être communiqué au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion ".

3. Il résulte de l'instruction que par courrier du 2 avril 2020, l'OPAC de la Savoie a réclamé le paiement des travaux d'entretien non réalisés à l'échéance du marché en litige, à hauteur de 67 512 euros, outre une pénalité de 3 143,40 euros pour défaut d'entretien. Ce courrier, qui fixe le montant de la créance dont se prévaut le pouvoir adjudicateur, a été contesté par courrier du 15 mai 2020, exprimant le refus du titulaire de payer ces sommes. Dans ces conditions, le différend a été élevé conformément aux stipulations citées au point 2, sans que l'OPAC de la Savoie soit fondé à soutenir que la réclamation ne lui aurait pas été notifiée dans le délai de forclusion de deux mois dès lors qu'aucun courrier échangé entre les parties, notamment ceux qu'il a adressés au prestataire, n'ont date certaine.

En ce qui concerne le montant de la créance mise en recouvrement :

4. D'une part, aux termes de l'article 2 .2.7 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) : " Deux mois avant l'issue du contrat, il sera procédé à un examen contradictoire des installations (...) / Si au cours de cet examen contradictoire, il devait s'avérer que le mauvais état ou mauvais fonctionnement de certains matériels soit lié à une insuffisance des prestations d'entretien dues par le titulaire, le paiement des dernières échéances serait suspendu jusqu'à la réalisation des opérations de remise en état indispensables ". L'article 5.1 de ce cahier dresse la liste des prestations de remplacement complet d'équipement non couvertes par la garantie prévue par le contrat.

5. D'autre part, il résulte des règles générales applicables aux contrats administratifs que l'acheteur public de fournitures qui a vainement mis en demeure son cocontractant d'exécuter les prestations qu'il s'est engagé à réaliser conformément aux stipulations du contrat dispose de la faculté de faire exécuter celles-ci, aux frais et risques de son cocontractant, par une entreprise tierce. La conclusion de marchés de substitution, destinée à surmonter l'inertie, les manquements ou la mauvaise foi du cocontractant lorsqu'ils entravent l'exécution d'un marché de fournitures, est possible même en l'absence de toute stipulation du contrat le prévoyant expressément, en raison de l'intérêt général qui s'attache à l'exécution des prestations. La mise en œuvre de cette mesure coercitive, qui peut porter sur une partie seulement des prestations objet du contrat et qui n'a pas

pour effet de rompre le lien contractuel entre le pouvoir adjudicateur et son cocontractant, ne saurait être subordonnée à une résiliation préalable du contrat par l'acheteur public.

6. En premier lieu, aux termes de l'article 28 du CCAG-FCS : " 28.1 Les prestations font l'objet d'une garantie minimale d'un an. Le point de départ du délai de garantie est la date de notification de la décision d'admission. / 28.2. Au titre de cette garantie, le titulaire s'oblige à remettre en état ou à remplacer à ses frais la partie de la prestation qui serait reconnue défectueuse, exception faite du cas où la défectuosité serait imputable au pouvoir adjudicateur. (...) / Si, à l'expiration du délai de garantie, le titulaire n'a pas procédé aux remises en état prescrites, ce délai est prolongé jusqu'à l'exécution complète des remises en état ". Il résulte des stipulations précitées que l'expiration du contrat ou le paiement de l'intégralité des prestations n'a pas pour effet de libérer le titulaire de son obligation d'exécuter, après mise en demeure, les prestations reconnues comme défectueuses, y compris lorsqu'elles ont fait l'objet d'une décision d'admission. Par suite, la société Schindler n'est pas fondée à soutenir que l'expiration du contrat et le paiement par l'OPAC de la Savoie de l'intégralité des prestations de maintenance ferait obstacle à ce qu'elle soit mise en demeure par son cocontractant d'exécuter les prestations qu'elle s'est engagée et, à défaut, de faire exécuter celles-ci, à ses frais et risques, par une entreprise tierce.

7. En deuxième lieu, si l'OPAC de la Savoie se prévaut de l'article 2.2.7 précité du CCTP, il résulte de l'instruction qu'il a intégralement payé les dernières échéances du contrat et ne peut donc être regardé comme ayant fait application de la sanction prévue par ces stipulations. En passant des bons de commande auprès de son nouveau prestataire pour remédier aux manquements qu'il avait relevés, il doit être regardé comme ayant fait application des principes généraux énoncés au point 5. Toutefois, alors que les états des lieux produits par l'OPAC de la Savoie sont, pour la majorité d'entre eux, signés seulement par un de ses représentants ou son délégataire et par le nouveau titulaire du marché et ne présentent donc pas de caractère contradictoire, la société Schindler soutient sans être contredite, d'une part, que les prestations réalisées par le nouveau prestataire pour remédier aux manquements relevés correspondent pour partie à un remplacement d'équipements non couverts par la garantie et, d'autre part, que les prestations facturées par l'entreprise tierce n'étaient pas nécessaires ou auraient pu être substituées par des prestations moins onéreuses. Ainsi, les bons de commande adressés au nouveau prestataire, produits pour la première fois en appel, ne permettent pas de justifier le montant de la créance alors au demeurant que leur montant total ne correspond pas à la somme mise en recouvrement. Toutefois, alors qu'il n'est pas contesté par la société Schindler que des prestations de remise en état étaient nécessaires à l'issue du marché, la créance de l'OPAC de la Savoie ne saurait être inférieure à 11 576 euros correspondant au montant dont elle avait admis être débitrice dans son courrier du 13 mars 2020.

8. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article 11 du cahier des clauses administratives particulières : " (...) Il pourra être appliqué une pénalité jusqu'à 15 % du prix annuel HT de l'appareil concerné, par anomalie constatée (...) ". Cet article dresse une liste non exhaustive des appareils susceptibles d'être concernés.

9. D'autre part, si aux termes du même article, en cas de contestation des pénalités, " il appartiendra à ce dernier de prouver que leurs conditions d'application ne sont pas remplies ", ces stipulations ne dispensent pas l'OPAC de la Savoie de donner à son cocontractant les précisions suffisantes permettant à ce dernier de les contester utilement, notamment sur les éléments de leur liquidation.

10. L'OPAC de la Savoie a infligé à la société Schindler une pénalité pour défaut d'entretien d'un montant de 3 143,40 euros, correspondant, pour 31 ascenseurs, à 15 % du prix annuel d'un appareil indéterminé. Faute d'apporter la moindre précision sur les types d'appareils et les défauts d'entretien concernés, il ne justifie pas du bien-fondé de son application. Il suit de là que l'OPAC de la Savoie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a prononcé la décharge de cette pénalité.

11. Enfin, les éventuelles compensations que l'OPAC de la Savoie serait susceptible de réaliser sur d'autres marchés que celui en litige, sont sans incidence sur le bien-fondé du titre exécutoire contesté en l'espèce.

12. Il résulte de ce qui précède que l'OPAC de la Savoie est seulement fondé, d'une part, à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal a prononcé la décharge totale de la créance mis en recouvrement et, d'autre part, à demander que la décharge de l'obligation de payer de la société Schindler soit limitée à 65 830,60 euros. Il y a lieu, en conséquence, pour la cour, saisie par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués en première instance par la société Schindler à l'appui de sa demande d'annulation du titre exécutoire litigieux, en ce qu'il met en recouvrement la somme dont elle n'est pas déchargée du paiement, soit 11 576 euros

Sur la régularité du titre exécutoire :

13. Aux termes du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors applicable : " Quelle que soit sa forme, une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable. L'envoi sous pli simple ou par voie électronique au redevable de cette ampliation à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître (...) à l'établissement public local ou au comptable public compétent vaut notification de ladite ampliation (...) / En application de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours. / Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation ".

14. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le titre de recettes individuel doit mentionner les nom, prénoms et qualité de l'auteur de cette décision, de même, par voie de conséquence, que l'ampliation adressée au redevable, et d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative de justifier en cas de contestation que le bordereau de titre de recettes comporte la signature de cet auteur.

15. Or, si l'avis des sommes à payer mentionne le nom de M. B... A..., directeur général de l'OPAC, le bordereau de titre de recettes produit, pour la première fois en appel est signé par une autre personne, M. F... C..., directeur financier et comptable. Au regard des éléments qu'il produits et qui ne permettent pas d'établir l'identité de l'auteur du titre exécutoire, l'OPAC de la Savoie n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé comme irrégulier le titre litigieux. Le surplus des conclusions de sa requête doit être rejeté.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OPAC de la Savoie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la société Schindler. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Schindler le paiement des frais exposés par l'OPAC de la Savoie en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La décharge de l'obligation de payer prononcée au bénéfice de la société Schindler par l'article 1er du jugement n° 2004328 du 28 mars 2023 du tribunal administratif de Grenoble est ramenée de 77 406,60 euros à 65 830,60 euros.

Article 2 : Le jugement est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'OPAC de la Savoie et à la société Schindler.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2025, à laquelle siégeaient :

M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,

Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,

M. Bertrand Savouré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 avril 2025.

Le rapporteur,

B. D...Le président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au préfet de la Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY01810


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01810
Date de la décision : 16/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-03-01-02-01 Marchés et contrats administratifs. - Exécution technique du contrat. - Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas. - Marchés. - Mauvaise exécution.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: Mme PSILAKIS
Avocat(s) : ASEA - CABINET ALDO SEVINO ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-16;23ly01810 ?
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