Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 15 mai 2019 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires d'Auvergne-Rhône-Alpes a ordonné la prolongation de son placement à l'isolement au sein du centre pénitentiaire de Valence, du 27 mai au 27 août 2019.
Par jugement n° 2000227 du 7 avril 2023, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 15 mai 2019.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 7 juin 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande ;
Il soutient que :
- la décision litigieuse n'a pas été prise en méconnaissance des droits de la défense ;
- elle a été précédée d'un avis écrit du médecin intervenant dans l'établissement.
La requête a été communiquée à M. B... qui n'a pas présenté d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evrard,
- et les conclusions de Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 15 mai 2019, le directeur interrégional des services pénitentiaires d'Auvergne-Rhône-Alpes a ordonné la prolongation du placement à l'isolement de M. B... du 27 mai au 27 août 2019. Le garde des sceaux, ministre de la justice, relève appel du jugement du 7 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision.
Sur les moyens retenus par les premiers juges :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 57-7-62 du code de procédure pénale alors en vigueur : " La mise à l'isolement d'une personne détenue, par mesure de protection ou de sécurité, qu'elle soit prise d'office ou sur la demande de la personne détenue, ne constitue pas une mesure disciplinaire ". Aux termes de l'article R. 57-7-64 du même code : " Lorsqu'une décision d'isolement d'office initial ou de prolongation est envisagée, la personne détenue est informée, par écrit, des motifs invoqués par l'administration, du déroulement de la procédure et du délai dont elle dispose pour préparer ses observations. Le délai dont elle dispose ne peut être inférieur à trois heures à partir du moment où elle est mise en mesure de consulter les éléments de la procédure, en présence de son avocat, si elle en fait la demande. (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été personnellement avisé par l'administration pénitentiaire, le 7 mai 2019 à 11h00, de ce qu'il était envisagé de prolonger son placement à l'isolement, au motif, notamment, qu'il avait proféré des insultes et menaces à l'encontre des agents du quartier disciplinaire. Cette lettre l'informait également qu'il avait la possibilité de présenter des observations écrites et orales, qu'il disposait d'un délai ne pouvant être inférieur à trois heures pour préparer ses observations à partir du moment où il aurait été mis en mesure de consulter les éléments de la procédure et qu'il avait la possibilité de se faire assister par un avocat. M. B... ayant indiqué qu'il souhaitait présenter des observations orales et être assisté par un avocat qu'il a désigné, l'administration l'a informé qu'une audience, au cours de laquelle il pourrait présenter ses observations, était prévue le 10 mai 2019 à 15h30. Si M. B... a refusé de signer cette lettre, aucun élément versé au dossier ne permet de remettre en cause l'exactitude des mentions, dont la teneur vient d'être rappelée, qui y sont portées. Enfin, il ressort des pièces du dossier que l'avocat choisi par M. B... pour l'assister dans la procédure a été rendu destinataire, le 7 mai 2019 à 11h38, d'une convocation l'informant de cette demande, ainsi que des faits pour lesquels la décision de prolongation de la mise à l'isolement était envisagée, et lui rappelant qu'il avait la possibilité de présenter des observations écrites avant le 10 mai 2019 à 9h00, de présenter des observations orales lors de l'audience prévue le 10 mai à 15h30 et de s'entretenir avec l'intéressé et de consulter son dossier à compter du 7 mai à 14h00. Contrairement à ce que l'intimé soutenait en première instance, les dispositions rappelées au point 3 n'imposent pas à l'administration de communiquer à son conseil l'entier dossier de la procédure, à défaut de demande de sa part. Il en résulte que ni le caractère contradictoire de la procédure, ni les droits de la défense n'ont, en l'espèce, été méconnus.
5. En second lieu, aux termes de l'alinéa 4 de l'article R. 57-7-64 du code procédure pénal alors en vigueur : " Le chef d'établissement, après avoir recueilli préalablement à sa proposition de prolongation l'avis écrit du médecin intervenant à l'établissement, transmet le dossier de la procédure accompagné de ses observations au directeur interrégional des services pénitentiaires (...) ". Aux termes de l'article R. 57-7-73 du même code : " Tant pour la décision initiale que pour les décisions ultérieures de prolongation, il est tenu compte de la personnalité de la personne détenue, de sa dangerosité ou de sa vulnérabilité particulière, et de son état de santé. L'avis écrit du médecin intervenant dans l'établissement est recueilli préalablement à toute proposition de renouvellement de la mesure au-delà de six mois et versé au dossier de la procédure ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'avis écrit du médecin intervenant dans l'établissement ne doit être sollicité qu'en cas de prolongation du placement à l'isolement au-delà d'une durée de six mois.
6. Il ressort des pièces du dossier, et, notamment, de la fiche de liaison de M. B... ainsi que des termes mêmes de la décision en litige, que cette décision est intervenue moins de six mois après la décision de placement à l'isolement, le 13 mars 2019. Dans ces conditions, le chef d'établissement n'était pas tenu de solliciter l'avis écrit du médecin intervenant à l'établissement. S'il a néanmoins consulté ce médecin, ce dernier a, le 10 mai 2019, émis l'avis selon lequel M. B... ne présentait aucune contre-indication médicale au placement en quartier d'isolement. Eu égard à la teneur de cet avis, d'une part, et à la circonstance que M. B... ne s'est pas présenté à l'audience qu'il avait sollicitée, d'autre part, l'omission de lui communiquer cet avis n'a pas eu d'influence sur le sens de la décision en litige.
7. Il résulte de ce qui précède que le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, est fondé à soutenir que la décision litigieuse n'a pas été prise en méconnaissance de l'article R. 57-7-64 du code de procédure pénale. Par suite, c'est à tort que le tribunal a retenu ce moyen comme fondé pour annuler cette décision.
8. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble.
Sur les autres moyens invoqués par M. B... contre la décision du 15 mai 2019 :
9. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., incarcéré en 2008 pour une durée de dix-huit années à la suite, notamment, de faits de violence réitérés, y compris avec l'usage d'une arme et à l'encontre de personnes dépositaires de l'autorité publique, s'est montré agressif et menaçant à l'encontre de membres du personnel pénitentiaire, l'un d'entre deux ayant notamment subi des blessures graves commises par l'intéressé à l'aide d'une arme artisanale. M. B... a adopté par ailleurs un comportement provocateur à l'égard de ses codétenus, rendant difficile la cohabitation avec ces derniers. Enfin, il ressort des pièces du dossier que ce comportement violent et menaçant a perduré en dépit de deux transferts dans de nouveaux centres pénitentiaires prononcés par mesure d'ordre et de sécurité et des changements de régime de détention au sein de ces établissements. Par suite, eu égard à la nature et à la gravité des faits qui sont à l'origine de la mesure de police prise, dont la matérialité est suffisamment établie par les rapports produits établis quotidiennement par les surveillants, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision prolongeant son placement à l'isolement, qui constitue l'unique moyen de garantir le bon ordre au sein de l'établissement et de prévenir tout risque de troubles en détention ordinaire, serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires d'Auvergne-Rhône-Alpes du 15 mai 2019 prolongeant le placement à l'isolement de M. B..., et que la demande de M. B... tendant à l'annulation de cette décision doit être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2000227 du tribunal administratif de Grenoble du 7 avril 2023 est annulé.
Article 2 : La demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires d'Auvergne-Rhône-Alpes du 15 mai 2019 prolongeant son placement à l'isolement est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 27 mars 2025 à laquelle siégeaient :
M. Arbaretaz, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
M. Savouré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 avril 2025.
La rapporteure,
A. Evrard
Le président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 23LY01927 2