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16/04/2025 | FRANCE | N°24LY00041

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 16 avril 2025, 24LY00041


Vu les procédures suivantes :



Procédures contentieuses antérieures



M. B... D... et Mme C... A... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Lyon, chacun pour ce qui le concerne, d'annuler les décisions du 20 octobre 2022 par lesquelles la préfète de l'Ain a refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.




Par jugement nos 2303281 ' 2303285 du 21 septembre 2023, le tribunal a rejeté ces...

Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures

M. B... D... et Mme C... A... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Lyon, chacun pour ce qui le concerne, d'annuler les décisions du 20 octobre 2022 par lesquelles la préfète de l'Ain a refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par jugement nos 2303281 ' 2303285 du 21 septembre 2023, le tribunal a rejeté ces demandes.

Procédures devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 janvier 2024, M. et Mme D..., représentés par Me Zouine, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et les décisions de la préfète de l'Ain du 20 octobre 2022 les concernant ;

2°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain de réexaminer leur situation et de leur délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours, après leur avoir remis une autorisation provisoire de séjour et de travail ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de 1 500 euros HT en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- les refus de séjour méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ils méconnaissent l'article L. 435-1 du même code ;

- ils sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les obligations de quitter le territoire français sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité des refus de séjour ;

- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les interdictions de retour sur le territoire français méconnaissent l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles sont entachées d'erreur d'appréciation.

Par mémoire enregistré le 2 août 2024, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

M. et Mme D... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Evrard ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 21 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes d'annulation des arrêtés de la préfète de l'Ain du 20 octobre 2022 refusant de leur délivrer le titre de séjour qu'ils avaient sollicité sur le fondement des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, leur faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination de ces mesures d'éloignement et leur faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger (...) qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an (...) / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D..., ressortissants kosovars nés, respectivement, le 5 juin 1967 et le 25 mai 1970, sont entrés en dernier lieu en France, après un premier séjour de 2013 à 2015, le 6 janvier 2017. Ils n'ont jamais été admis au séjour sur le territoire, à l'exception de la période durant laquelle la demande d'asile qu'ils avaient présentée a été examinée, et ont fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire le 29 juin 2018 qu'ils n'ont pas exécutée. Les promesses d'embauche qu'ils produisent ne permettent pas de démontrer l'existence d'une insertion professionnelle en France. Les requérants ne se prévalent, par ailleurs, d'aucun élément faisant obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue au Kosovo, pays dans lequel ils ont vécu jusqu'à l'âge de, respectivement, cinquante et quarante-six ans, et où ils conservent l'essentiel de leurs attaches privées et familiales. Par suite, les refus de séjour opposés à M. et Mme D... n'ont pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont été pris. Ils n'ont, ainsi, pas méconnu les dispositions et stipulations citées au point 2 et ne sont pas entachés d'erreur manifeste d'appréciation de leur situation personnelle.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale " (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D... se sont vu remettre des promesses d'embauche, le 7 juin 2022 et le 20 juin 2022, en qualité, respectivement, de façadier et d'employée polyvalente dans un supermarché. Toutefois, la préfète de l'Ain n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de l'absence de toute qualification ou expérience professionnelle pour les emplois visés, manifestement méconnu les dispositions précitées en refusant de les admettre exceptionnellement au séjour sur leur fondement.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ", tandis qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 612-7 du même code : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour ". Et aux termes de l'article L. 612-8 du même code : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que, dès lors qu'ils avaient déjà fait l'objet, le 29 juin 2018, d'une obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire qu'ils n'avaient pas exécutée et qu'ils se sont ainsi maintenus au-delà du délai de départ volontaire, M. et Mme D... entraient dans le champ de l'article L. 612-7 précité. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir qu'ils ne pouvaient faire l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français sur le fondement de l'article L. 612-8 précité, qui s'applique dans les cas où l'étranger ne se trouve pas dans la situation mentionnée à l'article L. 612-7 et que les décisions du 20 octobre 2022 par lesquelles la préfète de l'Ain leur a fait interdiction de retour sur le territoire français doivent être annulées.

8. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que les obligations de quitter le territoire français sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité des refus de séjour.

9. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... sont uniquement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 20 octobre 2022 par lesquelles la préfète de l'Ain leur a fait interdiction de retour sur le territoire français.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt annulant uniquement les décisions du 20 octobre 2022 par lesquelles la préfète de l'Ain a fait à M. et Mme D... interdiction de revenir sur le territoire français et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, leurs conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative par M. et Mme D....

DÉCIDE :

Article 1er : Les arrêtés de la préfète de l'Ain du 20 octobre 2022 sont annulés en tant qu'ils font interdiction de retour sur le territoire français à M. et Mme D... pour une durée d'un an.

Article 2 : Le jugement nos 2303281 ' 2303285 du tribunal administratif de Lyon du 21 septembre 2023 est annulé en tant qu'il rejette les demandes d'annulation de M. et Mme D... dirigées contre les interdictions de retour sur le territoire français adoptées à leur encontre par la préfète de l'Ain le 20 octobre 2022.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. et Mme D... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse D..., à M. B... D... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2025, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

M. Savouré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 avril 2025.

La rapporteure,

A. EvrardLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

No 24LY00041


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY00041
Date de la décision : 16/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme PSILAKIS
Avocat(s) : SCP COUDERC - ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-16;24ly00041 ?
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