Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 14 décembre 2023 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par jugement n° 2308428 du 14 février 2024, le magistrat désigné du tribunal a annulé ces décisions et enjoint au préfet de la Haute-Savoie de réexaminer la situation de M. A... dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 19 février 2024, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande.
Il soutient que :
- la Cour nationale du droit d'asile ayant rejeté la demande d'asile de M. A... par une décision lue le 7 décembre 2023, ce dernier ne bénéficiait plus du droit de se maintenir en France ;
- les moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas présenté d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Evrard, présidente assesseure ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant turc né le 1er octobre 2002, est entré en France le 25 décembre 2022 et a présenté une demande d'asile. Sa demande a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 16 août 2023, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le 7 décembre 2023. Par arrêté du 14 décembre 2023, le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé de quitter le territoire français dans un délai de trente jours sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Le préfet de la Haute-Savoie relève appel du jugement du 14 février 2024 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A... dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement après délivrance d'une autorisation provisoire de séjour.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié (...) a été définitivement refusé à l'étranger (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 541-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français ". Aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé (...), le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (...) ". Aux termes de l'article L. 532-53 du même code : " Les décisions de la Cour nationale du droit d'asile sont lues en audience publique. Leur sens est publié pour une durée de quinze jours sur le site internet de la Cour nationale du droit d'asile ".
4. Il ressort des pièces du dossier, et, notamment, des mentions du relevé Telemofpra produit par le préfet, que la CNDA a rejeté, par une décision du 7 décembre 2023, le recours formé par M. A... contre la décision de l'OFPRA du 16 août 2023 rejetant sa demande d'asile. Cette décision, qui a été rendue publiquement, est ainsi réputée être librement accessible au juge et aux parties, si bien qu'il ne saurait être fait grief au préfet de ne pas en avoir produit copie. Il résulte des mentions figurant sur cette décision, lesquelles font foi jusqu'à preuve du contraire, qu'elle a été lue en audience publique, le 7 décembre 2023. En vertu des dispositions citées au point 3, le droit de M. A... au maintien sur le territoire a pris fin à cette même date. Par suite, le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a retenu qu'il ne justifiait pas de la lecture en audience publique de la décision rendue par la CNDA pour annuler ses décisions du 14 décembre 2023.
5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble.
6. Les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination, qui comportent l'énoncé des circonstances de fait et de droit sur lesquelles elles se fondent, sont suffisamment motivées.
7. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture, à des peines, ni à des traitements inhumains et dégradants ". M. A... soutient qu'il a quitté son pays d'origine en raison de ses craintes de persécution découlant de son engagement politique. Toutefois, il ne produit à l'appui de ces affirmations aucune pièce de nature à établir la réalité et la gravité des menaces auxquelles il serait exposé dans son pays d'origine. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut ainsi qu'être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français serait illégale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
9. Il ne ressort ni des termes de la décision en litige, ni d'aucune pièce du dossier, que le préfet de la Haute-Savoie se serait estimé en situation de compétence liée pour prendre à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
10. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 14 décembre 2023 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement après délivrance d'une autorisation provisoire de séjour. La demande M. A... doit être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2308428 du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble du 14 février 2024 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2025 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président,
Mme Evrard, présidente assesseure,
M. Savouré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 avril 2025.
La rapporteure,
A. EvrardLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY00449