Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Eiffage route Centre-Est a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 22 juin 2022 par laquelle la directrice régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) Auvergne-Rhône-Alpes l'a condamnée à payer une amende de 1 000 000 euros et a assorti cette sanction d'une mesure de publication sur le site internet de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) durant douze mois, ainsi que les décisions implicites rejetant ses recours gracieux et hiérarchique formés le 25 juillet 2022.
Par un jugement n° 2208806 du 11 mars 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 mai 2024, la SAS Eiffage route Centre-Est, représentée par le cabinet Gide Loyrette Nouel agissant par Me Audran et Me Kerjouan, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2208806 du 11 mars 2024 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler la décision du 22 juin 2022 par laquelle la directrice régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) Auvergne-Rhône-Alpes l'a condamnée à payer une amende de 1 000 000 euros et a assorti cette sanction d'une mesure de publication sur le site internet de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) durant douze mois, ainsi que les décisions implicites rejetant ses recours gracieux et hiérarchique formés le 25 juillet 2022 ;
3°) d'adresser une question préjudicielle à la cour de justice de l'Union européenne (CJUE) sur l'interprétation de l'article 12, 3) de la directive 2011/7/UE et sur la compatibilité du droit français avec l'article 3, 3), b) de la même directive.
La société Eiffage route Centre-Est soutient que :
- les 9e et 11e alinéas de l'ancien article L. 441-6 du code de commerce, méconnaissent les objectifs définis par l'article 3, 3°, b) de la directive 2011/7 qui fait en principe partir les délais de paiement de la réception de la facture, en excédant la marge de transposition prévue par l'article 12, 3° de cette directive, ce qu'il convient de vérifier, en tant que de besoin, en adressant une question préjudicielle à la CJUE ;
- la décision n'est pas motivée ;
- la sanction méconnait les lignes directrices définies par la DGCCRF ;
- la sanction est disproportionnée ;
- la sanction n'est pas individualisée.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 août 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que :
- les moyens invoqués ne sont pas fondés, sans qu'il soit nécessaire d'adresser une question préjudicielle à la CJUE.
- elle se rapporte en tant que de besoin aux écritures en défense de première instance.
Par ordonnance du 27 août 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 28 octobre 2024 à 16h30.
Un mémoire complémentaire, présenté pour la société Eiffage route Centre-Est et enregistré le 25 octobre 2024, n'a pas été communiqué en l'absence d'éléments nouveaux.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la directive 2011/7/UE du 16 février 2011 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de commerce ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- les observations de Me Kerjouan, représentant la société Eiffage route Centre-Est,
- et les observations de M. A..., représentant le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 22 juin 2022, la directrice régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) d'Auvergne-Rhône-Alpes a infligé à la société Eiffage route Centre-Est, sur le fondement de l'article L. 441-16, a) du code de commerce, une sanction pécuniaire d'un montant total de 1 000 000 euros, correspondant pour 630 000 euros à la méconnaissance des dispositions de l'article L. 441-10, I du code de commerce et pour 370 000 euros à la méconnaissance des dispositions de l'article L. 441-11, II, 5° du même code. Elle a également décidé la sanction complémentaire de publication de la sanction, sur le fondement de l'article L. 470-2, V du même code. Par le jugement attaqué du 11 mars 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la société tendant à l'annulation de la sanction dont elle a fait l'objet.
Sur le cadre juridique :
2. La sanction, prononcée le 22 juin 2022, l'a été en raison de manquements commis durant l'année 2018.
3. D'une part, aux termes des neuvième et onzième alinéas du paragraphe I de l'article L. 441-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en 2018 : " Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser soixante jours à compter de la date d'émission de la facture. Par dérogation, un délai maximal de quarante-cinq jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture peut être convenu entre les parties, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu'il ne constitue pas un abus manifeste à l'égard du créancier. En cas de facture périodique, au sens du 3 du I de l'article 289 du code général des impôts, le délai convenu entre les parties ne peut dépasser quarante-cinq jours à compter de la date d'émission de la facture " et " Nonobstant les dispositions précédentes, pour le transport routier de marchandises, pour la location de véhicules avec ou sans conducteur, pour la commission de transport ainsi que pour les activités de transitaire, d'agent maritime et de fret aérien, de courtier de fret et de commissionnaire en douane, les délais de paiement convenus ne peuvent en aucun cas dépasser trente jours à compter de la date d'émission de la facture ". A la date de la sanction et du présent arrêt, ces dispositions ont été transférés, respectivement, aux articles L. 441-10, I, 2e, 3e et 4e alinéas et L. 441-11, II, 5° du même code.
4. D'autre part, aux termes du paragraphe VI de l'article L. 441-6 du code précité, dans sa rédaction applicable en 2018 : " Sont passibles d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et deux millions d'euros pour une personne morale le fait de ne pas respecter les délais de paiement mentionnés aux huitième, neuvième, onzième et dernier alinéas du I du présent article, le fait de ne pas indiquer dans les conditions de règlement les mentions figurant à la première phrase du douzième alinéa du même I, le fait de fixer un taux ou des conditions d'exigibilité des pénalités de retard selon des modalités non conformes à ce même alinéa ainsi que le fait de ne pas respecter les modalités de computation des délais de paiement convenues entre les parties conformément au neuvième alinéa dudit I. L'amende est prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 470-2. Le montant de l'amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive (...) ". A la date de la sanction et du présent arrêt, ces dispositions ont été transférées à l'article L. 441-16 du même code, qui prévoit que : " Est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et deux millions d'euros pour une personne morale, le fait de : / a) Ne pas respecter les délais de paiement prévus au I de l'article L. 441-10, au II de l'article L. 441-11, à l'article L. 441-12 et à l'article L. 441-13 (...) / Le maximum de l'amende encourue est porté à 150 000 € pour une personne physique et quatre millions d'euros pour une personne morale en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive ".
5. Enfin, aux termes du paragraphe V de l'article L. 470-2 du même code, dans sa rédaction applicable en 2018, qui concerne la sanction complémentaire de publication : " V. - La décision prononcée par l'autorité administrative peut être publiée aux frais de la personne sanctionnée. La décision est toujours publiée lorsqu'elle est prononcée en application du VI de l'article L. 441-6 ou du dernier alinéa de l'article L. 443-1. Toutefois, l'administration doit préalablement avoir informé la personne sanctionnée, lors de la procédure contradictoire fixée au IV, de la nature et des modalités de la publicité envisagée ". A la date de la sanction et du présent arrêt, le même paragraphe du même article prévoit que : " V.-La décision prononcée par l'autorité administrative peut être publiée sur le site internet de cette autorité administrative et, aux frais de la personne sanctionnée, sur d'autres supports. / La décision prononcée par l'autorité administrative en application de l'article L. 441-16 est publiée sur le site internet de cette autorité administrative et, aux frais de la personne sanctionnée, sur un support habilité à recevoir des annonces légales que cette dernière aura choisi dans le département où elle est domiciliée. La décision peut en outre être publiée, à ses frais, sur d'autres supports. / L'autorité administrative doit préalablement avoir informé la personne sanctionnée, lors de la procédure contradictoire fixée au IV du présent article, de la nature et des modalités de publicité de sa décision (...) ".
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la conformité du code de commerce au droit de l'Union :
6. D'une part, aux termes de l'article 1er de la directive susvisée du 16 février 2011 : " 1. Le but de la présente directive est la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, afin d'assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, en améliorant ainsi la compétitivité des entreprises et en particulier des PME (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette directive, qui concerne les règles applicables aux transactions entre entreprises : " 1. Les États membres veillent à ce que, dans les transactions commerciales entre entreprises, le créancier soit en droit de réclamer des intérêts pour retard de paiement sans qu'un rappel soit nécessaire quand les conditions suivantes sont remplies : / a) le créancier a rempli ses obligations contractuelles et légales ; et / b) le créancier n'a pas reçu le montant dû à l'échéance, sauf si le débiteur n'est pas responsable du retard. / (...) / 3. Lorsque les conditions spécifiées au paragraphe 1 sont remplies, les États membres veillent à ce que : / a) le créditeur ait droit à des intérêts pour retard de paiement le jour suivant la date de paiement ou la fin du délai de paiement fixé dans le contrat ; / b) lorsque la date ou le délai de paiement n'est pas fixé dans le contrat, le créditeur ait droit à des intérêts pour retard de paiement dès l'expiration de l'un des délais suivants : / i) trente jours civils après la date de réception, par le débiteur, de la facture ou d'une demande de paiement équivalente ; / ii) lorsque la date de réception de la facture ou d'une demande de paiement équivalente est incertaine, trente jours civils après la date de réception des marchandises ou de prestation des services ; / iii) lorsque le débiteur reçoit la facture ou la demande de paiement équivalente avant les marchandises ou les services, trente jours civils après la date de réception des marchandises ou de prestation des services ; / iv) lorsqu'une procédure d'acceptation ou de vérification, permettant de certifier la conformité des marchandises ou des services avec le contrat, est prévue par la loi ou dans le contrat, et si le débiteur reçoit la facture ou la demande de paiement équivalente plus tôt ou à la date de l'acceptation ou de la vérification, trente jours civils après cette date (...) ". Aux termes de l'article 4 de la même directive : " La présente directive ne préjuge pas de la faculté, pour les parties, de convenir entre elles, sous réserve des dispositions pertinentes applicables du droit national, d'un échéancier fixant les montants à payer par tranches (...) ".
7. D'autre part, aux termes du paragraphe 3 de l'article 12 de la directive citée au point précédent, qui concerne les modalités de sa transposition : " 3. Les États membres peuvent maintenir ou adopter des dispositions plus favorables au créancier que celles nécessaires pour se conformer à la présente directive ".
8. Il résulte clairement de l'ensemble des dispositions précitées que la directive du 16 février 2011 vise à définir des règles minimales de délai de paiement afin d'assurer la protection des créanciers, et en particulier des petites et moyennes entreprises, contre les pratiques abusives qui ont été constatées en la matière, sans préjudice de la possibilité pour les Etats membres d'en assurer la transposition en prévoyant un degré de protection supérieur des créanciers. Il en résulte également que la directive n'impose pas de façon impérative la prise en compte du seul critère de la réception de la facture pour déterminer le point de départ des délais de paiement, mais retient plusieurs modalités.
9. En premier lieu, la société requérante soutient que les dispositions du code de commerce citées au point 3, qui font partir le délai de paiement de la date d'émission de la facture, méconnaitraient dans cette mesure les objectifs définis par les dispositions citées aux points 6 et 7 de la directive du 16 février 2011, qui imposeraient de façon inconditionnelle que le délai ne puisse partir que de la date de réception de la facture. Toutefois, la directive du 16 février 2011 n'impose pas, ainsi qu'il a été dit, que seule la date de réception de la facture puisse être prise en compte. Par ailleurs, le choix de transposition consistant à faire partir le délai de paiement de la date d'émission de la facture, soit légèrement avant sa date de réception et à une date connue de façon immédiate et certaine par l'émetteur de la facture, constitue un mécanisme dès lors plus favorable au créancier au sens des dispositions précitées du 3° de l'article 12 de la directive. Enfin, cette protection favorable n'est pas étrangère au mécanisme de définition des créances commerciales, qui donnent lieu en principe à facturation, et ne remet pas en cause l'économie générale des objectifs de protection définis par la directive au-delà de la marge de transposition expressément prévue au paragraphe 3 de l'article 12. En effet, une facture émise a vocation à être immédiatement adressée au débiteur, de telle sorte que le décalage entre émission et réception n'entraine normalement pas de conséquence significative au regard de la durée des délais de paiement prévus, qui ne sont pas inférieurs à trente jours et peuvent même atteindre quarante-cinq jours. L'article 289, I, 3° du code général des impôts prévoit d'ailleurs que " La facture est, en principe, émise dès la réalisation de la livraison ou de la prestation de services (...) " et l'article L. 441-9, I du code de commerce prévoit que : " (...) Le vendeur est tenu de délivrer la facture dès la réalisation de la livraison ou de la prestation de services au sens du 3 du I de l'article 289 du code général des impôts. L'acheteur est tenu de la réclamer ". Ainsi, aucune incertitude disproportionnée n'est créée au détriment du débiteur. Au demeurant, il appartient à l'administration, avant d'infliger une sanction, d'apprécier les circonstances et notamment de tenir compte de circonstances particulières qui atténueraient la gravité d'un dépassement du délai de paiement, telles qu'un abus du créancier dans l'envoi de la facture après son émission, à supposer que cette hypothèse théorique puisse être constatée. La société requérante n'est dès lors clairement pas fondée à soutenir que la sanction qui lui a été infligée reposerait sur une base légale qui méconnaitrait le droit de l'Union, sans qu'il soit utile d'adresser une question préjudicielle sur ce point à la cour de justice de l'Union européenne.
10. En second lieu, compte tenu de la marge de transposition laissée à chaque Etat membre par les dispositions précitées de l'article 12, 3°, de la directive du 16 février 2011, la société requérante ne peut utilement soutenir que tous les Etats membres n'ont pas nécessairement retenu dans le détail les mêmes modalités de transposition que la France.
11. Enfin, la circonstance que la Commission européenne aurait travaillé sur un projet de règlement européen qui pourrait retenir la date de réception de la facture est sans incidence utile, en l'absence d'adoption de ce texte.
En ce qui concerne les autres moyens :
12. En premier lieu, aux termes du paragraphe IV de l'article L. 470-2 du code de commerce, qui précise les règles applicables aux sanctions prévues par le livre IV, titre IV du code de commerce : " (...) l'autorité administrative peut, par décision motivée, prononcer l'amende ". En l'absence de dispositions spéciales dans le code de commerce, les modalités de la motivation sont définies par les dispositions générales de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, aux termes duquel : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
13. D'une part, la décision contestée, qui expose les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde et renvoie au surplus à l'ensemble des éléments précédemment indiqués à la société dans le cadre de la procédure contradictoire, est ainsi suffisamment motivée, sans que l'administration ait été tenue de préciser une formule de calcul du montant de la sanction pécuniaire, qui n'est pas prévue par la loi, les éléments indiqués tenant au nombre et à l'importance des manquements, ainsi qu'aux caractéristiques des relations entre la société et ses fournisseurs, suffisant en l'espèce à éclairer les motifs au vu desquels l'administration s'est décidée, tant sur le principe que sur le quantum de la sanction.
14. D'autre part, la société ne peut utilement invoquer, pour contester la motivation de la décision, des " lignes directrices " qui auraient été adoptées par la DGCCRF, qui ne sont en réalité que des mentions brèves purement indicatives dans le cadre d'une " foire aux questions " sur un site internet, qui ne sont pas destinées aux services administratifs mais à la seule information générale des usagers du site et qui ne présentent aucun caractère juridiquement contraignant pour l'autorité administrative.
15. En deuxième lieu, l'administration a procédé à un contrôle du respect par la société Eiffage route Centre-Est des délais légaux de paiement sur l'ensemble de l'année 2018. Elle a tout d'abord constaté, s'agissant des règles de paiement fixées par l'article L. 441-10, I du code de commerce, que 41,1 % des factures étaient payées avec retard, ce qui correspond à 24 976 transactions commerciales concernant 1 538 fournisseurs. Les montants facturés en cause correspondent à 35 128 847 euros et portent sur 27,7 % des montants dus. Le retard moyen pondéré constaté est de 31,82 jours, ce qui est très significatif au regard des délais de paiement définis par la loi. L'avantage de trésorerie dégagé, au détriment de l'ensemble des fournisseurs concernés, est évalué à 3 158 721 euros. Elle a ensuite constaté, s'agissant des règles de paiement fixées par l'article L. 441-11, II, 5° du code de commerce, que 72,9 % des factures étaient payées avec retard, ce qui est un taux particulièrement élevé, correspondant à 2 937 transactions commerciales concernant 198 fournisseurs. Les montants facturés en cause correspondent à 15 472 533 euros et portent sur 72,1 % des montants dus. Le retard moyen pondéré constaté est de 29,71 jours, ce qui est également très significatif au regard des délais de paiement définis par la loi. Enfin, l'administration a constaté que ces montants sont particulièrement significatifs, que les manquements sont nombreux et systématiques et qu'ils concernent un nombre très important de fournisseurs, pour un préjudice total de trésorerie qui leur est infligé qui est très conséquent, sans qu'aucune mesure de compensation n'ait été mise en place par la société Eiffage Centre-Est, qui ne verse pas les intérêts de retard dus de plein droit. L'amende d'un million d'euros infligée ne porte par ailleurs que sur une partie de l'avantage de trésorerie obtenu indûment. La circonstance que la société n'aurait pas fait l'objet antérieurement de sanctions de même ampleur est sans incidence eu égard à la gravité et au caractère systématique des manquements constatés, répétés sur toute la période qui a été contrôlée. Si la société allègue avoir engagé une politique d'amélioration de ses pratiques, d'une part, il n'apparait pas qu'elle aurait indemnisé ses fournisseurs des pertes de trésorerie qu'elle leur a systématiquement infligées et, d'autre part, elle ne peut ainsi s'exonérer d'une méconnaissance systématique de règles européennes et nationales anciennes et connues. Enfin, la société n'établit pas de " motif légitime de retard ", l'administration n'ayant au demeurant retenu que les dépassements de délais significatifs et la société ne pouvant se borner à invoquer des difficultés internes d'organisation comptable et la responsabilité non établie des fournisseurs. Au regard de l'ensemble de ces éléments, pertinemment retenus pas l'autorité administrative, le moyen tiré de ce que la sanction serait disproportionnée doit être écarté.
16. En troisième lieu, ainsi qu'il vient d'être exposé, la sanction a été déterminée après une analyse approfondie de la situation et des pratiques de la société Eiffage Centre-Est. Le moyen tiré de ce que la sanction n'aurait pas été individualisée doit ainsi être écarté comme manquant en fait.
17. Il résulte de tout ce qui précède que la société Eiffage route Centre-Est n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Eiffage route Centre-Est est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Eiffage route Centre-Est et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la directrice régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) Auvergne-Rhône-Alpes.
Délibéré après l'audience du 31 mars 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 avril 2025.
Le rapporteur,
H. Stillmunkes
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 24LY01332