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06/05/2025 | FRANCE | N°24LY01987

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 06 mai 2025, 24LY01987


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, d'annuler la décision du 25 août 2022 par laquelle le recteur de l'académie de Lyon a refusé de reconnaître imputable au service l'accident dont il déclare avoir été victime le 29 mars 2022 et, à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale.



Par un jugement n° 2208210 du 13 mai 2024, le tribunal a rejeté sa demande.





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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, d'annuler la décision du 25 août 2022 par laquelle le recteur de l'académie de Lyon a refusé de reconnaître imputable au service l'accident dont il déclare avoir été victime le 29 mars 2022 et, à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale.

Par un jugement n° 2208210 du 13 mai 2024, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 juillet 2024 et 7 mars 2025, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. A..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et, à titre principal, cette décision ainsi que, à titre subsidiaire, de désigner un expert médecin-psychiatre aux fins d'établir l'étendue de ses lésions en lien avec l'accident de service dont il a été victime ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- dans les suites immédiates de l'entretien du 29 mars 2022 avec sa cheffe d'établissement, au regard des graves accusations, non fondées, dont il faisait l'objet, il a présenté un état de sidération psychique et développé une symptomatologie post-traumatique médicalement constatée le 30 mars 2022 ; il ne présentait aucun antécédent de pathologie psychique et les médecins consultés ont rattaché son état à cet accident et aux accusations portées contre lui par une élève ; cet accident ayant eu lieu durant le service et à raison du service est à l'origine de lésions psychiques établies ; la présomption d'imputabilité au service au sens de l'article L. 822-18 du code général de la fonction publique doit être retenue ;

- la décision de refus vise de manière erronée la commission de réforme, laquelle a été supprimée ; c'est à tort que le conseil médical a retenu une succession de faits pathogènes, au demeurant sans préciser lesquels, comme pouvant être à l'origine de sa pathologie ; un lien de causalité même partiel suffit à retenir la présomption, laquelle n'est pas exclusive ; quand bien même la réunion en cause, durant laquelle l'étendue de la calomnie lui a été révélée, n'est pas la cause unique de la pathologie, toutefois les lésions n'ont pas une cause qui y serait totalement étrangère ;

- il doit être fait application de l'article L. 822-18 du code général de la fonction publique issu de l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017, et non de l'état du droit applicable au litige concerné tel qu'il résulte de la décision du Conseil d'État du 27 septembre 2021 ; il ne peut être imposé la preuve d'un comportement ou de propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, sans substituer à la condition d'imputabilité celle d'une faute commise par l'administration ; il n'avait pas à établir un lien causal entre les lésions et le service, la circonstance que le dommage est survenu aux temps et lieu du service étant suffisante pour faire présumer l'imputabilité, quelle qu'en soit la cause ; il ne peut être exigé que la cause des lésions trouve sa source dans un fait extérieur ; le raisonnement adopté sur ces points par les premiers juges, s'il trouvait à s'appliquer, instaurerait une situation inéquitable entre les agents titulaires et les agents contractuels, auxquels s'applique la législation sur les accidents du travail ;

- à titre subsidiaire, un expert médecin psychiatre pourra être désigné aux fins d'établir le lien entre l'accident de service et les lésions psychiques qu'il présente.

Par un mémoire enregistré le 14 janvier 2025, le recteur de l'académie de Lyon conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- aucun accident de service n'est survenu en l'espèce ; la réunion du 29 mars 2022 ne peut être regardée comme constitutive d'un tel accident, alors qu'il ne s'est agi que d'un temps d'information à l'intéressé de la dénonciation calomnieuse d'une élève ; la cheffe d'établissement a d'ailleurs adopté un comportement neutre et a cherché à comprendre la situation ; elle a cherché à enrayer la situation et a incité M. A... à présenter une demande de protection fonctionnelle ; le signalement auprès du procureur de la République indiquait des accusations graves et mensongères à l'égard d'un professeur ; l'intéressé a bénéficié de soutien et de conseils ;

- l'ampleur de la révélation des faits de calomnie doit aussi être relativisée dès lors que M. A... avait eu connaissance de l'accusation par l'élève dès le 25 mars 2022 ;

- ni le certificat médical de prise en charge délivré par la cheffe d'établissement ni la circonstance que M. A... a bénéficié de la protection fonctionnelle ne sont de nature à faire considérer qu'un accident de service serait survenu.

Par une ordonnance du 14 janvier 2025, l'instruction a été close au 17 mars 2025.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boffy, première conseillère ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Giraud, substituant Me A..., pour M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., professeur certifié de mathématiques, était affecté au sein du collège Alice Guy de Lyon. A la suite d'un incident survenu le 25 mars 2022 avec une élève lors d'un intercours, M. A... a été informé, le jour-même, que la jeune fille l'avait accusé d'" attouchements ", l'un de ses collègues enseignants, témoin direct de cette altercation, ayant toutefois démenti ces accusations auprès de la principale du collège. M. A... a été reçu à sa demande par la principale de l'établissement dans la matinée du 29 mars 2022. Il a été informé, au cours de cet entretien qui s'est tenu en présence d'un autre membre de la direction du collège et d'un représentant syndical, de ce que la jeune fille s'était rendue auprès des services de la vie scolaire le 25 mars 2022 à la suite des faits et l'avait accusé d'attouchements, de ce que les parents de l'intéressée avaient annoncé vouloir déposer une plainte à son encontre, de ce que la direction de l'établissement avait signalé les " graves " accusations de cette élève auprès des services du rectorat de l'académie de Lyon puis avait saisi le procureur de la République sur conseil des services rectoraux et, enfin, de ce que de fausses rumeurs circulaient à son égard au sein du collège. Après avoir été placé en arrêt de travail, le lendemain de cet entretien, du 30 mars au 15 avril 2022 inclus, M. A... a complété, le 31 mars 2022, un formulaire de " déclaration d'accident de service ". Il a joint à ce formulaire un " certificat médical " d'" accident du travail " " initial " établi le 30 mars 2022 et mentionnant un " syndrome anxiodépressif (qui) serait secondaire à une réunion avec sa direction " le 29 mars 2022. Puis, le 2 avril suivant, il a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle auprès des services du rectorat de l'académie de Lyon, avant de déposer une plainte à l'encontre de cette élève auprès des services du commissariat des 7ème et 8ème arrondissements de Lyon le 5 avril 2022 pour des faits de " dénonciation calomnieuse ". Dans le prolongement d'une réunion du conseil de discipline qui s'est tenue le 7 avril suivant, la jeune fille a été définitivement exclue du collège, et M. A... a obtenu, le 14 avril 2022, le bénéfice de la protection fonctionnelle à raison des accusations proférées à son encontre. A la suite des conclusions d'une expertise médicale réalisée le 12 mai 2022 et de l'avis défavorable émis le 21 juillet suivant par le conseil médical départemental du Rhône siégeant en formation plénière, le recteur de l'académie de Lyon, par une décision du 25 août 2022, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie. M. A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler cette décision. Par un jugement du 13 mai 2024 dont il relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article L. 822-18 du code général de la fonction publique : " Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. ". Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions précitées, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.

3. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

4. Pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont M. A... a déclaré avoir été victime le 29 mars 2022, le recteur de l'académie de Lyon s'est fondé sur le motif tiré de " l'absence de lien direct et certain entre la pathologie et les faits ". Toutefois, devant la cour, l'administration fait valoir que l'entretien en cause n'avait pas le caractère d'un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service.

5. Sur ce point, contrairement à ce que soutient le requérant, la seule circonstance qu'un agent présente une pathologie psychique dans les suites immédiates d'un entretien sur les lieux et temps de travail ne suffit pas pour considérer qu'un tel entretien serait à l'origine pour lui d'un accident en l'absence d'événement anormal qui se serait produit et aurait causé une lésion. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'entretien du 29 mars 2022 aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique de la part de la principale de cet établissement ou du membre de la direction qui y a pris part. En effet, et alors que les propos tenus par la principale au cours de cet entretien d'une durée d'une heure et quart ont été présentés comme " calmes et mesurés ", il apparaît, d'après le compte-rendu établi par le représentant syndical qui a accompagné M. A..., que la direction s'est bornée à informer l'intéressé des suites de l'incident du 25 mars 2022 et à lui rappeler qu'elle avait entendu suivre les préconisations des services du rectorat de l'académie de Lyon en matière d'ordre de recueil des témoignages des parties prenantes, raison pour laquelle il avait été entendu en dernier, tout en lui faisant part de ses inquiétudes concernant sa situation personnelle et en lui conseillant de solliciter le bénéfice de la protection fonctionnelle. A cet égard, le conseil médical départemental du Rhône, statuant en formation plénière, le 21 juillet 2022, a estimé qu'il n'existait " pas de fait accident identifié " et que la dégradation de l'état de santé de M. A... résultait d'une " succession de faits pathogènes ". Si, par ailleurs, la principale du collège a établi, le 31 mars 2022, un " certificat de prise en charge " mentionnant que M. A... " a(vait) été victime d'un accident de service le (...) (30 mars 2022) ", il ressort expressément des termes de ce document remis " à titre provisoire " qu'il ne " lie pas l'administration qui statuera sur l'imputabilité au service de l'accident ". De même, si M. A... a obtenu le bénéfice de la protection fonctionnelle le 14 avril 2022 à raison d'une accusation mensongère rattachée à l'exercice de ses fonctions, une telle circonstance ne saurait davantage suffire à faire regarder l'entretien du 29 mars 2022 comme un accident de service. Dans ces conditions, et même en retenant qu'il a eu lieu dans le temps et le lieu du service, l'entretien en litige ne s'analyse pas comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service. Dès lors que l'administration, sans priver le requérant d'une garantie procédurale, aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce dernier motif, il y a lieu d'accueillir sa demande de substitution de motif et d'écarter le moyen tiré de ce que les lésions présentées par M. A... seraient imputables un tel accident.

6. Par suite, et alors que l'erreur de plume entachant les visas de la décision contestée du 25 août 2022 est sans incidence sur l'appréciation portée par l'autorité administrative, le recteur de l'académie de Lyon a pu, sans méconnaître l'article L. 822-18 du code général de la fonction publique, prendre la décision contestée.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Sans qu'il soit besoin de diligenter une expertise avant-dire droit, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Lyon.

Délibéré après l'audience du 17 avril 2025 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Boffy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.

La rapporteure,

I. Boffy

Le président,

V-M. PicardLa greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY01987

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY01987
Date de la décision : 06/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10-01 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties. - Garanties et avantages divers. - Protection en cas d'accident de service.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Irène BOFFY
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : FD AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-06;24ly01987 ?
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