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06/05/2025 | FRANCE | N°25LY00071

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 06 mai 2025, 25LY00071


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 14 janvier 2025, le département de l'Allier, représenté par Me Saban, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2024 par lequel la préfète de l'Allier a autorisé la société CPENR de Bransat et Laféline à exploiter un parc éolien de quatre aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Bransat ;



2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


r> Il soutient que :

- sa requête est recevable comme introduite dans les délais de recours et dès ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 14 janvier 2025, le département de l'Allier, représenté par Me Saban, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2024 par lequel la préfète de l'Allier a autorisé la société CPENR de Bransat et Laféline à exploiter un parc éolien de quatre aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Bransat ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable comme introduite dans les délais de recours et dès lors que son intérêt à agir est constitué ;

- le dossier de demande d'autorisation est incomplet, en l'absence de justificatif de la maîtrise foncière du terrain, en méconnaissance du 3° de l'article R. 181-13 du code de l'environnement ;

- il manque l'avis du propriétaire sur la remise en état du site, en méconnaissance du 11° de l'article D. 181-15-2 1 du même code ; ce document ne pouvait constituer un pli confidentiel et il ne figure pas au dossier soumis aux services instructeurs ; l'avis du maire sur la remise en état du site date du 1er juin 2016 et ne peut valoir pour un projet déposé le 21 décembre 2022 ;

- en méconnaissance de la conformité au règlement national d'urbanisme, aucune indication quant à la possibilité d'accéder et d'emprunter les voiries existantes n'est fournie ni concernant le raccordement électrique de l'installation ;

- les conditions d'information du public ont été insuffisantes lors de l'enquête publique, à défaut de réunion publique ;

- le projet ne s'inscrit pas dans l'objectif de maîtrise du développement des parcs éoliens du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) ; il est incompatible avec le schéma d'aménagement et de gestion de l'eau (SAGE) de la Sioule ;

- une dérogation espèces protégées devait être demandée en application des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement, au regard des espèces protégées recensées dans l'emprise du projet, citées par l'étude d'impact, sans que la liste soit exhaustive, soit une espèce protégée d'insecte, une espèce protégée d'amphibien à fort enjeu de conservation et trois autres protégées, huit espèces protégées de reptiles, le Hérisson d'Europe, l'Ecureuil Roux, la Loutre d'Europe, le Chat Forestier, le Lapin de Garenne ; une espèce protégée de papillon, une espèce protégée de coléoptère, et la présence de nombreuses espèces d'oiseaux, dont des rapaces ; les mesures d'évitement et de compensation ne sont prévues que durant la phase chantier et ne sont pas de long terme ; les chiroptères et notamment la Pipistrelle de Nathusius verront leur lieu de vie très affecté ; les mesures de bridages sont insuffisantes et les pales continueront de tourner à un rythme élevé ;

- l'étude d'impact est insuffisante au plan acoustique, dès lors que l'étude repose sur les données recueillies en 2017-2018 lors du dépôt du premier dossier, sans réévaluation, et que le référentiel sur lequel elle repose a été annulé ; en l'absence d'étude acoustique valable, le dossier devait être rejeté et l'autorisation est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les garanties financières sont insuffisantes ; les montants présentés sont différents selon les documents présents au dossier ; il n'est pas établi que ces montants couvriront les coûts de démantèlement ; l'énonciation des capacités financières est particulièrement vague ; l'organisme financier devant se porter garantie n'est pas désigné ; l'éligibilité du pétitionnaire à une quelconque garantie n'est pas établie faute d'une attestation d'organisme de financement ; la garantie est vague et nullement étayée ;

- le projet porte atteinte aux intérêts visés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement en méconnaissance de l'article L. 181-3 de ce code, quant aux atteintes au voisinage au plan acoustique, quant à la protection de l'environnement au regard des atteintes à l'avifaune et particulièrement aux rapaces en période de migration ainsi que des atteintes aux chiroptères, les enjeux étant forts sur la quasi-totalité des zones d'implantation du projet et les mesures de bridage n'étant pas suffisantes ; quant à l'atteinte aux sites et paysages, au regard de la présence de cent monuments historiques dans un rayon de 20 kilomètres et de cinq monuments dans l'aire de protection immédiate, ainsi que de la présence de la réserve naturelle du Val d'Allier, du vignoble de Saint-Pourçain, de la table d'orientation de Naves, de la table d'orientation de Bellenaves, du belvédère des Côtes Matras, du belvédère de Charroux, de la table d'orientation d'Ussel-d'Allier ainsi que du site patrimonial de Verneuil en Bourbonnais ; l'implantation en plaine rendra le parc particulièrement visible, au sein d'un paysage préservé de plaine bocagère.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code du tourisme ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Le département de l'Allier ayant été régulièrement averti du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boffy, première conseillère ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Cohendy, pour le département de l'Allier ;

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 7 novembre 2024, la préfète de l'Allier a délivré à la société CPENR de Bransat et Laféline une autorisation pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien comportant quatre aérogénérateurs d'une hauteur de 200 mètres en bout de pales pour une puissance unitaire maximale de 5,6MW, et deux postes de livraison. Le département de l'Allier demande l'annulation de cet arrêté.

2. D'abord, en application de l'article R. 181-50 du code de l'environnement, les autorisations environnementales peuvent être déférées à la juridiction administrative " par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 ". L'article L. 511-1 du même code, auquel renvoie l'article L. 181-3, vise les dangers et inconvénients " soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ". Au sens de ces dispositions, une personne morale de droit public ne peut se voir reconnaître la qualité de tiers recevable à contester devant le juge administratif une autorisation environnementale que dans les cas où les inconvénients ou les dangers pour les intérêts visés à l'article L. 181-3 sont de nature à affecter par eux-mêmes sa situation, les intérêts dont elle a la charge et les compétences que la loi lui attribue.

3. Ensuite, aux termes de l'article L. 1111-4 du code des collectivités territoriales : " La répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l'État s'effectue, dans la mesure du possible, en distinguant celles qui sont mises à la charge de l'État et celles qui sont dévolues aux communes, aux départements ou aux régions de telle sorte que chaque domaine de compétences ainsi que les ressources correspondantes soient affectés en totalité soit à l'État, soit aux communes, soit aux départements, soit aux régions. /Les compétences en matière de promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes, de culture, de sport, de tourisme, de promotion des langues régionales et d'éducation populaire sont partagées entre les communes, les départements, les régions et les collectivités à statut particulier. (...) /Les communes, les départements et les régions financent par priorité les projets relevant des domaines de compétences qui leur ont été dévolus par la loi. (...). ". Aux termes de l'article L. 3211-1 de ce code : " Le conseil départemental règle par ses délibérations les affaires du département dans les domaines de compétences que la loi lui attribue. / Il est compétent pour mettre en œuvre toute aide ou action relative à la prévention ou à la prise en charge des situations de fragilité, au développement social, à l'accueil des jeunes enfants et à l'autonomie des personnes. Il est également compétent pour faciliter l'accès aux droits et aux services des publics dont il a la charge. / Il a compétence pour promouvoir les solidarités, la cohésion territoriale et l'accès aux soins de proximité sur le territoire départemental, dans le respect de l'intégrité, de l'autonomie et des attributions des régions et des communes ".

4. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 113-8 du code de l'urbanisme : " Le département est compétent pour élaborer et mettre en œuvre une politique de protection, de gestion et d'ouverture au public des espaces naturels sensibles, boisés ou non, destinée à préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et des champs naturels d'expansion des crues et d'assurer la sauvegarde des habitats naturels ".

5. Enfin, aux termes de l'article L. 111-1 du code du tourisme : " L'État, les régions, les départements et les communes sont compétents dans le domaine du tourisme et exercent ces compétences en coopération et de façon coordonnée. ". Aux termes de l'article L. 132-1 de ce code : " Dans chaque département, le conseil départemental établit, en tant que de besoin, un schéma d'aménagement touristique départemental. Ce schéma prend en compte les orientations définies par le schéma régional de développement du tourisme et des loisirs. (...) ". Selon son article L. 132-2 : " Le comité départemental du tourisme, créé à l'initiative du conseil départemental, prépare et met en œuvre la politique touristique du département. ". Et aux termes de l'article L. 132-4 du même code : " Le conseil départemental confie tout ou partie de la mise en oeuvre de la politique du tourisme du département au comité départemental du tourisme qui contribue notamment à assurer l'élaboration, la promotion et la commercialisation de produits touristiques, en collaboration avec les professionnels, les organismes et toute structure locale intéressés à l'échelon départemental et intercommunal. ".

6. En premier lieu, la promotion des solidarités et de la cohésion territoriale ne figure pas au nombre des intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement. La compétence du département dans ce domaine, dont rien ne permet de dire qu'elle serait directement affectée par le projet en cause, ne saurait suffire à lui conférer, par elle-même, un intérêt direct à l'annulation de l'arrêté contesté.

7. En deuxième lieu, le département de l'Allier ne justifie, de manière générale, d'aucune compétence propre en matière de protection de l'environnement, des paysages, d'aménagement du territoire ou de lutte contre l'effet de serre par la maîtrise et l'utilisation rationnelle de l'énergie. Et si l'article L. 113-8 précité du code de l'urbanisme lui confère une compétence spécifique en matière d'espaces naturels sensibles, il n'apporte aucune précision sur ce point et, en particulier, sur l'existence d'un risque que le projet, même indirectement, pourrait entraîner pour un tel espace.

8. En troisième lieu, le département se prévaut de la compétence qu'il tient des articles ci-dessus du code du tourisme pour élaborer et mettre en œuvre une politique touristique sur son territoire, de l'élaboration dans ce cadre de son schéma départemental touristique et loisirs, et des aides qu'il attribue aux communes et aux particuliers afin de promouvoir le développement du tourisme, soit l'aide à l'investissement agritouristique, l'aide à l'aménagement de gites et de chambres d'hôtes, l'aide aux monuments historiques privés, l'aide pour travaux sur le patrimoine rural non protégé privé. Cependant, et compte tenu en particulier de son ampleur limitée au regard du territoire départemental, le département ne justifie pas de ce que le parc éolien litigieux comporterait pour les intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement des risques qui seraient précisément susceptibles d'entraver son activité touristique. A cet égard, si l'aire d'étude immédiate définie autour du site d'implantation est entourée de chemins ruraux classés au plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée du Bourbonnais et que l'un de ces chemins traverse le site d'implantation du projet, une telle circonstance ne traduit pas, par elle-même, un tel risque. Par ailleurs, et plus généralement, il n'apparaît pas que l'installation en litige, compte tenu notamment de son implantation ou de ses caractéristiques, serait d'une nature ou d'une importance telle qu'elle pourrait affecter l'image du département de l'Allier.

9. En quatrième lieu, le département soutient exercer des compétences en matière de mise en valeur du patrimoine, notamment par le biais du tourisme culturel qui est le premier pôle de développement de sa politique touristique. Il se prévaut à cet effet de sa participation à la réalisation et à l'actualisation de l'atlas des paysages de l'Allier pour une protection optimale des paysages. Il met ainsi en avant la présence de cent trois monuments historiques répertoriés dans l'aire d'étude globale, dont soixante-douze dans l'aire d'étude éloignée (vingt-sept classés ou partiellement classés, quarante-cinq inscrits ou partiellement inscrits), vingt-six dans l'aire d'étude rapprochée et cinq dans l'aire d'étude immédiate, et relève que le projet est " proche " de la commune de Billy qui comporte une forteresse médiévale ouverte au public et touristique, et se trouve à " grande proximité " du site patrimonial remarquable du village de Verneuil en Bourbonnais. Il se fonde également sur le rôle joué par le tourisme pour le patrimoine viticole, rappelant que la commune de Bransat, où est envisagé le projet contesté, se situe dans l'AOC de Saint Pourçain sur Sioule. Cependant, il ne justifie pas spécialement être responsable de l'un des monuments ou sites mentionnés ci-dessus ni en quoi le parc éolien serait réellement susceptible de compromettre leur conservation ou leur mise en valeur et que ses actions en faveur du tourisme culturel se trouveraient, même indirectement, particulièrement affectées.

10. En dernier lieu, la seule qualité de propriétaire des routes départementales RD2009 et RD1, alors que le projet serait visible depuis celles-ci, ne saurait suffire, en l'absence d'atteinte justifiée à l'un des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 ci-dessus, et notamment la sécurité publique du fait d'un altération des conditions de circulation sur ces voies, pour conférer au département de l'Allier un intérêt à agir.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le département de l'Allier, qui est dépourvu d'un intérêt à contester l'arrêté du 7 novembre 2024 de la préfète de l'Allier, n'est pas recevable à en demander l'annulation et que sa requête doit donc, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du département de l'Allier est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au département de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 17 avril 2025 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Boffy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.

La rapporteure,

I. BoffyLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 25LY00071

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 25LY00071
Date de la décision : 06/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

29-035 Energie.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Irène BOFFY
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : JEANTET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-06;25ly00071 ?
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