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15/05/2025 | FRANCE | N°24LY00488

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 15 mai 2025, 24LY00488


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 3 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à compter de la date de sa réclamation préalable, en réparation de son préjudice d'impréparation et de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomia

les (ONIAM) à lui verser la somme de 96 453,91 euros, assortie des intérêts au taux légal et de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 3 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts à compter de la date de sa réclamation préalable, en réparation de son préjudice d'impréparation et de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 96 453,91 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts à compter de la date de sa réclamation préalable, en réparation des préjudices consécutifs à l'intervention qu'il a subie le 10 octobre 2017.

Par un jugement n° 2002002 du 22 décembre 2023, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à verser à M. A... une somme de 2 500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2020 et capitalisation à chaque échéance annuelle, a mis les frais d'expertise à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, ainsi qu'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 février 2024 et 30 décembre 2024, M. B... A..., représenté par Me Golfier-Métais, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 2002002 du 22 décembre 2023 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions dirigées contre le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et en tant qu'il a écarté la mise en œuvre de la solidarité nationale ;

2°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de son préjudice d'impréparation et l'ONIAM à lui verser une somme globale de 96 453,91 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices subis suite à l'intervention chirurgicale du 10 octobre 2017 ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner, avant dire droit, une expertise complémentaire ;

4°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de l'ONIAM, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 4 000 euros au titre de la présente instance et une somme de 2 000 euros au titre de la première instance et des procédures de référés, ainsi que les frais d'expertise.

Il soutient que :

- le centre hospitalier a manqué à son obligation d'information ;

- les séquelles qu'il a présentées suite à l'intervention pratiquée le 10 octobre 2021 résultent d'un accident médical dont la réparation incombe à l'ONIAM sur le fondement du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;

- il est fondé à solliciter, au titre de la solidarité nationale, l'indemnisation :

- de son déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 3 686,40 euros ;

- des souffrances endurées à hauteur de 4 000 euros ;

- de son déficit fonctionnel permanent à hauteur de 15 000 euros ;

- de son préjudice d'agrément à hauteur de 3 000 euros ;

- des frais d'assistance par une tierce personne à hauteur de 5 516 euros ;

- des frais restés à sa charge à hauteur de 3 407 euros ;

- de ses pertes de gains professionnels à hauteur de 21 297,34 euros ;

- de son préjudice d'incidence professionnelle à hauteur de 5 000 euros ;

- par ailleurs, le centre hospitalier doit être condamné à l'indemniser de son préjudice d'impréparation à hauteur de 3 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2024, l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par la SELARLU RRM agissant par Me Roquelle-Meyer, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le dommage subi par M. A... ne peut être considéré comme étant plus grave que celui auquel pouvait conduire l'évolution de sa pathologie en l'absence d'intervention, ni être considéré comme anormal au regard de la fréquence du risque qui s'est réalisé ;

- par suite, les conditions pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas remplies.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 février 2024, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Clermont-Ferrand, représenté par le cabinet Le Prado et Gilbert, conclut au rejet des conclusions de la requête dirigées à son encontre et s'en remet à la sagesse du tribunal s'agissant du surplus des conclusions.

Il soutient que :

- si M. A... n'a pas été informé du risque d'atteinte de la racine motrice de C5, il a toutefois été informé des risques neurologiques déficitaires au niveau des bras et des jambes liés à la laminectomie ;

- il a ainsi été informé des risques les plus graves et, eu égard à son taux de déficit fonctionnel permanent, la somme de 2 500 euros qui lui a été allouée au titre de son préjudice d'impréparation ne saurait être majorée.

La procédure a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme qui n'a pas produit.

Par une ordonnance du 23 janvier 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2025 à 16h30.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 15 juillet 1982, a subi une laminectomie cervicale étendue de C3 à C7 qui a été pratiquée au centre hospitalier universitaire (CHU) de Clermont-Ferrand le 10 octobre 2017. Dans les suites post-opératoires, il a présenté un déficit moteur du muscle deltoïde droit. A la demande de M. A..., une expertise médicale a été ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand le 18 septembre 2018. L'état de santé de M. A... n'étant pas consolidé à la remise du premier rapport le 10 décembre 2018, la juge des référés du tribunal administratif a ordonné une nouvelle expertise par une ordonnance du 16 janvier 2020. Le second rapport a été déposé 23 juin 2020 au greffe du tribunal administratif de Clermont-Ferrand. Par un courrier du 7 octobre 2020, le CHU de Clermont-Ferrand a rejeté la réclamation préalable présentée par M. A... le 28 juillet 2020. L'ONIAM n'a pas répondu à la réclamation préalable qui lui a été adressée le même jour. Par un jugement du 22 décembre 2023, dont M. A... interjette appel, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le CHU de Clermont-Ferrand à verser à M. A... une somme de 2 500 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2020 et capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle, a mis les frais d'expertise à la charge du CHU de Clermont-Ferrand ainsi qu'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand :

2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I- Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " I. - Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) ".

3. D'une part, lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation. Il appartient à l'hôpital d'établir que l'intéressé a été informé des risques de l'acte médical. En application des dispositions précitées, doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence. La faute commise par les praticiens d'un hôpital au regard de leur devoir d'information du patient n'entraîne pour ce dernier que la perte d'une chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé. La réparation du dommage résultant de cette perte doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudice qui tient compte du rapprochement entre, d'une part, les risques inhérents à l'acte médical et, d'autre part, les risques encourus en cas de renoncement à cet acte. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, compte tenu de ce qu'était l'état de santé du patient et son évolution prévisible en l'absence de réalisation de l'acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées ainsi que de tous autres éléments de nature à révéler le choix qu'il aurait fait, qu'informé de la nature et de l'importance de ce risque, il aurait consenti à l'acte en question.

4. D'autre part, indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus lors d'une intervention ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a pu subir du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité, notamment en prenant certaines dispositions personnelles. L'existence d'un tel préjudice ne se déduit pas de la seule circonstance que le droit du patient d'être informé des risques de l'intervention a été méconnu et il appartient à la victime d'en établir la réalité et l'ampleur. Cependant, la souffrance morale endurée lorsque le patient découvre, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée.

5. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que, à la suite d'un traumatisme cervical survenu au cours d'un match de football en novembre 2014 et ayant entrainé une tétraparésie temporaire, M. A... a réalisé, le 18 novembre 2014, une IRM cervicale qui a mis en évidence un " canal cervical constitutionnellement étroit et rétréci de C4 à C7, laminant le cordon médullaire, particulièrement en C4/C5 (...) ". Se plaignant de paresthésies temporaires au niveau des mains il a été reçu en consultation par un neurochirurgien du CHU de Clermont-Ferrand qui a préconisé une intervention chirurgicale de décompression médullaire. Cette intervention a été pratiquée au CHU de Clermont-Ferrand le 10 octobre 2017. Il en résulte également que, dans les suites de cette intervention, M. A... a présenté un déficit moteur du muscle deltoïde droit résultant d'une atteinte de la racine motrice de C5. L'expert mentionne que l'indication opératoire était nécessaire, que l'intervention a été pratiquée conformément aux données acquises de la science et que les soins ont été attentifs et diligents. Il conclut que le dommage subi par M. A... est " une conséquence anormale de l'acte chirurgical. ".

6. Il ressort par ailleurs de l'expertise, et n'est pas contesté par les parties, que M. A... a été informé le 22 juillet 2017 des risques neurologiques déficitaires au niveau des bras et des jambes liés à ce type d'intervention. En revanche, il est constant que l'information ainsi délivrée au patient ne contenait aucune information spécifique quant au risque d'atteinte de la racine motrice de C5 et des séquelles qui pouvaient en résulter.

7. Si l'expert indique dans son rapport du 10 décembre 2018 que le taux de survenance de la complication dont M. A... a été victime est rare et de relative bénignité et qu'il précise, dans son rapport du 19 juin 2020, que ce taux peut être évalué à moins de 1 %, il mentionne cependant un article faisant état d'une méta-analyse de la littérature médicale et relevant qu'une atteinte de la racine motrice de C5 est observée en moyenne dans 7,8 % des cas lors du type d'intervention telle que celle subie par M. A.... Il se borne, pour retenir le taux de 1 % précité, à indiquer que la moyenne de 7,8 % lui parait surévaluée dès lors que seules 28 publications sur 718 incluaient cette complication dans les critères étudiés et qu'il ne l'avait lui-même que très rarement rencontrée. Cependant, il résulte de l'instruction, et notamment de l'analyse médicale critique réalisée par deux médecins de l'ONIAM le 30 novembre 2020, documentée par des articles de littérature médicale et soumise au débat contradictoire dans le cadre de la première instance, qu'un déficit ou une paralysie de la racine C5 est une complication courante de la chirurgie décompressive de type laminectomie avec une prévalence globale comprise entre 6 % et 9,5 %. Ces taux sont compatibles avec le taux moyen mentionné par la littérature médicale citée par l'expert et le taux de 1 % retenu par ce dernier n'est corroboré par aucun autre élément du dossier. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir que le taux de survenance se situe entre 6 % et 9,5 % et présente ainsi une fréquence significative. Par suite, le risque d'atteinte de la racine motrice de C5 et les séquelles qui en résultent devaient être portés à la connaissance de M. A... préalablement à l'intervention chirurgicale dont il a fait l'objet en application des principes exposés au point 3 du présent arrêt.

8. Il résulte de ce qui précède que le CHU de Clermont-Ferrand doit être regardé comme ayant commis un manquement à son obligation d'information de nature à engager sa responsabilité en application de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique.

9. Au regard de ce manquement, M. A..., qui ne se prévaut d'aucune perte de chance d'éviter l'intervention et qui, en tout état de cause ne pouvait s'y soustraire compte tenu de la sévérité des lésions, du risque évolutif tel que décrit par l'expert et de son âge, a subi un préjudice du fait de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de se préparer psychologiquement à la réalisation du risque auquel il était exposé et qui s'est réalisé, ayant pour conséquence un déficit moteur du muscle deltoïde droit. Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand n'a pas fait une inexacte appréciation de ce chef de préjudice en allouant à M. A... la somme de 2 500 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2020, date de réception de la réclamation préalable de M. A... par le CHU de Clermont-Ferrand, et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 30 juillet 2021 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, montant que le CHU de Clermont-Ferrand ne conteste pas.

Sur l'engagement de la solidarité nationale :

10. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité (...) d'un établissement (...) mentionné au I (...) n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. ". Aux termes de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142 1 est fixé à 24 %. /(...). "

11. En l'espèce, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'atteinte de la racine motrice de C5 au cours de l'intervention pratiquée le 10 octobre 2017 est constitutive d'un accident médical lui-même à l'origine du déficit moteur du muscle deltoïde droit dont souffre M. A.... Compte tenu de ce qui a été dit précédemment quant à l'absence de faute du CHU de Clermont-Ferrand dans la prise en charge de l'intéressé, le dommage qu'il a subi est entièrement imputable à un accident médical non fautif.

12. Il résulte des dispositions citées au point 10 que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation de dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage.

13. En l'espèce, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que M. A... souffrait d'un canal cervical constitutionnellement étroit et rétréci de C4 à C7, laminant le cordon médullaire, particulièrement en C4/C5 et qu'il souffrait de ce fait de paresthésies temporaires au niveau des mains. L'expert indique, dans son rapport du 10 décembre 2018, que " l'indication opératoire était nécessaire en raison de la sévérité des lésions en tenant compte de l'âge du patient avec pour risque évolutif, l'installation à moyen ou long terme d'une myélopathie cervicale et surtout un risque de décompensation aigüe à l'occasion d'un traumatisme cervical indirect même mineur " et qu'en l'absence de traitement chirurgical M. A... était exposé à une aggravation lente et progressive avec un tableau dit de " myélopathie cervicale " et, en cas de traumatisme cervical même minime, à une décompensation aigüe et brutale, dont une guérison complète ne peut intervenir, même en présence d'une prise en charge chirurgicale réalisée en urgence. Au regard de ces éléments, les conséquences de l'intervention chirurgicale du 10 octobre 2017 ne sauraient être regardées comme notablement plus graves que celles auxquelles M. A... était exposé en l'absence de traitement.

14. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 7 du présent arrêt, le risque d'atteinte de la racine motrice de C5 est une complication de la chirurgie décompressive de type laminectomie avec une prévalence globale comprise entre 6 % et 9,5 %. Par suite, la survenance du dommage qui s'est réalisé en l'espèce ne peut être regardée comme présentant une probabilité faible.

15. Il résulte de ce qui précède que le dommage subi par M. A... dans les suites de l'accident médical survenu lors de l'intervention du 10 octobre 2017 ne présente pas un caractère de gravité permettant une indemnisation au titre de la solidarité nationale.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 22 décembre 2023, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a limité à 2 500 euros le montant de l'indemnisation mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand au titre de son préjudice d'impréparation et rejeté ses conclusions tendant à la mise en œuvre de la solidarité nationale.

Sur les frais liés au litige :

17. Dans les circonstances de l'espèce, les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme totale de 1 800 euros par une ordonnance du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 21 janvier 2019 et par une ordonnance du président de ce tribunal en date du 24 juin 2020, doivent rester à la charge définitive du CHU de Clermont-Ferrand.

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le paiement de la somme demandée par M. A.... Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du CHU de Clermont-Ferrand les sommes demandées par le requérant en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme totale de 1 800 euros, doivent rester à la charge définitive du CHU de Clermont-Ferrand.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme et la mutuelle " Génération ".

Délibéré après l'audience du 14 avril 2025, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025.

La rapporteure,

E. Vergnaud

Le président,

F. Pourny

La greffière,

B. Berger

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY00488


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY00488
Date de la décision : 15/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-02-03 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation. - Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier. - Absence de faute. - Information et consentement du malade.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Edwige VERGNAUD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : JASPER AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-15;24ly00488 ?
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