Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D..., représentée par Mme A... D... et M. B... D... en leur qualité de représentants légaux, et par Me Le Gouvello de la Porte, a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler la délibération du jury de l'académie de Lyon refusant de l'admettre au brevet national des collèges au titre de la session 2022 ainsi que la décision du 25 août 2022 par laquelle le recteur de l'académie de Lyon a rejeté le recours gracieux formé contre cette délibération et d'autre part, d'enjoindre au recteur de l'académie de Lyon de l'admettre au brevet national des collèges ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 2207901 du 15 février 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 mars 2024, Mme C... D..., représentée par Mme A... D... et M. B... D..., en leur qualité de représentants légaux, et par Me Le Gouvello de la Porte, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2207901 du 15 février 2024 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler la délibération du jury de l'académie de Lyon refusant de l'admettre au brevet national des collèges au titre de la session 2022 ainsi que la décision du 25 août 2022 par laquelle le recteur de l'académie de Lyon a rejeté le recours gracieux formé contre cette délibération ;
3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Lyon, à titre principal, de l'admettre au brevet national des collèges ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen sa situation ;
4°) de condamner l'administration au versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les dispositions des articles D. 332-17 et D. 332-18 du code de l'éducation et de l'arrêté du 31 décembre 2015 relatif aux modalités d'attribution du diplôme national du brevet sont contraires au principe d'égalité de traitement entre les candidats dits " individuels " et les candidats dits " scolaires " ;
- ces mêmes dispositions portent atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant garanti par l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant et au respect de la vie privée de l'enfant garanti par les articles 16 de la même convention et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- ces dispositions sont en outre discriminatoires ;
- dès lors, et par la voie de l'exception, les décisions litigieuses sont entachées d'illégalité.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 février 2025, le recteur de la région académique Auvergne-Rhône-Alpes conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- au regard de la liberté pédagogique dont dispose les établissements d'enseignement privés hors contrat, les élèves de ces établissements ne sont pas dans la même situation que les élèves des établissements publics d'enseignement ou des établissement privés d'enseignement sous contrat qui doivent appliquer strictement et totalement les programmes scolaires fixés par le ministre de l'éducation nationale ;
- dès lors, les modalités différentes d'examen du brevet, qui sont justifiées, ne sont pas de nature à porter atteinte au principe d'égalité, ni à porter atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant ou au respect de sa vie privée.
Par une ordonnance du 7 mars 2025 la clôture de l'instruction a été fixée au 24 mars 2025 à 16h30.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'éducation ;
- l'arrêté du 31 décembre 2015 relatif aux modalités d'attribution du diplôme national du brevet, modifié ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Le Gouvello de la Porte, représentant Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Le jury de l'académie de Lyon a refusé d'admettre Mme C... D..., née le 26 novembre 2006 et alors élève en classe de troisième au collège Saints François et Jacinthe de Fatima à Lyon, au brevet national des collèges au titre de la session 2022. Par une décision du 25 août 2022 le recteur de la région académique Auvergne-Rhône-Alpes a rejeté le recours gracieux formé contre cette délibération. Par jugement du 15 février 2024, dont Mme D... interjette appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
2. Aux termes de l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation : " La scolarité obligatoire doit garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l'acquisition d'un socle commun de connaissances, de compétences et de culture, auquel contribue l'ensemble des enseignements dispensés au cours de la scolarité. Le socle doit permettre la poursuite d'études, la construction d'un avenir personnel et professionnel et préparer à l'exercice de la citoyenneté. Les éléments de ce socle commun et les modalités de son acquisition progressive sont fixés par décret, après avis du Conseil supérieur des programmes. / L'acquisition du socle commun par les élèves fait l'objet d'une évaluation, qui est prise en compte dans la poursuite de la scolarité. / (...) ".
3. Aux termes de l'article D. 332-17 du code de l'éducation :" Pour les candidats scolaires issus des classes de troisième des établissements d'enseignement publics ou des établissements d'enseignement privés ayant conclu un contrat avec l'Etat et pour les candidats ayant préparé le diplôme national du brevet par la voie de la formation professionnelle continue dans un établissement public, le diplôme est attribué sur la base de l'évaluation du niveau de maîtrise de chacune des composantes du premier domaine et de chacun des quatre autres domaines du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, conformément à l'article D. 122-3, ainsi que des notes obtenues à un examen. / Les modalités d'attribution du diplôme national du brevet sont précisées par un arrêté du ministre chargé de l'éducation. ". Aux termes de l'article D. 332-18 du même code : " Pour les candidats non mentionnés à l'article D. 332-17, le diplôme national du brevet est attribué, dans des conditions fixées par un arrêté du ministre chargé de l'éducation, sur la base des notes obtenues à un examen. "
4. L'arrêté du 31 décembre 2015 relatif aux modalités d'attribution du diplôme national du brevet, prévoit que les candidats à ce diplôme qui sont scolarisés dans des établissements d'enseignement publics ou dans des établissements d'enseignement privés ayant conclu un contrat avec l'Etat, qui sont mentionnés à l'article 3 de cet arrêté, sont soumis à une évaluation continue du niveau de maitrise de chacune des composantes du premier domaine et de chacun des quatre autres domaines du socle commun de connaissances, de compétence et de culture et à un examen comportant cinq épreuves obligatoires dont une épreuve orale portant sur l'enseignement d'histoire des arts ou l'un des projets menés par le candidat dans le cadre des enseignements pratiques interdisciplinaires du cycle 4, du parcours Avenir, du parcours citoyen, du parcours éducatif de santé ou du parcours d'éducation artistique et culturelle. Le diplôme national du brevet est décerné aux candidats mentionnés à l'article 3 ayant obtenu un nombre total de points au moins égal à 400 sur 800 répartis selon un barème fixé à l'article 8 de ce même arrêté.
5. Ce même arrêté prévoit que les candidats à ce diplôme qui sont scolarisés dans des établissements d'enseignement privés qui n'ont pas conclu un contrat avec l'Etat, qui sont mentionnés à l'article 4 de cet arrêté, sont soumis à un examen qui comporte cinq épreuves obligatoires, dont une épreuve écrite qui porte sur le programme de la langue vivante étrangère choisie par le candidat à son inscription. Le diplôme national du brevet est décerné aux candidats mentionnés à l'article 4 ayant obtenu un nombre total de points au moins égal à 200 au regard du barème fixé à l'article 9 de ce même arrêté.
6. En premier lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.
7. L'article L. 442-2 du code de l'éducation, dans sa version issue de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dispose que : " (...) le contrôle de l'Etat sur les établissements d'enseignement privés qui ne sont pas liés à l'Etat par contrat se limite aux titres exigés des directeurs et des enseignants, à l'obligation scolaire, à l'instruction obligatoire, qui implique l'acquisition progressive du socle commun défini à l'article L. 122-1-1, au respect de l'ordre public, à la prévention sanitaire et sociale et à la protection de l'enfance et de la jeunesse, notamment contre toute forme de harcèlement scolaire. / (...) ". Aux termes de l'article L. 912-1-1 du même code : " La liberté pédagogique de l'enseignant s'exerce dans le respect des programmes et des instructions du ministre chargé de l'éducation nationale et dans le cadre du projet d'école ou d'établissement avec le conseil et sous le contrôle des membres des corps d'inspection. ".
8. . Compte tenu de la liberté ainsi reconnue aux établissements privés hors contrat en matière de programmes d'enseignement et de déroulement de la scolarité pour l'enseignement du second degré, la différence de traitement consistant en ce que, contrairement aux candidats scolarisés dans les établissements publics ou privés sous contrat, les candidats scolarisés dans les établissements privés hors contrat ne bénéficient pas d'une évaluation continue du niveau de maitrise de chacune des composantes des domaines de compétences du socle commun est justifiée par une différence de situation qui est en rapport direct avec l'objet des dispositions mentionnées au points 2 à 5 et qui n'est pas manifestement disproportionnée.
9. Il en est de même de la différence de traitement consistant pour les candidats des établissements privés hors contrat à subir une épreuve écrite, notée sur 100, qui porte sur le programme de la langue vivante étrangère qu'ils ont choisie à leur inscription et non une épreuve orale portant sur l'enseignement d'histoire des arts ou l'un des projets menés par le candidat dans le cadre des enseignements pratiques interdisciplinaires du cycle 4, du parcours Avenir, du parcours citoyen, du parcours éducatif de santé ou du parcours d'éducation artistique et culturelle, ces enseignements n'étant pas intégrés de manière obligatoire aux programmes d'enseignement des établissements privés hors contrat dont les élèves se trouvent ainsi dans une situation différente.
10. En deuxième lieu, les différences de traitements ainsi instituées ne sauraient être regardées comme portant atteinte aux intérêts supérieurs de l'enfant, au sens des stipulations de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ou comme portant atteinte au respect de leur vie privée, au sens de l'article 16 de la même convention ou au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et ne sauraient être regardées comme édictées en méconnaissance de l'article 2 du premier protocole additionnel à cette convention.
11. En troisième lieu et au regard de ce qui a été précédemment exposé, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions des articles D. 332-17 et D. 332-18 du code de l'éducation et de l'arrêté du 31 décembre 2015 seraient de nature à discriminer les candidats au diplôme national du brevet en raison de leur origine scolaire.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la délibération du jury de l'académie de Lyon refusant de l'admettre au brevet national des collèges au titre de la session 2022 et de la décision du 25 août 2022 par laquelle le recteur de l'académie de Lyon a rejeté le recours gracieux formé contre cette délibération. Par voies de conséquences, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au recteur de la région académique Auvergne-Rhône-Alpes.
Délibéré après l'audience du 14 avril 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président-assesseur,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025.
La rapporteure,
E. VergnaudLe président,
F. Pourny
La greffière,
B. Berger
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY00818