Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
1) Mme A... D... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler les décisions du 25 janvier 2024 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation.
2) M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler les décisions du 25 janvier 2024 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation.
Par un jugement n° 2400951 - 2400953 du 2 avril 2024, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 juin 2024, M. B... C... et Mme A... D... épouse C..., représentés par Me Huard, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2400951 - 2400953 du 2 avril 2024 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler les décisions du 25 janvier 2024 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de leur délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de leur situation et, dans l'attente, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à leur conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- le jugement est entaché d'une insuffisance de motivation dès lors qu'il ne se prononce pas sur le défaut d'examen de leur situation au regard du pouvoir de régularisation du préfet ;
Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- cette décision est contraire aux stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée à la préfète de l'Isère qui n'a pas produit.
Par une décision du 22 mai 2024, M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,
- et les observations de Me Huard, représentant M. et Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C..., ressortissants algériens nés respectivement les 1er octobre 1984 et 16 août 1989, sont entrés en France, accompagnés de leur enfant mineur le 20 octobre 2019, s'agissant de Mme C..., et 1er novembre 2019, s'agissant de M. C..., sous couvert de leurs passeports revêtus de visas multi-entrées valables du 19 février 2018 au 18 février 2020. Le 4 juillet 2023, ils ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour, à titre principal, sur le fondement du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et, à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par deux arrêtés du 25 janvier 2024, le préfet de l'Isère leur a refusé la délivrance des titres de séjour sollicités, assortissant ces refus d'obligations de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de décisions fixant le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être reconduits. Par un jugement du 2 avril 2024, dont M. et Mme C... interjettent appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ". Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, cet article est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Toutefois, s'agissant des ressortissants algériens, ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par suite, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions, soulevé par les requérants à l'appui de leurs conclusions aux fins d'annulation des décisions leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, est inopérant. Dans ces conditions, la formation de jugement n'était pas tenue de répondre à un tel moyen. En outre, après avoir rappelé les éléments de la situation personnelle et familiale de M. et Mme C..., le jugement attaqué du 2 avril 2024 mentionne dans son point 10 que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans son pouvoir de régularisation à titre exceptionnel en refusant la délivrance d'un titre de séjour aux intéressés. Le moyen tiré de l'omission à statuer dont serait entaché le jugement attaqué doit donc être écarté.
Sur la légalité des décisions de refus de délivrance d'un titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien (...) dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. M. et Mme C... se prévalent d'une durée de séjour en France d'un peu plus de quatre ans à la date des décisions contestées, de la présence en France de leurs deux enfants mineurs, respectivement nés en décembre 2015 en Algérie et en novembre 2023 en France, dont l'ainé est scolarisé en France, ainsi que de leur insertion sociale et professionnelle en France. Cependant, il ressort des pièces du dossier que les demandes d'asile présentées par M. et Mme C... ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 25 février 2020, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 17 septembre 2020 et qu'ils ont fait l'objet de décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français le 16 juin 2022, décisions qu'ils n'ont pas exécutées. Si l'ainé du couple était scolarisé en France à la date des décisions contestées, aucun élément du dossier n'est de nature à établir qu'il ne pourrait poursuivre sa scolarité en Algérie. Si M. C... se prévaut d'un emploi d'employé polyvalent de restauration au sein de la même société depuis le mois de juillet 2021, sous couvert d'un contrat à durée indéterminée depuis le 1er janvier 2022, et que Mme C..., sans emploi à la date de la décision contestée, a occupé un emploi en qualité d'auxiliaire de vie, à raison de 20h par mois, puis un emploi de vendeuse à temps partiel dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, ces éléments ne sont pas de nature à démontrer, à la date des décisions litigieuses, une insertion professionnelle particulière et durable sur le territoire français. Par ailleurs, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que M. C... dispose d'un diplôme d'ingénieur délivré par les autorités algériennes et que Mme C... exerçait le métier d'avocate en Algérie, ils ne démontrent pas qu'ils ne pourraient disposer d'emplois dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, rien ne s'oppose à la reconstitution de la cellule familiale en Algérie dont tous les membres possèdent la nationalité. Dans ces circonstances, et compte tenu des conditions du séjour en France de M. et Mme C..., quand bien même ils se sont investis à titre bénévole dans des associations caritatives depuis leur entrée en France, le préfet de l'Isère n'a pas porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale en refusant de leur délivrer un titre de séjour. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent donc être écartés.
5. En deuxième lieu, pour les motifs exposés au point 2 du présent arrêt, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national.
6. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ces stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
7. Les arrêtés contestés mentionnent, de façon circonstanciée, les éléments de la situation personnelle, familiale et professionnelle de M. et Mme C... et indique qu'il n'y a pas lieu de procéder à une régularisation au titre du pouvoir discrétionnaire du préfet. Au regard des motifs exposés au point 4 du présent arrêt, les intéressés ne sont pas fondés à soutenir que les décisions leur refusant la délivrance d'un titre de séjour seraient entachées d'un défaut d'examen ou d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice du pouvoir de régularisation du préfet.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et Mme A... D... épouse C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 14 avril 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président-assesseur,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025.
La rapporteure,
E. Vergnaud
Le président,
F. Pourny
La greffière,
B. Berger
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 24LY01709