La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/05/2025 | FRANCE | N°24LY02604

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 15 mai 2025, 24LY02604


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 23 août 2024 par lesquelles la préfète du Rhône lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a désigné son pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de quatre ans.



Par un jugement n° 2408495 du 29 août 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a

admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et rejeté cette demande.





Procédu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 23 août 2024 par lesquelles la préfète du Rhône lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a désigné son pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de quatre ans.

Par un jugement n° 2408495 du 29 août 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 septembre 2024, M. B... A..., représenté par la SELARL Raffin Roche, agissant par Me Roche, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2408495 du 29 août 2024 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon, en tant qu'il a rejeté ses conclusions, et d'annuler les décisions préfectorales du 23 août 2024 en litige ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. A... soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut de motivation et n'a pas été précédé d'un examen sérieux de sa situation ;

- la mesure d'éloignement méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision le privant d'un délai de départ volontaire méconnait les articles L. 612-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant quatre ans est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 octobre 2024.

La préfète du Rhône régulièrement mise en cause n'a pas produit à l'instance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 14 avril 2025 :

- le rapport de M. Gros, premier conseiller ;

- les observations de Me Roche, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant algérien né en 2000, a fait l'objet, par arrêté du préfet de l'Hérault du 18 novembre 2019, d'une mesure d'éloignement, sans délai de départ volontaire, assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de six mois, dont il n'a pas obtenu l'annulation devant le tribunal administratif de Montpellier, à la suite de quoi il a été éloigné vers l'Algérie le 1er décembre 2019. Revenu en France à une date indéterminée, il fait l'objet, le 23 août 2024, d'une nouvelle mesure d'éloignement sans délai et d'une nouvelle interdiction de retour, d'une durée de quatre ans. Par le jugement attaqué du 29 août 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions préfectorales du 23 août 2024.

Sur la mesure d'éloignement :

2. En premier lieu, l'arrêté du 23 août 2024 contient les éléments de droit, à savoir le 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de fait qui fondent la mesure d'éloignement attaquée, qui est par suite motivée. Il ne ressort pas de cette motivation ni des pièces du dossier que la préfète aurait, avant de prendre cette décision, manqué de procéder à un examen sérieux de la situation du requérant.

3. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. M. A..., qui déclare être entré en France pour la dernière fois en 2021, se prévaut d'une relation entretenue " depuis plus d'un an " avec une ressortissante française, qui résidait à Orléans, avec laquelle il a contracté un mariage religieux, le 17 février 2024, à Bron, qu'il envisagerait d'épouser civilement et qui serait enceinte. Toutefois, la communauté de vie, effective à compter du mariage religieux, était récente à la date de l'arrêté en litige et a été ponctuée de violences physiques et verbales commises par M. A... à l'encontre de sa compagne, laquelle a déposé une plainte le 22 août 2024. Elle a, depuis, regagné Orléans. Par ailleurs, une activité professionnelle de manutentionnaire ou de préparateur de commandes ou d'agent de service, exercée quelques jours en octobre 2022, de décembre 2022 à février 2023, en mai et juin 2023 et de juin à août 2024, est insusceptible de caractériser une insertion professionnelle durable en France de M. A.... Ainsi, en décidant, le 23 août 2024, de l'éloigner, la préfète du Rhône n'a pas porté d'atteinte excessive au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la décision privative de délai de départ volontaire :

5. En premier lieu, la préfète du Rhône a exposé les motifs de droit et de fait fondant cette décision, qui est ainsi régulièrement motivée. Cette motivation et les pièces du dossier ne révèlent pas de défaut d'examen particulier préalable de la situation de M. A....

6. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour / (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".

7. M. A... n'est pas entré régulièrement en France et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes car il n'a pas présenté de document d'identité ou de passeport valides et il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente en France, ce dont ne saurait tenir lieu une attestation d'hébergement au domicile d'un tiers, 5, bis avenue du 8 mai 1945 à Bron, où le couple a résidé quelques mois à compter du mariage religieux. Le requérant ne se prévaut d'aucune circonstance particulière. Le risque de fuite étant ainsi établi, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet l'a privé d'un délai de départ volontaire.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

8. En premier lieu, la préfète du Rhône a exposé les motifs de droit et les motifs de fait, au regard des critères d'examen définis par l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fondant cette décision, qui est ainsi régulièrement motivée et n'est pas entachée d'un défaut d'examen préalable de la situation du requérant.

9. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 61287, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

10. A la date de l'arrêté en litige, M. A..., qui avait été éloigné le 1er décembre 2019, séjournait en France depuis une durée indéterminée, tout au plus trois ans ainsi que lui-même le reconnaît dans ses écritures. Il ne justifie pas d'une insertion sociale et professionnelle particulière sur le territoire français. Au contraire, il est l'auteur de graves violences commises sur sa compagne, qui est une personne vulnérable, avec laquelle il a vécu quelques mois, entre le 17 février et le 22 août 2024, et il ne peut pas sérieusement invoquer cette relation à titre de circonstance humanitaire. Il n'apporte aucun élément de nature médicale tendant à établir que sa compagne était enceinte au moment de l'arrêté préfectoral en litige. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, la préfète du Rhône a pu, sans erreur d'appréciation des critères définis par l'article L. 612-10 et sans erreur manifeste d'appréciation des circonstances humanitaires évoquées par l'article L. 612-6, édicter une interdiction de retour sur le territoire français à l'encontre de M. A..., pour une durée de quatre ans.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2025, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2025.

Le rapporteur,

B. Gros

Le président,

F. Pourny

La greffière,

B. Berger

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY02604


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY02604
Date de la décision : 15/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Bernard GROS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : RAFFIN ROCHE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-15;24ly02604 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award