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05/06/2025 | FRANCE | N°24LY02251

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 05 juin 2025, 24LY02251


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



La commune de Villeurbanne a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 25 avril 2022 du recteur de l'académie de Lyon fixant, pour l'année scolaire 2019/2020, le montant de l'accompagnement financier prévu par la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, en tant qu'elle limite le montant qui lui est alloué à ce titre à 679 041 euros, ensemble la décision du 20 juillet 2022 rejetant son recours gracieux.



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n jugement n° 2207226 du 21 mai 2024, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions attaqué...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Villeurbanne a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 25 avril 2022 du recteur de l'académie de Lyon fixant, pour l'année scolaire 2019/2020, le montant de l'accompagnement financier prévu par la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, en tant qu'elle limite le montant qui lui est alloué à ce titre à 679 041 euros, ensemble la décision du 20 juillet 2022 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2207226 du 21 mai 2024, le tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions attaquées en tant que le montant alloué est limité à 679 041 euros et a enjoint au recteur de l'académie de Lyon de verser à la commune de Villeurbanne la somme complémentaire de 228 252 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er août 2024, la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2207226 du 21 mai 2024 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de rejeter les conclusions de la commune de Villeurbanne.

La ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse soutient que :

- sa requête n'est pas tardive dès lors que le délai de recours n'a pas couru, le jugement ne lui ayant pas été notifié mais l'ayant été au seul recteur qui n'a pas qualité pour faire appel ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que la décision méconnaît l'article 17 de la loi du 26 juillet 2019, alors que la part d'augmentation globale des charges de fonctionnement des écoles directement liée à l'abaissement de l'âge de la scolarisation obligatoire ne peut excéder le montant total d'augmentation des dépenses des classes préélémentaires et ne peut être évaluée par référence à la seule augmentation des charges liées aux écoles privées sous contrat ;

- pour le surplus, les autres moyens invoqués en première instance doivent être écartés pour les motifs exposés par le recteur en première instance.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 janvier 2025, la commune de Villeurbanne, représentée par la SELAS Fiducial legal by Lamy agissant par Me Karpenschif, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Villeurbanne soutient que :

- la requête est tardive ;

- c'est à juste titre que le tribunal a jugé que la décision méconnaît l'article 17 de la loi du 26 juillet 2019, dès lors que le recteur n'a pas tenu compte de l'intégralité des augmentations de charges liées à l'abaissement de l'âge de la scolarisation obligatoire ;

- subsidiairement, les décisions ne sont pas motivées ;

- elles méconnaissent l'article 17 de la loi du 26 juillet 2019 qui impose de compenser les charges nouvelles liées à l'abaissement de l'âge de la scolarisation obligatoire, sans imputer sur celles-ci des réductions de charges constatées par ailleurs ;

- elles méconnaissent les articles 72 et 72-2 de la constitution.

Un mémoire complémentaire, présenté par la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et enregistré le 17 janvier 2025, n'a pas été communiqué en l'absence d'éléments nouveaux.

Par ordonnance du 20 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 20 janvier 2025 à 16h30.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code de l'éducation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration.

- la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2019-787 DC du 25 juillet 2019 ;

- le décret 2019-1555 du 30 décembre 2019 ;

- l'arrêté du 30 décembre 2019 pris pour l'application de l'article 2 du décret n° 2019-1555 du 30 décembre 2019 relatif aux modalités d'attribution des ressources dues aux communes au titre de l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Romatier, représentant la commune de Villeurbanne.

Une note en délibéré, présentée pour la commune de Villeurbanne, a été enregistrée le 19 mai 2025.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 25 avril 2022, le recteur de l'académie de Lyon a fixé à 679 041 euros la compensation à verser à la commune de Villeurbanne au titre de l'article 17 de la loi susvisée du 26 juillet 2019, pour l'année scolaire 2019/2020. Par le jugement attaqué du 21 mai 2024, le tribunal a annulé cette décision en tant qu'elle a limité la compensation à ce montant sans la porter à 907 293 euros, et a enjoint au recteur de verser à la commune un montant complémentaire de 228 252 euros.

Sur la recevabilité de la requête :

2. L'article 4 du jugement prévoit sa notification au recteur de l'académie de Lyon et non au ministre de l'éducation, qui avait pourtant seul qualité pour faire appel en application de l'article R. 811-10 du code de justice administrative et alors que l'article R. 811-10-4 du même code ne permet au recteur de représenter l'Etat devant la cour qu'en défense, à l'exception au demeurant des conclusions reconventionnelles. Il ressort du dossier de première instance que le greffe du tribunal n'a notifié le jugement qu'au recteur et non au ministre. Ainsi, le délai de recours n'ayant pas couru à l'encontre de l'Etat, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté doit être écartée.

Sur le fond :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 131-1 du code de l'éducation, dans sa rédaction antérieure à la loi susvisée du 26 juillet 2019 : " L'instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six ans et seize ans (...) ". Aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 26 juillet 2019 : " Le premier alinéa de l'article L. 131-1 du code de l'éducation est ainsi rédigé : / " L'instruction est obligatoire pour chaque enfant dès l'âge de trois ans et jusqu'à l'âge de seize ans " ". Aux termes de l'article 17 de la même loi : " L'Etat attribue de manière pérenne à chaque commune les ressources correspondant à l'augmentation des dépenses obligatoires qu'elle a prises en charge en application des articles L. 212-4, L. 212-5 et L. 442-5 du code de l'éducation au titre de l'année scolaire 2019-2020 par rapport à l'année scolaire 2018-2019 dans la limite de la part d'augmentation résultant directement de l'abaissement à trois ans de l'âge de l'instruction obligatoire (...) ". Enfin, aux termes de l'article 63 de la même loi : " Les articles 3, 4, 7, 11, 14, 17, 18, 19, 24, 25, 26, 27, 28, 32, 38, 40, 41, 43 à 46, 49, 50, 56 et 58 entrent en vigueur à la rentrée scolaire 2019 (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 212-4 du code de l'éducation : " La commune a la charge des écoles publiques. Elle est propriétaire des locaux et en assure la construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement, à l'exception des droits dus en contrepartie de la reproduction par reprographie à usage pédagogique d'œuvres protégées. (...) ". Aux termes de l'article L. 212-5 du même code : " L'établissement des écoles publiques, créées par application de l'article L. 212-1, est une dépense obligatoire pour les communes. / Sont également des dépenses obligatoires, dans toute école régulièrement créée : / 1° Les dépenses résultant de l'article L. 212-4 ; / 2° Le logement de chacun des instituteurs attachés à ces écoles ou l'indemnité représentative de celui-ci ; / 3° L'entretien ou la location des bâtiments et de leurs dépendances ; / 4° L'acquisition et l'entretien du mobilier scolaire ; / 5° Le chauffage et l'éclairage des classes et la rémunération des personnels de service, s'il y a lieu. / De même, constitue une dépense obligatoire à la charge de la commune le logement des instituteurs qui y ont leur résidence administrative et qui sont appelés à exercer leurs fonctions dans plusieurs communes en fonction des nécessités du service de l'enseignement ". Enfin, aux termes de l'article L. 442-5 du même code : " (...) / Les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l'enseignement public (...) ".

5. Il résulte de l'ensemble des dispositions citées aux deux points qui précèdent que le législateur a abaissé, à partir de la rentrée scolaire 2019, de 6 ans à 3 ans l'âge de la scolarité obligatoire, et a prévu corrélativement la compensation financière pour les communes des charges supplémentaires induites par cette réforme. Ces dispositions prévoient ainsi l'attribution par l'État à chaque commune, de manière pérenne, de ressources correspondant à l'augmentation, par rapport à l'année scolaire 2018-2019, des dépenses obligatoires que la commune prend en charge au titre du financement des écoles et classes maternelles au cours de l'année scolaire 2019-2020, dans la limite de la part d'augmentation résultant directement de l'abaissement à trois ans de l'âge de l'instruction obligatoire. Ces dépenses sont celles qui bénéficient aux écoles publiques et aux établissements d'enseignement privés ayant passé un contrat d'association avec l'État. Il en résulte qu'il n'y a matière à compensation que dans la mesure où sont établies, d'une part, l'existence d'une augmentation globale des charges liées aux écoles dépendant de la commune et, d'autre part, l'existence d'une augmentation de la part de ces charges qui se rapportent directement à l'abaissement de l'âge de la scolarisation obligatoire de six ans à trois ans. Compte tenu des tranches d'âge en cause, l'incidence de cet abaissement ne peut concerner que les classes préélémentaires, la part de l'augmentation des dépenses liée aux écoles élémentaires ne pouvant être en revanche regardée comme directement en lien avec cet abaissement. Ainsi, la compensation ne peut être allouée que dans la double limite des augmentations réelles de charges constatées, d'une part, sur l'ensemble des charges de fonctionnement scolaire et, d'autre part, sur l'ensemble de celles de ces charges concernant les classes préélémentaires. Dans cette double limite, la compensation doit enfin être évaluée, au cas par cas, au regard des seules charges en lien direct avec l'abaissement de l'âge de la scolarisation obligatoire, en tenant notamment compte de l'évolution des effectifs d'élèves.

6. En l'espèce, il est constant, conformément aux chiffres produits par la commune et repris par la ministre, que le total des dépenses de fonctionnement des écoles publiques et privées sous contrat relevant de la commune de Villeurbanne a augmenté, entre l'année scolaire 2018/2019 et l'année scolaire 2019/2020, d'un montant de 1 721 083 euros. Dans ce cadre, la part d'augmentation imputable aux écoles préélémentaires, qui sont seules susceptibles d'avoir été affectées par l'abaissement de l'âge de la scolarisation obligatoire, est de 679 041 euros. Le recteur a admis en l'espèce que l'ensemble de l'augmentation des dépenses liées aux classes préélémentaires devait être regardé comme directement imputable à l'abaissement de l'âge de la scolarisation obligatoire, et retenu en conséquence une dotation de 679 041 euros.

7. Pour censurer cette analyse et porter à 907 293 euros le montant de la compensation, le tribunal a retenu le seul montant d'augmentation des dépenses liées aux écoles privées sous contrat. En isolant ce seul poste de charges, sans rechercher la part d'augmentation des dépenses obligatoires prises en charge par la commune résultant directement de l'abaissement de l'âge de la scolarisation obligatoire, qui s'apprécie de façon globale au regard de la situation à la fois des écoles publiques et des écoles privées sous contrat et au regard des augmentations réelles de charges constatées, le tribunal a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article 17 de la loi du 26 juillet 2019. C'est ainsi à tort qu'il s'est fondé sur ce motif pour annuler les décisions attaquées et enjoindre au recteur de majorer la dotation.

8. Il y a toutefois lieu pour la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens invoqués par la commune de Villeurbanne, tant en première instance qu'en appel.

9. En premier lieu, la décision du 25 avril 2022 fixant le montant de la compensation expose ses motifs de fait et de droit et elle est ainsi et en tout état de cause suffisamment motivée. La décision initiale étant motivée, la commune ne peut utilement soutenir que la décision du 20 juillet 2022 rejetant son recours gracieux, qui s'approprie les motifs de la décision initiale, n'est pas motivée.

10. En deuxième lieu, l'article 17 de la loi du 26 juillet 2019 ne prévoit pas que l'Etat compense poste par poste toutes les dépenses résultant pour les communes de l'abaissement de l'âge de la scolarisation obligatoire, mais uniquement qu'il verse aux communes les ressources compensant la part de l'augmentation de leurs charges scolaires totales, directement liée à cet abaissement. Ainsi, en ne fixant pas la compensation en litige au seul vu de l'augmentation des dépenses des écoles privées sous contrat, mais en tenant notamment compte de l'augmentation réelle des dépenses dans l'ensemble des classes préélémentaires, qui sont directement concernées par l'abaissement de l'âge de la scolarisation obligatoire de six à trois ans, le recteur de l'académie de Lyon n'a pas méconnu la loi mais en a au contraire fait une exacte application.

11. En troisième lieu, les modalités de calcul de la compensation ayant été fixées par la loi, la commune de Villeurbanne ne peut utilement invoquer directement à l'encontre des décisions du recteur le moyen tiré de la méconnaissance par ces modalités de calcul des articles 72 et 72-2 de la constitution. Ce moyen est au demeurant infondé, les modalités retenues par le législateur apparaissant propres à accompagner financièrement l'extension des compétences communales, sans dénaturer le principe de libre-administration des collectivités territoriales.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a accueilli les conclusions à fin d'annulation et d'injonction de la commune de Villeurbanne.

Sur les frais de l'instance :

13. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par la commune de Villeurbanne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2207226 du 21 mai 2024 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : Les conclusions de première instance et d'appel de la commune de Villeurbanne sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et à la commune de Villeurbanne.

Copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de Lyon.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2025, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY02251


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY02251
Date de la décision : 05/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

30-02-07-02-03 Enseignement et recherche. - Questions propres aux différentes catégories d'enseignement. - Établissements d'enseignement privés. - Relations entre les collectivités publiques et les établissements privés. - Contributions des communes aux dépenses de fonctionnement des établissements privés sous contrat d'association.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : FIDUCIAL LEGAL BY LAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-05;24ly02251 ?
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