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05/06/2025 | FRANCE | N°24LY02273

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 05 juin 2025, 24LY02273


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



La SARL Action ambulance a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 19 août 2022 par laquelle le directeur de l'agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes a retiré l'agrément n° 69-391 qui lui avait été délivré pour effectuer des transports sanitaires terrestres, ainsi que deux autorisations de mise en service de catégorie C pour deux ambulances assortissant cet agrément.



Par un jugement n° 2206523 du 11 juin 2

024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.





Procédure devant la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Action ambulance a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 19 août 2022 par laquelle le directeur de l'agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes a retiré l'agrément n° 69-391 qui lui avait été délivré pour effectuer des transports sanitaires terrestres, ainsi que deux autorisations de mise en service de catégorie C pour deux ambulances assortissant cet agrément.

Par un jugement n° 2206523 du 11 juin 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 août 2024, la SARL Action ambulance, représentée par Me Albisson, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2206523 du 11 juin 2024 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler la décision du 19 août 2022 par laquelle le directeur de l'agence régionale de santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes a retiré l'agrément n° 69-391 qui lui avait été délivré pour effectuer des transports sanitaires terrestres, ainsi que deux autorisations de mise en service de catégorie C pour deux ambulances assortissant cet agrément ;

3°) de mettre à la charge de l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Action ambulance soutient que :

- elle n'a pas été informée préalablement des griefs retenus contre elle ;

- l'avis est irrégulier dès lors qu'il n'a été émis que par 6 membres sur 17 et que le représentant d'une société ayant commis des manquements en faisait partie ;

- l'ARS s'est estimée à tort liée par cet avis ;

- la sanction n'est pas motivée ;

- elle repose sur des faits matériellement inexacts concernant l'invalidation du permis de conduire de son gérant ;

- elle ne pouvait se fonder sur l'article R. 6312-6 du code de la santé publique concernant la présence d'un patient seul dans la cellule sanitaire ;

- la tenue du gérant était conforme aux prescriptions de l'annexe 6 de l'arrêté du 12 décembre 2017 ;

- l'équipage mis en cause se composait d'un auxiliaire ambulancier et d'une ambulancière, même si au moment du contrôle c'est une amie de l'auxiliaire ambulancier qui était présente ;

- la sanction est disproportionnée.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 novembre 2024, l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes, représentée par le cabinet Archys agissants par Me Francia et Me Pons, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la société Action ambulance sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'ARS Auvergne-Rhône-Alpes soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 5 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 5 novembre 2024 à 16h30. Par ordonnance du 6 novembre 2024, l'instruction a été rouverte et close au 6 décembre 2024 à 16h30.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la route ;

- le code la santé publique ;

- l'arrêté du 12 décembre 2017 fixant les caractéristiques et les installations matérielles exigées pour les véhicules affectés aux transports sanitaires terrestres ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Pons, représentant l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes.

Considérant ce qui suit :

1. La société Action ambulance a bénéficié le 21 septembre 2020 d'un agrément pour effectuer des transports sanitaires terrestres. Elle a également bénéficié d'autorisations de mise en service de véhicules de transports sanitaires, la dernière autorisation, du 19 juillet 2022, portant sur deux véhicules de catégorie C au sens de l'article R. 6312-8 du code de la santé publique, c'est-à-dire deux ambulances. A la suite d'un ensemble de manquements, constatés notamment dans le cadre de plusieurs contrôles de police après des infractions routières, portant sur l'absence de permis de conduire valide d'un conducteur, sur le transport d'un patient laissé seul dans la cellule sanitaire, sur l'absence de tenue conforme et de masque sanitaire d'un membre d'équipage et, enfin, sur la composition irrégulière d'un équipage, le directeur de l'agence régionale de santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes a procédé au retrait de l'agrément précité et de l'autorisation de mise en service de deux véhicules. Par le jugement attaqué du 11 juin 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la société Action ambulance tendant à l'annulation de cette sanction.

2. Aux termes de l'article L. 6312-1 du code de la santé publique : " Constitue un transport sanitaire, tout transport d'une personne malade, blessée ou parturiente, pour des raisons de soins ou de diagnostic, sur prescription médicale ou en cas d'urgence médicale, effectué à l'aide de moyens de transports terrestres, aériens ou maritimes, spécialement adaptés à cet effet (...) ". Aux termes de l'article L. 6312-2 du même code : " Toute personne effectuant un transport sanitaire doit avoir été préalablement agréée par le directeur général de l'agence régionale de santé (...) ". Aux termes de l'article L. 6312-4 du même code : " I. - Dans chaque département, la mise en service par les personnes mentionnées à l'article L. 6312-2 de véhicules affectés aux transports sanitaires terrestres, hors véhicules exclusivement affectés aux transports effectués dans le cadre de l'aide médicale urgente, est soumise à l'autorisation du directeur général de l'agence régionale de santé (...) ". Aux termes de l'article R. 6312-1 du code de la santé publique : " L'agrément nécessaire au transport sanitaire est délivré par le directeur général de l'agence régionale de santé (...) ". Aux termes de l'article R. 6312-4 du même code : " Les personnes titulaires de l'agrément sont tenues de soumettre les véhicules et les aéronefs affectés aux transports sanitaires au contrôle des services de l'agence régionale de santé suivant des modalités fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Enfin, aux termes de l'article R. 6312-5 du même code : " En cas de manquement aux obligations de la présente section par une personne bénéficiant de l'agrément, celui-ci, après que l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations, en préalable à l'avis du sous-comité des transports sanitaires, peut être retiré temporairement ou sans limitation de durée par décision motivée du directeur général de l'agence régionale de santé (...) ".

3. En premier lieu, la décision de sanction, qui expose en particulier sa base légale ainsi que, de façon circonstanciée, les manquements retenus, est dès lors régulièrement motivée.

4. En deuxième lieu, par un courrier du 19 mai 2022, l'ARS a prévenu la société qu'elle avait été destinataire de plusieurs signalements portant sur le défaut de permis de conduire valide d'un conducteur, sur l'irrégularité de la composition d'un équipage et sur un incident ayant affecté la prise en charge d'un patient le 2 février 2022. La société a été invitée à présenter des observations, ce qu'elle a fait par courrier du 17 juin. En revanche, il ne ressort pas des pièces du dossier que la société aurait été également informée des manquements tirés des modalités de transport en cellule sanitaire, ainsi que de la tenue et de l'absence de masque d'un membre d'équipage. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'ARS aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur les seuls manquements graves indiqués à la société et repris dans la décision, c'est-à-dire les manquements tirés du défaut de permis de conduire d'un conducteur et de la composition irrégulière d'un équipage, de telle sorte que ce défaut d'information n'a, en l'espèce, pas privé effectivement la société d'une garantie. Le moyen tiré du vice de procédure pour absence de procédure contradictoire doit en conséquence être écarté.

5. En troisième lieu, la composition du sous-comité des transports sanitaires est prévue par l'article R. 6313-5 du code de la santé publique. Si cet article prévoit normalement seize membres, en l'espèce, le procès-verbal du 16 août 2022 produit par l'ARS fait état de neuf membres présents. Le procès-verbal constate, à juste titre, que le quorum était ainsi atteint. Enfin, le même procès-verbal précise que l'avis a été adopté par six voix, contre trois abstentions. Cet avis n'a donc pas été émis par une minorité, contrairement à ce qui est soutenu.

6. En quatrième lieu, au nombre des principes généraux du droit qui s'imposent à toute autorité administrative figure le principe d'impartialité. En l'espèce, la société requérante soutient que ce principe aurait été méconnu, dans la mesure où le représentant de l'association départementale des transports sanitaires d'urgence la plus représentative au plan départemental, au sens du 8° de l'article R. 6313-5 du code de la santé publique, qui était présent à la séance du sous-comité des transports sanitaires, dirige une société de transport sanitaire à laquelle des manquements auraient été reprochés. Toutefois, il n'est pas même soutenu et il ne ressort pas des pièces du dossier que ce membre de la commission aurait eu un intérêt dans le litige concernant la société Action ambulance, ni qu'il aurait exprimé une prise de position particulière sur cette société, son dirigeant, ou sa situation. Dans ces conditions, la seule circonstance que la société de ce membre de la commission ait pu être concernée par une affaire distincte ne peut caractériser aucune méconnaissance du principe d'impartialité en ce qui concerne la sanction infligée à la société Action ambulance. Le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission doit, en conséquence, être écarté.

7. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur de l'ARS se serait à tort cru lié par l'avis simple émis par le sous-comité des transports sanitaires. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit, en conséquence, être écarté.

8. En sixième lieu, le procès-verbal de police du 27 janvier 2022 relève qu'un des deux véhicules de transport sanitaire de la société Action ambulance, qui transportait un patient, a été contrôlé après qu'il ait ignoré un feu rouge fixe, que le conducteur a franchi en tenant un téléphone en main. Il souligne que le conducteur, qui est le gérant de la société Action ambulance, n'a pu présenter son permis de conduire et que, après vérification, il apparait que son permis de conduire était invalide. Le relevé d'information intégral fait apparaitre qu'il avait déjà vu son permis de conduire invalidé deux fois et que ce permis était en dernier lieu invalidé depuis le 6 juillet 2021, soit depuis plus de six mois. Le même relevé fait au demeurant apparaitre un nombre très conséquent d'infractions routières significatives. Enfin, les services préfectoraux, consultés par l'ARS, lui ont indiqué que le chauffeur en cause a sollicité le 22 septembre 2021 un relevé d'information intégral, de telle sorte que la société ne peut sérieusement soutenir qu'il aurait ignoré l'invalidation de son permis, et qu'il apparait au contraire qu'il a sciemment continué à conduire dans des conditions irrégulières. La matérialité du manquement retenu est ainsi établie.

9. En septième lieu, aux termes de l'article R. 6312-6 du code de la santé publique : " L'agrément est délivré aux personnes physiques ou morales qui disposent : / 1° Des personnels nécessaires pour garantir la présence à bord de tout véhicule en service d'un équipage conforme aux normes définies à l'article R. 6312-10 (...) ". Aux termes de l'article R. 6312-10 du même code : " La composition des équipages effectuant des transports sanitaires est définie ci-après : / 1° Pour les véhicules des catégories A et C : deux personnes appartenant aux catégories de personnel mentionnées à l'article R. 6312-7, dont l'une au moins de la catégorie mentionnée au 1 (...) ". Enfin, l'article R. 6312-7 du même code définit les personnes habilitées à faire partie des équipages des véhicules spécialement adaptés au transport sanitaire terrestre, son 1° visant les " Titulaires du diplôme d'Etat d'ambulancier institué par le ministre chargé de la santé ".

10. En l'espèce, le procès-verbal de police du 10 mai 2022 indique qu'un des deux véhicules de transport sanitaire de la société Action ambulance a été contrôlé après avoir changé de direction sans avertisseur préalable. Le chauffeur et sa passagère ont affirmé que le chauffeur était ambulancier et qu'il était accompagné d'une auxiliaire. Il est toutefois constant que le chauffeur était simplement auxiliaire ambulancier et que sa passagère, dont il a ultérieurement indiqué qu'elle serait une amie, n'avait aucune qualification lui permettant de faire partie de l'équipage d'une ambulance de transport sanitaire terrestre. Au surplus, par courriel du 23 mai 2022, la passagère en cause a indiqué qu'elle avait été recrutée par la société en remplacement et qu'elle n'était pas simplement présente ponctuellement pour raisons personnelles. La matérialité du manquement tenant à la composition irrégulière d'un équipage est ainsi établie.

11. En huitième lieu, ainsi qu'il a été exposé au point 4, les manquements tirés des modalités de transport en cellule sanitaire, ainsi que de la tenue et de l'absence de masque d'un membre d'équipage, qui n'ont pas donné lieu à procédure contradictoire, ne peuvent être retenus pour fonder la décision, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués par la société requérante sur ces manquements. Il résulte toutefois de l'instruction que l'ARS aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur les autres motifs retenus dans la décision, les motifs tirés de ces deux manquements devant ainsi être neutralisés.

12. En neuvième lieu, ainsi que le fait valoir l'ARS en défense, elle avait, précédemment aux deux manquements qui ont été exposés aux points 8 à 10, reçu un signalement du SAMU qui concernait la prise en charge d'un patient le 31 décembre 2020 et faisait état de plusieurs carences graves, sous la forme de l'absence d'un bilan secouriste, d'une position d'un patient néfaste au regard de sa pathologie, de l'incapacité à utiliser l'appareillage obligatoire pour faire face en urgence à une détresse respiratoire majeure, d'une installation du patient sur un brancard sans matelas coquille, compliquant la position semi-assise et, enfin, d'une propreté douteuse de la cellule sanitaire. La société a admis les faits et, par un courrier du 12 mars 2021, après avis du sous-comité des transports sanitaires, elle a fait l'objet d'un rappel des règles professionnelles applicables. Le 10 mai 2022, l'ARS a par ailleurs reçu une plainte faisant état de la mauvaise prise en charge d'un patient le 2 février 2022. Alors qu'une fracture du col du fémur était suspectée, le patient, né en 1923, a été placé sur une chaise roulante. Compte tenu de ces difficultés antérieures et au vu des manquements graves sur les conditions d'organisation du transport sanitaire des patients qui ont été exposés aux points 8 à 10, l'ARS a pu, sans erreur d'appréciation, décider le retrait de l'agrément octroyé à la société Action ambulance.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Action ambulance n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par l'ARS au titre de ces dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Action ambulance est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Action ambulance, à l'agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2025, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY02273


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY02273
Date de la décision : 05/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-04 Professions, charges et offices. - Discipline professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : ARCHYS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-05;24ly02273 ?
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