Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... E... et Mme A... D... épouse E... ont, l'un et l'autre, demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler, chacun pour ce qui le concerne, les décisions du 16 novembre 2023 par lesquelles le préfet de la Loire a refusé de les admettre au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné leur pays de renvoi.
Par un jugement n° 2403002-2403003 du 18 juin 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 24 septembre 2024, M. et Mme E..., représentés par Me Lawson Body, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 juin 2024 et ces décisions préfectorales du 16 novembre 2023 ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Loire de leur délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " chacun ou bien une autorisation provisoire de séjour de six mois, subsidiairement de réexaminer sous deux mois leur situation, et, dans l'attente, de leur délivrer, sous huit jours et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à leur conseil, une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
M. et Mme E... soutiennent que :
- les décisions portant refus de séjour sont insuffisamment motivées, entachées d'un vice de procédure en l'absence de production de l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et d'une erreur de droit car le préfet s'est cru lié par cet avis ;
- les refus de séjour ont été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, des dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les mesures d'éloignement sont illégales en raison de l'illégalité des refus de séjour et se trouvent entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions désignant leur pays de renvoi, illégales en raison de l'illégalité des mesures d'éloignement, sont insuffisamment motivées.
Le préfet de la Loire régulièrement mis en cause n'a pas produit d'observations.
M. et Mme E... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 6 novembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Gros, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique du 19 mai 2025.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... E... et Mme A... E..., son épouse, ressortissants algériens nés tous deux en 1986, ont chacun sollicité la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " en invoquant l'état de santé de leur fille mineure C... née en 2014. Par décisions du 16 novembre 2023, le préfet de la Loire leur a opposé des refus, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné leur pays de renvoi. Ils relèvent appel du jugement du 18 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions préfectorales du 16 novembre 2023.
2. En premier lieu, les arrêtés contestés du 16 novembre 2023, qui citent les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et visent les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, énoncent les considérations de droit et de fait qui fondent les décisions portant refus de séjour et désignant le pays de renvoi des requérants. Ces décisions sont, par suite, motivées.
3. En deuxième lieu, le préfet de la Loire a produit devant le tribunal l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration rendu le 31 août 2023 sur lequel il s'est appuyé pour prendre les arrêtés du 16 novembre 2023. Le moyen tiré de ce que les décisions portant refus de séjour seraient entachées d'un vice de procédure pour défaut de production de cet avis ne peut en conséquence qu'être écarté.
4. En troisième lieu, il ne ressort pas de la motivation de ces arrêtés du 16 novembre 2023 ni des pièces du dossier que le préfet de la Loire se serait cru lié par cet avis et aurait méconnu l'étendue de sa compétence. Le moyen d'erreur de droit ne peut en conséquence qu'être écarté.
5. En quatrième lieu, les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au bénéfice des parents d'enfants dont l'état de santé répond aux conditions prévues par l'article L. 425-9 du même code, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Cette circonstance ne fait toutefois pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, délivre à ces ressortissants un certificat de résidence pour l'accompagnement d'un enfant malade.
6. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'un accident domestique survenu le 30 septembre 2017, l'enfant C... présente des cicatrices de brûlure sur 65 % de la surface cutanée totale et que les soins de ces cicatrices et la surveillance de leur évolution, en lien avec la croissance de l'enfant, sont effectués par une équipe pluridisciplinaire au centre médical de rééducation pédiatrique Romans Ferrari. Toutefois, il ressort de l'avis émis le 31 août 2023 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que le préfet de la Loire s'est approprié dans le cadre de son examen particulier de la situation de l'enfant C..., qu'une absence de prise en charge médicale de l'état de santé de cet enfant ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Les pièces médicales produites par les requérants ne contredisent pas cet avis. Ensuite, un certificat médical du 18 juillet 2021 émanant d'un chirurgien algérien exerçant, à Alger, à la " clinique centrale des brûlés ", un rapport de l'ONU de 2017, un reportage radio, ne permettent pas d'établir qu'une telle prise en charge, notamment un appareillage par vêtements compressifs avec silicone DMDG, ne serait pas possible en Algérie, où l'enfant a bénéficié de greffes cutanées et d'un suivi notamment par pressothérapie. Dans ces conditions, en refusant de faire usage de son pouvoir de régularisation pour admettre au séjour M. et Mme E..., le préfet de la Loire ne peut pas être regardé comme ayant commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation de l'enfant C... et sur celle de ses parents.
7. En cinquième lieu, pour les motifs qui viennent d'être évoqués, et en l'absence d'argumentation spécifique, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui stipule que " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale " et de la méconnaissance l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, qui stipule que " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ", doivent être écartés.
8. En sixième lieu, il résulte de ce qui précède que les exceptions d'illégalité des refus de séjour, articulées à l'encontre des mesures d'éloignement, doivent être écartées. Pour les motifs exposés aux points 6 et 7, ces mesures ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
9. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que les exceptions d'illégalité des mesures d'éloignement, articulées à l'encontre des décisions désignant le pays de renvoi des requérants, doivent être écartées.
10. Il résulte de tout ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles tendant au versement de frais de procès doivent pareillement être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et Mme A... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.
Le rapporteur,
B. Gros Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY02720