Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2023 par lequel le préfet de l'Yonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par jugement n° 2302319 du 6 octobre 2023, la magistrate désignée du tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 juillet 2023 et le 12 mars 2024, Mme B..., représentée par Me Griolet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 25 juillet 2023 la concernant ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement, de réexaminer sa situation, sous astreinte ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le refus de séjour est insuffisamment motivé ;
- il ne repose pas sur un examen particulier de sa situation ;
- il méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français à défaut pour le préfet de prouver qu'elle a reçu notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle ne repose pas sur un examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la fixation du pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par mémoire enregistré le 8 mars 2024, le préfet de l'Yonne, représenté par Me Rannou, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur l'irrecevabilité des conclusions de la demande de première instance dirigées contre un prétendu refus d'admission exceptionnelle au séjour né du silence gardé sur la demande présentée en méconnaissance de la règle de comparution personnelle (CE, avis, 10 octobre 2024, n° 493514).
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 20 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 avril 2021 pris en application de l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif aux titres de séjour dont la demande s'effectue au moyen d'un téléservice ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu le rapport de Mme Evrard au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante camerounaise née le 12 septembre 1985, est entrée en France le 13 avril 2017, selon ses déclarations. Sa demande d'asile, présentée le 29 novembre 2021, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés (OFPRA), le 31 mai 2022, et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le 27 avril 2023. Par un arrêté du 25 juillet 2023, le préfet de l'Yonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 4° de l'article L. 611-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite. Elle relève appel du jugement du 6 octobre 2023 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la recevabilité de la demande de première instance en tant qu'elle porte sur un prétendu refus de titre de séjour implicite :
2. Aux termes de l'article L. 431-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les conditions dans lesquelles les demandes de titres de séjour sont déposées auprès de l'autorité administrative compétente sont fixées par voie réglementaire ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 431-2 du même code : " la demande d'un titre de séjour figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de l'immigration s'effectue au moyen d'un téléservice (...) Les catégories de titres de séjour désignées par arrêté figurent en annexe 9 du présent code ". Aux termes de l'article R. 431-3 du même code : " La demande de titre de séjour ne figurant pas dans la liste mentionnée à l'article R. 431-2, est effectuée (...) à la préfecture ou à la sous-préfecture. / Le préfet peut également prescrire que les demandes de titre de séjour appartenant aux catégories qu'il détermine soient adressées par voie postale ". Il résulte de ces dispositions qu'en dehors des titres dont la demande s'effectue au moyen d'un téléservice et qui figurent sur la liste prévue à l'article R. 431-2 du code, fixée par arrêté du ministre chargé de l'immigration, la demande de titre de séjour est effectuée par comparution personnelle au guichet de la préfecture ou, si le préfet le prescrit, par voie postale.
3. En l'absence de texte en disposant autrement, il est loisible à un étranger de demander simultanément ou successivement des titres de séjour relevant des différentes catégories mentionnées au point 2, dont le mode de dépôt de demande diffère. Aucun principe n'impose, en l'absence de texte, à l'étranger de présenter une demande unique, ni au préfet de statuer par une seule décision sur des demandes de titre déposées simultanément ou successivement par un même demandeur. Dès lors, lorsqu'un étranger a présenté plusieurs demandes de titre de séjour, le rejet implicite né du silence gardé sur une demande présentée en méconnaissance de la règle de comparution personnelle, applicable à cette demande, ne constitue pas une décision susceptible de recours pour excès de pouvoir, quand bien même l'étranger aurait régulièrement présenté une demande sur un autre fondement.
4. La demande de titre de séjour présentée par Mme B... sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne figure pas parmi celles mentionnées à l'article 1er de l'arrêté du 27 avril 2021 pris en application de l'article R. 431-2 précité prescrivant qu'elle soit effectuée au moyen du téléservice de l'administration numérique des étrangers en France. Dès lors, la présentation personnelle de l'intéressée devant les services préfectoraux était requise. Il est constant que Mme B... a déposé sa demande de titre de séjour par voie postale. Il s'ensuit que le silence gardé par l'administration sur sa demande irrégulière, présentée en méconnaissance de l'exigence de comparution personnelle, n'a pas fait naître, contrairement à ce que soutient la requérante, une décision faisant grief susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir. Par suite, la demande de Mme B... tendant à l'annulation d'une prétendue décision de refus d'admission au séjour était irrecevable et devait être rejetée par le tribunal.
Sur l'arrêté du 25 juillet 2023 :
5. En premier lieu, l'arrêté en litige vise le 4° l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et rappelle que la demande d'asile de l'intéressée a été rejetée. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que cet arrêté, qui comporte l'énoncé des circonstances de fait et de droit justifiant qu'il lui soit fait obligation de quitter le territoire français, serait insuffisamment motivé.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié (...) a été définitivement refusé à l'étranger (...) ", tandis qu'aux termes de l'article L. 541-1 du même code : " Le demandeur d'asile (...) qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français ". Aux termes de l'article L. 542-1 de ce code : " Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé (...), le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (...) ". Aux termes de l'article L. 532-53 du même code : " Les décisions de la Cour nationale du droit d'asile sont lues en audience publique (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier, et, notamment, du relevé Telemofpra produit par le préfet de l'Yonne, que Mme B... a introduit, le 16 août 2022, un recours contre la décision de l'OFPRA du 31 mai 2022 qui lui a été notifiée le 20 juin 2022. Ce faisant, la requérante a nécessairement manifesté qu'elle avait pris connaissance de cette décision. En tout état de cause, son droit au maintien sur le territoire français a pris fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la CNDA, le 27 avril 2023. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que, bénéficiant du droit de se maintenir sur le territoire français, elle ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.
8. En troisième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision en litige, ni d'aucune pièce du dossier, que le préfet de l'Yonne n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme B... avant de l'obliger à quitter le territoire français.
9. En quatrième lieu, Mme B... soutient qu'elle court le risque de subir des persécutions de la part des rebelles anglophones du fait des opinions politiques qui lui sont imputées en raison de son appartenance à la communauté francophone, et qu'elle craint les agissements de sa famille paternelle à la suite d'un conflit familial. Toutefois, la requérante ne produit aucun élément probant de nature à établir qu'elle serait personnellement exposée à des peines et traitements inhumains et dégradants en cas de retour au Cameroun, alors au demeurant que la Cour nationale du droit d'asile n'a pas tenu ses craintes pour établies. Par suite, en fixant le pays à destination duquel Mme B... est susceptible d'être éloignée, le préfet de l'Yonne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, non plus que les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En dernier lieu, Mme B... reprend en appel les moyens qu'elle avait invoqués en première instance, tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée l'obligation de quitter le territoire français. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de Mme B... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent également être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par Mme B....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2025, à laquelle siégeaient :
M. Arbaretaz, président de chambre,
Mme Evrard, présidente assesseure,
M. Savouré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juin 2025.
La rapporteure,
A. EvrardLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY00219